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138513 mars 2013 – Le rapport annuel de Michael Gilmore, directeur au Pentagone du DOT&E (Defense Operational Test and Evaluation), a eu un certain retentissement. Il décrit les mille et une limitations catastrophiques du JSF, ou F-35 Lightning II, avion de combat incapable d’opérer opérationnellement, incapable même d’assurer l’entraînement de ses pilotes à sa propre conduite à cause des kyrielles de limitations qui lui sont imposées. (Notre lecteur Richard Rutily, qui nous tient parfaitement informé des tribulations du DreamLiner, suppléant ainsi heureusement à une de nos faiblesses, avait communiqué, citant ce rapport le 7 mars 2013, quelques-uns des éléments de restriction de l’usage du JSF.) La remarque finale de Winslow Wheeler, qui a diffusé et commenté le document (datant du 15 février) sur le site POGO, le 6 mars 2013, est sans véritable surprise… «The conclusion is obvious: The F-35A is not viable.»
Le 7 mars 2013, AOL Defense, commente le rapport de Gilmore, – ce n’est pas le premier du genre, concernant le JSF, et toujours dans le même sens évident. On lit une appréciation, en passant, qui n’est pas inintéressante de la part de AOL Defense, concernant “au moins une source au Pentagone” (Gilmore) qui parle du JSF avec indignation et un brin d’exaspération (notamment celle de n’être guère écouté)… «“Little can be learned from evaluating training in a system this immature,” Michael Gilmore, director of Operational test and Evaluation wrote in “F-35A Joint Strike Fighter: Readiness for Training Operational Utility Evaluation,” a Feb 15 report, one which had at least one Pentagon source sputtering with indignation and a touch of exasperation...»
Le même article poursuit par la réaction du JPO (JSF Program Office, dirigé par le général de l’USAF Bogdan)… «On the other hand, the JPO issued this statement: “The U.S. Air Force conducted the operational utility evaluation for its F-35As and determined its training systems were ready-for-training. F-35 operational and maintenance procedures will continue to mature as the training tempo accelerates. The DOT&E report is based upon the Joint Strike Fighter Operational Test Team report which found no effectiveness, suitability or safety response that would prohibit continuation of transitioning experienced pilots in the F-35A Block 1A.1 transition and instructor pilot syllabus.”»
AOL Defence commente aimablement : «So, someone would appear to be wrong here. Or we just have different organizations seeing the same data and coming to very different conclusions.» Nous, nous dirions qu’à l’affirmation furieuse de Gilmore : “Le JSF ne vaut rien, n’est bon à rien, n’ira nulle part”, le JPO de Bogdan répond : “Gilmore n’a rien compris, il ne sait pas lire les chiffres, le JSF marche bien…”
C’est pourtant le même Bogdan qui, le 28 février 2013, lors d’un salon aéronautique en Australie (pays dont le gouvernement prétend toujours commander cet avion), vouait Lockheed Martin aux gémonies pour sa façon de gérer le programme du JSF, et de tenter d’en extraire le moindre cent sans souci d’efficacité et de responsabilité. Quelques semaines auparavant, après avoir pris en main le JPO en décembre 2012 et examiné à fond le programme JSF du côté de Lockheed Martin, il avait eu cette appréciation, dite en public, devant les invités de l’Air Force Association : «It was an unimaginable mess…» Le chœur des vierges pas folles du tout (voir salaires) défenderesses du JSF, Richard Aboulafia et Loren B. (Thompson), se récrie unanimement, jugeant Bogdan trop “rude” pour le promotion d’un système de cette qualité et de cette dimension. Loren B. tapote sur sa table magistérielle avec sa règle et fronce les sourcils : «Perhaps Bogdan's “tough love” approach to dealing with industry is a reflection of the unusually difficult circumstances he faced in getting the Air Force's new tanker under contract. If so, he needs to tone down the rhetoric because he is now running a program [the JSF] that is much more mature…» (Early Warning, le 8 mars 2013).
C’est le même Bogdan qui est content du JSF, qui est furieux contre Lockheed Martin, qui se fait admonester par les vierges bien rémunérées, qui vous annonce en plus qu’il sera, en 2017, “enceint” du JSF, – et aucun avortement ne sera possible… (Bogdan est peut-être bien croyant et pratiquant de l’Église qui va bien, pour mieux en suivre les préceptes.) «The biggest barrier to cutting the F-35 program, however, is rooted in the way in which it was developed: The fighter jet is being mass-produced and placed in the hands of military aviators such as Walsh, who are not test pilots, while the aircraft remains a work in progress. Millions more lines of software code have to be written, vital parts need to be redesigned, and the plane has yet to complete 80 percent of its required flight tests. By the time all that is finished — in 2017, by the Pentagon’s estimates — it will be too late to pull the plug. The military will own 365 of them. By then, “we’re already pregnant,” said Air Force Lt. Gen. Christopher Bogdan, who oversees F-35 development for the Pentagon.»
Après un aveu rapide qui semble tout de même faire justice des invectives lancées par le JPO et donc lui-même à Gilmore («If we don’t do things now to change the game, this airplane will be unaffordable to fly…»), le même Bogdan affirme, tonitruant, une chose extraordinaire, qui va contre toutes les traditions et procédures de l’USAF et du Pentagone exigeant que les chefs effectuent des rotations rapides, comme un défi public lancé à sa hiérarchie… «Unlike other senior officers, who change assignments ever few years, he intends to stay for 10 years. “The only way I’m leaving this program,” he said in the interview, “is if I’m fired.”»
Mais laissons là les acteurs militaires et bureaucratiques directs. Il est évident qu’ils sont déjà psychologiquement fatigués et qu’ils sortiront de cette bataille du JSF psychologiquement épuisés ; ils seront de plus en plus subvertis dans ce domaine de la psychologie, beaucoup trop et irrémédiablement subvertis pour espérer parvenir à forcer une décision raisonnable, et ils le sont d’ores et déjà pour nous donner des indications intéressantes … Il est évident que les remarques furieuses du général Bogdan, parlant en des termes presque affectifs et intimes du JSF (lorsqu’il sera “enceint” de cet objet maléfique, donc définitivement prisonnier de lui comme une fille vous force au mariage par ce biais), d’autre part ridiculisant Gilmore parce qu’il dit l’évidence concernant le même objet, tout cela montre de la part de cet officier général ce même épuisement psychologique dont nous parlons. Les derniers extraits ci-dessus concernant ce même Bogdan viennent d’un article massif de Rajiv Chandrasekaran, dans le Washington Post, du 10 mars 2013. Il s’agit d’un article bien curieux ou bien remarquable, dont nous croyons qu’il témoigne bien, volontairement ou non, de l’accablement de ce domaine de la psychologie. A sa lecture, on a un enchaînement d’impressions étrangement contradictoires, les unes qui vous font croire que le JSF est une “incredible shit” qu’il vaut mieux abandonner aussitôt (le “incredible shit”, selon un commentaire d’un lecteur de AOL Defense qui mériterait la postérité) ; d’autres qui vous font conclure qu’avec quelques ajustements de plus, comme dans le cas de tout artefact technologique qui se respecte, le JSF sera le meilleur avion du monde ; d’autres encore, que le JSF a été conçu, ficelé, arrangé, développé et réparti de façon à ce qu’on ne puisse plus jamais s’en débarrasser (ce qui rejoint l’image du général Bogdan “enceint” du JSF à partir de 2017)…
Ce dernier point est expliqué notamment par Pierre Sprey et Chuck Spinney, deux membres prestigieux des anciens “réformateurs” du Pentagone des années 1970-1980, cités plusieurs fois dans l’article bien qu’ils ne soient pas très bien vus dans l’environnement-Systrème du journal et de l’avion. «When the F-35 finishes testing [in 2017], “there will be no yes-or-no, up-or-down decision point,” said Pierre Sprey, who was a chief architect of the Air Force’s F-16 Fighting Falcon. “That’s totally deliberate. It was all in the name of ensuring it couldn’t be canceled.” […] “It was a bait-and-switch operation; we were overpromised benefits and under-promised costs,” said Chuck Spinney, a former Pentagon analyst who gained widespread attention in the 1980s for issuing pointed warnings about the military’s pursuit of unaffordable weapons. “But by the time you realize the numbers don’t add up, you can’t get out of the program.”»
A cela, on ajoutera la manœuvre classique des producteurs d’armement US, depuis toujours utilisée dans les cas des grands programmes : «The reasons for the F-35’s relative immunity are a stark illustration of why it is so difficult to cut the country’s defense spending. Lockheed Martin has spread the work across 45 states — critics call it “political engineering” — which in turn has generated broad bipartisan support on Capitol Hill.» Cet argument, d’une platitude aussi morne que les votes du Sénat sur les sanctions contre l’Iran, explique notamment pourquoi le sénateur McCain, “chevalier blanc“ anti-JSF jusqu’à il y a peu (voir encore le 19 décembre 2011) a viré de bord, s’étant aperçu entretemps que le JSF, non seulement faisait des progrès peu ordinaires, mais en plus était promis à devenir le meilleur avion de combat du monde. On comprend tout, ce qui n’est pas difficile compte tenu de la transparence de la chose. L’habileté du Corps des Marines, commis par le Système pour neutraliser en douceur un McCain qui se révèle aussi ferme qu’un éclair au chocolat, réside en ceci qu’entre “autrefois” et “dorénavant”, le susdit Marine Corps a choisi la base de Yuma pour y baser un escadron de F-35B, ce qui fera de nouveau de cette base un centre d’activité profitable à la région, qui se trouve être dans l’État de l’Arizona, qui se trouve être l’État que représente le sénateur au Congrès.
«Even Senator John McCain, who has been a critic of the fighter, toned down his rhetoric to welcome a squadron of the Marine Corps’ F-35B short-takeoff-and-vertical-landing jets to his home state of Arizona in November [2012]. McCain said he was encouraged the program was “moving in the right direction” after years of setbacks. The jet “may be the greatest combat aircraft in the history of the world,” he said at a ceremony at Marine Corps Air Station Yuma. The Republican senator had described the F-35’s ballooning costs and delays as “disgraceful,” “outrageous” and a “tragedy.”» (Bloomberg.news, le 22 février 2013).
…Pour autant, avons-nous vraiment compris la cause de la résilience du JSF, alors que ce programme devrait depuis longtemps avoir été abandonné ? Ce que nous avons rapidement mentionné ci-dessus comprend quelques “comment” (comment le JSF résiste à tout), mais nulle part n’apparaît le “pourquoi” fondamental.
En effet, la question ne se pose pas aujourd’hui de savoir si le programme JSF doit ou non être abandonné, mais bien de savoir comment existe ce fait extraordinaire qu’il n’ait pas été abandonné, – ou, pour retrouver notre énoncé fondamental : “pourquoi le programme JSF n’a-t-il pas et n’est-il pas abandonné alors qu’il pose un risque mortel pour une part importante de la puissance militaire US ?”. (Ajoutons rapidement qu’on ne peut avancer l’argument de l’obstacle bureaucratique infranchissable per se. L’histoire du Pentagone est marquée de nombre de grands programmes jugés essentiels et technologiquement fondamentaux, accordés en leur temps à des stratégies fondamentales, et qui furent pourtant abandonnés ou drastiquement réduits : citons le F-107 destiné à devenir le nouveau chasseur de l’USAF, abandonné en 1958, obligeant l’USAF à l’humiliation d’adapter de toute urgence un chasseur de la Navy à ses besoins immédiats [le McDonnell F4H-1, devenu F-4 Phantom II] ; le bombardier XB-70 Walkyrie abandonné en 1963, ; le TFX devenu F-111, pulvérisé entre 1962 et 1969 par rapport à ses prévisions d’avion de combat unique pour tous les services et réduit à un avion marginal de l’USAF ; le NATF de l’US Navy [équivalent de l’ATF devenu F-22] et surtout l’AX devenu A-12 de la même Navy, tous deux abandonnés durant la période 1986-1991.) Il faut observer qu’on retrouve une conjoncture, ou plutôt une rupture, qui montre qu’à un moment le destin du JSF a divergé pour échapper à toutes les normes dites “raisonnables”, alors qu’il était sur le point de subir raisonnablement le sort que ses tares irrémédiables nécessitaient.
• Au printemps 2000, le JSF, dans un brusque revirement de tendance tenant à la fin du règne démocrate de Clinton, était considéré comme condamné. On peut consulter notre texte du 10 juin 2000, intitulé «Panique JSF», alors extrait de notre Lettre d’Analyse (papier) dedefensa & eurostratégie. Même l’hyper-expert Aboulafia, aujourd’hui chantre inspiré du JSF à l’image de son compère Loren B. Thompson, faisait fonctionner sa puissante capacité d’analyste pour chercher “comment” (abandonner le JSF), après que le “pourquoi” eut évidemment trouvé sa réponse. (Dès cette époque, le JSF était tenu pour un “monstre” infaisable, ayant démontré tous ses vices intrinsèques, et notamment l’impossibilité d’accorder des spécifications joint, des trois grands services impliqués dans le programme.) : «L'expert américain Richard Aboulafia, consultant du Teal Group, basé en Virginie, remarque (le 17 mai 2000 dans le New York Times) que “tout le monde voudrait assister à ses funérailles [du JSF] mais personne ne veut être l'assassin”.» Finalement, Rumsfeld fut désigné pour exécuter le “contrat”, le nouveau secrétaire à la défense entré en fonction en janvier 2001 s’y connaissant en matière d’exécution. La chose était d’autant plus aisée politiquement que le JSF était perçu et connu comme “un programme démocrate”, conçu et imposé par l’administration Clinton contre le désir des chefs militaires et des conceptions farouchement identitaires des services (pas d’avions joint USAF/Navy), et tenu à bout de bras par cette administration jusqu’au terme de son mandat.
• Rumsfeld poursuivit ce but tout au long du printemps et de l’été 2001, jusqu’alors sans succès… Il se heurtait à une force dont il n’imaginait pas la puissance : la bureaucratie du Pentagone, qu’il compara dans son fameux discours du 10 septembre 2001 (voir le 11 septembre 2001) à un ennemi des USA plus puissant et plus redoutable encore que l’URSS. La bureaucratie, conçue ici, également, comme une entité spécifique, presque comme un égrégore maléfique, ne défendait pas spécifiquement le JSF dans ce cas précis, elle défendait toute réduction de sa puissance et de ses pouvoirs. Le discours du 10 septembre 2001 annonçait que Rumsfeld entrait dans la bataille finale contre la bureaucratie et qu'il entendait bien l'emporter (et exit le JSF)… La chose fut interrompue net dès le lendemain, le 11 septembre 2001, par un événement qui fit basculer toutes les priorités et, surtout, qui bouleversa absolument les psychologies. C’est l’hypothèse de la “métaphysique 9/11” (voir le 11 novembre 2011), d’ailleurs plus ou moins présente d’une façon diffuse dans nombre d’esprit, avec l’attaque 9/11 ; ainsi cette attaque apparaît-elle comme un “trou” dans “la continuité de l’espace-temps”, selon Justin Raimondo (en septembre 2011) : «However, as I’ve pointed out before – on all too many occasions – the terrific force of the explosions that brought down the World Trade Center opened up a hole in the space-time continuum, so that Bizarro World has “leaked” into our own universe, and is slowly taking it over» ; et cette brutale discontinuité permettant à la narrative de la métaphysique-Système d'entrer et de s’imposer avec une brutalité inouïe dans le cours de “l’espace-temps” désormais annexé complètement par le Système, et dans les psychologies américanistes si vulnérables…
• Dans un texte du 10 décembre 2001, nous défendions l’hypothèse que le JSF avait été “sauvé” par l’attaque 9/11, nous référant justement à ce discours du 10 septembre : «Une hypothèse que nous tenons comme très probable est que le programme JSF aurait été abandonné, réduit ou dénaturé, si l’attaque du 11 septembre 2001 n’avait pas eu lieu. La veille, le secrétaire à la défense Rumsfeld avait fait un discours d’une puissance stupéfiante, que nous avions commenté pour nos lecteurs ; comme on s’en doute, ce discours n’a pas survécu aux événements du lendemain….» Selon notre approche générale, ce sauvetage in extremis se transforma en triomphe absolument imposé et impératif, le JSF devenant un artefact de la métaphysique-9/11, et bientôt devenant une entité hors de toute portée de mesures critiques.
• Comment substantivions-nous cette hypothèse, que nous continuons à défendre aujourd’hui plus que jamais, – parce que, notamment, le parcours du JSF depuis 9/11, sa résilience maléfique (“maléfique” du point de vue du système du technologisme et de la puissance stratégique américaniste), ne répond à aucune explication attenante à la logique humaine, “du point de vue du système du technologisme et de la puissance stratégique américaniste” ainsi mis radicalement en cause ? Notre hypothèse était alors étayée par l’aspect mythique (et, par conséquent, métaphysique, comme nous l’observerions plus tard) qu’avait aussitôt pris 9/11 pour l’américanisme, et à l’évolution à la fois d’épuisement et d’hystérie, sinon d’épuisement par hystérie, qui a accompagné 9/11 dans le chef de la psychologie américaniste, conduisant à des jugements et à des décisions extraordinairement autodestructrices… La fermeté constante de poursuivre le JSF en est une, bien au-delà de toutes les considérations rationnelles, y compris les avantages du business, – même si, à ce niveau, notamment les dividendes du business, la fête continue comme l’orchestre continuant à jouer sur le Titanic en train de sombrer. (Mais l’orchestre du Titanic avait pour lui la perception de la dimension tragique de son destin, et son comportement était alors exactement inverse à celui qu’on décrit avec le JSF, caractérisé par le pur héroïsme.) Ainsi écrivions-nous ce même 10 décembre 2001, décrivant ce qui devait apparaître ensuite comme un processus de surpuissance engendrant parallèlement son double d’autodestruction si l’on considère le destin catastrophique du JSF et ses effets sur la puissance US qui suivirent :
«9/11 a tout changé. L’événement a suscité une politisation radicale de tous les domaines aux USA. La question des armements y figure au premier rang, particulièrement dans son aspect le plus avancé des technologies. C’est encore plus le cas d’un système aux prétentions globales comme le JSF, qui représente à lui seul une stratégie à l’exportation, voire la seule stratégie à l’exportation possible (concevable) des États-Unis. Il y a un JSF post-9/11, qui diffère fondamentalement du JSF d’avant l’attaque.
»La réaction à 9/11 a été double aux USA : réaffirmation agressive et panique profonde. Le JSF et la stratégie à l’exportation qu’il représente constituent évidemment le relais quasiment automatique de la première réaction, celle de la réaffirmation agressive. Le JSF est devenu une “arme” pour établir un nouvel ordre (américain) que l’attaque 9/11 rend impératif.»
Décrivant ensuite l’entreprise idéologique ainsi lancée, notamment par le biais des programmes d’armement et surtout du JSF, nous observions plus loin dans le texte, nous référant effectivement à une dimension idéologique et doctrinale fondamentale de l’américanisme, dont la perception métaphysique venue des années 1930 imprégnées des conceptions racistes et suprématistes courantes dans l’américanisme, et qu’on retrouvait alors dans le nazisme : «Cette entreprise acquiert naturellement, sans plan préconçu, — sans “complot” si vous voulez — les dimensions et les caractéristiques d’une machine de guerre idéologique. L’action est celle, assez naturelle désormais aux USA, du type impérialiste et d’orientation d’extrême-droite. Le business n’est plus le business, et le complexe militaro-industriel (CMI) a retrouvé les ambitions idéologiques de ses origines des années 1935-38, lorsque le professeur Millikan, physicien fameux et président de CalTech à partir de 1935, voyait dans le rassemblement scientifico-politique fait autour de l’industrie aéronautique en Californie (CMI originel), “the western outpost of the Nordic civilization”»
C’est évidemment sur ce point que nous étayons notre hypothèse sur la résilience du programme JSF, sur sa survie coûte que coûte… On remarque aussitôt que “survie” est un mot inapproprié, grossier, car c’est de sa maturation jusqu’à une sorte de puissance quasi-métaphysique dont il faut parler. Dans le chef d’une psychologie des profondeurs toute entière sous l’empire du Système, au-delà de la comptabilité et des évidences du technologisme arrivé à l’impasse de son inversion, il s’agit d’une volonté de tenir jusqu’au moment où le JSF, échappant à ses avatars catastrophiques, jaillira brusquement et selon une procédure miraculeuse propre à la “nation exceptionnelle”, comme la princesse s’éveille de son long sommeil ou comme le papillon sort de sa chrysalide, et s’imposera effectivement comme “le meilleur avion de combat du monde”, destiné à dominer le monde durant au moins trois-quarts de siècle selon les plan initiaux (le JSF doit aisément rester en service, meilleur que tous les autres, jusqu’en 2075, annonçait Lockheed Martin en 1998), – allons, n’hésitons pas, “destiné à dominer le monde du XXIème siècle”, point final…
C’est cette hypothèse-là qui nous importe, dans un monde, une contre-civilisation, un bloc BAO, une Amérique emportés par la folie qui réduit la pensée à une narrative de puissance “exceptionnaliste” se déployant sous la forme d’un conte merveilleux ; il s’agit d’une folie, nécessairement médiocre puisque machinée par le Système, se référant au diagnostic désormais courant de la maniaco-dépression, avec l’accent sur l’hypomanie et l’hystérie qui va avec, où la raison même amoindrie par la subversion du “déchaînement de la Matière” n’a absolument plus sa place. Au moins, nous pouvons mesurer ce que nous réserve cette “pensée” qui est subversion et inversion pures, parce que c’est elle avec sa “logique” qui domine le destin du JSF. Ce programme d’une puissance intrinsèque considérable, mais (sur)puissance autodestructrice dans ce cas, est sorti depuis longtemps des normes du technologisme, des programmes d’armement des planification stratégique, etc., pour devenir un artefact fondamental, cet égrégore de la pseudo-métaphysique de l’américanisme, inspirée par le Système. Le choc terrible du 11 septembre 2001 a effectivement suscité cette transmutation et le JSF a son destin tracé, effectivement comme une entité, comme cet égrégore résilient à laquelle rien ne peut résister au Pentagone, au Congrès, à la Maison-Blanche.
Cette hypothèse, qui porte d’un côté sur des appréciations hors des normes d’une raison subvertie par le Système et désormais disqualifiée lorsqu’elle est laissée à elle seule pour juger d’une époque au-delà de son entendement, et de l’autre côté sur l’affirmation que la psychologie est constamment l’objet d’attaques du Système pour orienter la pensée, permet de rendre compte d’une situation si complètement déstructurée et en flux constant de dissolution. (Cette situation, celle du programme JSF considéré comme un phénomène essentiel de la situation générale, comme celle de la situation générale elle-même.) Cette hypothèse permet de comprendre les variabilités extraordinaires de jugement sur le programme JSF (idem : comme sur la situation générale elle-même), selon que les psychologies impliquées sont soumises au Système ou lui résistent, elles-mêmes avec plus ou moins de résilience (psychologie antiSystème). Cela constaté, il y a finalement le fait que le programme JSF est lui-même, per se, un phénomène si extraordinaire qu’il autorise effectivement l’appel à la sorte d’hypothèses qu’on soulève dans ce texte. Dans cette «époque» au caractère si maistrien et qui en appelle pour être comprise à des références à la philosophie pérenne, ou “Tradition primordiale”, pour pouvoir continuer à pensée sans se trahir indignement ni se perdre dans la folie, seule l’aide de l’approche métaphysique, autant pour apprécier une vérité que pour débusquer les impostures métaphysiques, permet de faire avancer l’esprit sur la voie de la compréhension. Tout les autres références condamnent à un rabâchage sans fin des mêmes lieux communs rassurants (pour les psychologies-Système) ou à une critique fondée mais qui se révèle inféconde à cause de son absence de perspective (pour l’approche antiSystème qui se contente des seules références du Système).
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