Le JSF en 2010

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S’il faut chercher des signes indirects mais significatifs du sort du programme JSF en 2010, nous serions conduits à penser qu’on les trouve dans des commentaires sur leurs “blogs” de deux collaborateurs du groupe McGraw-Hill, qui édite Aviation Week & Space Technology, et Defense & Technology International. La raison est que ces publications sont prestigieuses, que ce groupe est à la fois proche des milieux du Pentagone et de l’industrie d’armement, mais également avec une vision journalistique attentive et parfois critique des politiques qui y sont menées.

• La première note que nous signalons est du 30 décembre 2009, de Amy Butler, avec un titre plein de sous-entendus divers, c’est-à-dire dans divers sens: «The End is Near for JSF (at least the end of 2009).» Butler résume la situation du JSF telle qu’on la connaît, avec les problèmes présents et ceux qui s’annoncent, et la prolonge par une question centrale pour 2010: «Whatever the problems will be, my question is when will they trigger the all important Nunn-McCurdy cost/schedule breach law, which requires an agency to fully review a program's very existence in the face of significant overruns. And if – or most likely when – this happens, how will DOD handle it?» La nuance introduite (“Et si – ou plus probablement quand – cela arrivera, comment le DoD va-t-il procéder?”) indique que Butler est plutôt persuadé que le JSF va tomber sous le coup de la loi Nunn-McCurdy, qui impose au mieux une restructuration complète du programme, au pire son abandon. Butler évoque toutes les manœuvres possibles du Pentagone pour éviter les conséquences de cette loi, voire son application dans le cas du JSF par des artifices comptables, et termine en espérant que rien de semblable ne sera fait parce qu’il est temps, il est grand temps que la situation réelle du JSF soit enfin officiellement actée, et que les mesures nécessaires à prendre soient prises – “pour aborder de front les problèmes du programme”.

«Maybe this is just misplaced optimism around the new year, but I hope not. In order for the Pentagon to have a glimmer of hope in avoiding its past missteps in procurement and program management, it needs to be upfront about its current problems. And that may mean suffering through a Nunn McCurdy in earnest on JSF, if it is warranted.»

• La seconde note est en fait un tout petit paragraphe dans une analyse générale rapide que Bill Sweetman donne des problèmes du Pentagone pour 2010, le 4 janvier 2010… Tout petit paragraphe, comme en passant, mais tonitruant – comme si Sweetman opposait le miracle (“le plus formidable changement d’orientation d’un programme dans l’histoire de la galaxie”) à la fatalité du destin (“le cas le plus spectaculaire d’une formidable ambition se transformant en calvaire dans l’histoire de l’ingénierie depuis le Titanic”): «Speaking of JSF: It's simple. Either this year sees the most amazing program performance turn-round in the history of the galaxy, or we are looking at the most spectacular case of engineering hubris-to-nemesis since the Titanic.»

Notre commentaire

@PAYANT 2010, l’année de vérité pour le JSF? Il faut noter que ce n’est pas la première fois que l’on pose cette question à propos d’une année nouvelle et à propos du programme JSF. Entretemps, les choses ne cessent de se dégrader et l’on progresse désormais vers des échéances inévitables. L’administration Obama va devoir fixer sa position de principe fondamentale pour les quatre années à venir concernant ce programme et le soutien de Gates au programme, d’ailleurs de plus en plus nuancé, est un facteur qui perd chaque jour de son importance en raison du probable départ de sa fonction de secrétaire à la défense dans les quatre à six mois qui viennent. Le Congrès va entrer dans la danse à partir de février, avec la discussion du budget FY2011 du Pentagone, et l’on sait déjà que sa position à l’égard du programme est extrêmement critique. Par conséquent, il y aura nécessairement des décisions très importantes en 2010 concernant le programme, avec des prévisions quasiment acceptées officiellement (celles de l’équipe JET) qui prévoient des délais importants (2 à 3 ans) et des augmentations importantes du coût du programme ($17 milliards) pour les trois prochaines années.

Il est remarquable que deux commentateurs d’un groupe aussi important et influent que McGraw Hill évoquent sans la moindre équivoque des possibilités radicales, qui ne sont pas loin des hypothèses les plus extrêmes (abandon ou effondrement du programme). Il sera extrêmement difficile à l’équipe dirigeante du Pentagone d’effectivement écarter la question existentielle du JSF. Elle peut tout de même décider de le faire par des artifices ultimes, et l'ont suggère cela parce que ce serait bien dans la manière de son chef, le président Obama, qui a montré sa très grande timidité devant des décisions radicales qui risquent de soulever des réactions très fortes. L’ironie de la chose, qui fait du JSF un cas extrême, est qu’une non-décision ou une année de camouflage supplémentaire de la catastrophe qu’est le JSF, si cela évitait certaines réactions très fortes, en amèneraient d’autres qui le seraient tout autant, dans l’autre sens.

Le JSF est donc le cas fondamental, dans la programmation du Pentagone, c’est-à-dire dans le cœur de la puissance du Pentagone qui est elle-même la machine qui inspire l’essentiel de la politique de puissance (éventuellement en déroute) des USA. C’est le cas fondamental de l’impasse qui, à partir d’un certain point, interdit les demi-mesures. Ce cas fondamental, semble-t-il, a toutes les raisons logiques et chronologiques d’arriver à maturité en 2010 – comme le laissent entendre, d’une façon révélatrice, nos commentateurs cités plus haut. Si la chose se fait, on verra une crise majeure secouer, non seulement le Pentagone et le CMI (et l’industrie d’armement), mais le monde politique de Washington et, peut-être, la politique générale des USA elle-même.


Mis en ligne le 5 janvier 2010 à 06H20