Le JSF sera vraiment “Made In USA”, et même au-delà de 100%

Faits et commentaires

   Forum

Il n'y a pas de commentaires associés a cet article. Vous pouvez réagir.

   Imprimer

 525

Le JSF sera vraiment “Made In USA”, et même au-delà de 100%


20 octobre 2003 — Une information intéressante est glissée dans un article de Asian-Pacific Defence Reporter (APDR), revue d’armement australienne, dans le numéro d’octobre 2003 (Volume 29 n°7). Un des collaborateurs de APDR, Anil R. Pustam, consacre un article aux missiles air-air. Il fait une revue classique des modèles disponibles et de leurs perspectives. APDR apporte une confirmation de ce que les spécialistes du domaine ont évalué : le Meteor, le nouveau missile air-air européen à longue portée ne pourra pas être embarqué à bord du JSF.

On y lit ce passage, consacré au missile européen air-air MBDA Meteor, avec la précision consacrée au JSF soulignée en gras :


« The Europe and US had previously agreed to split the development of AAMs, the respective parties focusing on medium and short-ranged weapons. However this arrangement collapsed and Europe, led by the UK with the other partners after Germany being France, Italy, Spain and Sweden, went ahead with the development of an indigenous next-generation BVR weapon, the MBDA Meteor AAM. MBDA received a US$2.1 billion development contract in December 2002. The active radar-guided Meteor, to be powered by a rocket ramjet, will have a range greater than 100km. The UK will be the launch customer with service entry planned by 2012. Meteor will arm the new generation of European fighters, Typhoon, Rafale and Gripen. In 2005 the missile will be fired from a Gripen to be followed by launches from Typhoon and Rafale. The Meteor will not fit in the weapons bay of the JSF (unlike AMRAAM) and at this stage it cannot be confirmed whether it will eventually be integrated with the aircraft. »


Cette information est d’autant plus intéressante qu’elle n’est pas isolée, complétée par d’autres. Par exemple, la possibilité pour le JSF d’emporter le missile air-air à courte portée (américain) Sidewinder dans ses versions avancées, mais l’impossibilité par contre d’emporter le missile correspondant britannique, le ASRAAM. La Lettre d’information TTU du 2 octobre donne ces détails : « L'industrie américaine a repris à son compte, avec le JSF, le célèbre précepte de Ford : “Vous pourrez tous avoir une Ford T de n'importe quelle couleur à condition qu'elle soit noire”. Les options, non comprises dans le programme, seront facturées : si les Britanniques persistent à vouloir embarquer en soute l'ASRAAM, et non pas uniquement le Sidewinder, le développement d'un système d'éjection du missile se fera à leurs frais. Même punition pour les Norvégiens qui espéraient tirer depuis la soute le missile air-surface Penguin. »

L’affaire du Meteor va plus loin parce que ce missile représente un programme européen majeur, que le Royaume-Uni, partie prenante du programme, est un acheteur important de l’engin, qu’il le prévoit d’abord pour son programme Typhoon dont on devine qu’il est de plus en plus menacé. (Selon The Observer du 19 octobre, le nouveau “Livre Blanc” pour la programmation militaire annonce des réductions importantes, et notamment une importante réduction de la commande de Typhoon : « Purchase orders of the Eurofighter Typhoon combat jet, now grounded due to brake problems, is likely to be cut from 232 to 130. ») Ces développements impliquent la probabilité d’un besoin réduit de Meteor pour le Royaume-Uni, ce qui pèsera directement sur la vigueur du programme.

La question du JSF est spécifique. Certains pourraient considérer que cet avion n’est pas spécialement destiné à emporter des missiles sol-air, surtout à longue portée, en raison de sa spécialisation dans les missions d’appui tactique. Mais cette logique, si elle existe au départ, devrait être prompte à évoluer selon les développements des différents programmes et versions impliqués, dans une époque où ces types de systèmes sont soumis à des pressions extraordinaires (le JSF également, d’ailleurs). Dans tous les cas, les nouvelles présentées ici signifient que les Britanniques vont être extrêmement mal à l’aise pour évoluer sur leurs programmes d’adaptation de leurs propres équipements sur le JSF, avec les répercussions sur ces équipements.

Mais adoptons une vision plus large. Cet épisode renforce ou confirme certains enseignements notables.

• Le JSF, même lorsqu’il se présente comme un programme international, tend à rester un programme 100% US et au-delà, — puisqu’il interfère sur d’autres équipements européens. Si les avions non-US devaient être équipés de missiles US tel que l’AMRAAM, — par exemple pour éviter des coûts d’adaptation du Meteor, — on observe évidemment la probabilité de difficultés supplémentaires des acteurs non-US à contrôler leurs systèmes. Le cas de l’AMRAAM est un cas où la possibilité de livraison des codes-sources contrôlant l’utilisation du système aux acquéreurs non US est encore très fortement en balance, y compris pour les Britanniques.

• Le constat est fait, une fois de plus, que le JSF s’avère être un système dévastateur pour l’industrie européenne d’armement dans laquelle sont impliqués également les acheteurs européens du JSF.

• Inutile d’ajouter, — mais si, tout de même, insistons là-dessus : l’intrusion probable dans la législation américaine d’une version ou l’autre du projet de “Buy American Act” du député Hunter va, dans ce contexte, encore plus aggraver toutes ces conditions politiques en tendant considérablement l’atmosphère jusqu’à des blocages probables autour de certains des aspects évoqués ici, voire pour tous.

Au-delà encore, une probabilité nous apparaît, compte tenu des questions soulevées autour du programme JSF lui-même et des incertitudes extrêmement fortes qui le caractérisent de plus en plus. Il est difficile de penser que ces avatars divers et ces interrogations, dans le climat exacerbé des relations transatlantiques autour des questions de sécurité et de défense, ne conduisent pas, chez certains des acteurs européens, à une réévaluation politique de l’engagement dans le JSF. C’est alors qu’on pourra parler de “crise”.