Il n'y a pas de commentaires associés a cet article. Vous pouvez réagir.
380
2 avril 2005 — La visite à Pékin d’une importante délégation du Kuomintang, le parti historique de Tchank Kaï-check, raisonne bien curieusement dans l’ambiance d’affrontement caractérisant les analyses occidentales et transatlantiques des relations Chine-Taïwan. Le Kuomintang est actuellement dans l’opposition à Taïwan, et la visite de la délégation à Pékin est dénoncée avec fureur par le parti au pouvoir.
Jonathan Watts, du Guardian, met en évidence le caractère surprenant de cette visite.
« Given the timing, the visit to Beijing today of Chiang Pin-kung, the Kuomintang vice-chairman, might have been dismissed as an April fool's joke. Instead, it was loaded with very real political significance.
» The highest level visit by the Communist party's former nemesis comes less than a month after the Chinese legislature passed an ‘anti-secession law’ mandating the use of force to prevent Taiwan from moving any closer to independence. Earlier in the week, Mr Chiang and the other 29 members of his delegation visited the grave of Sun Yat-sen and other ‘revolutionary martyrs’, discussed the possibility of improved trade and transport links and travelled around three cities, where he was feted by the same communist-controlled media organs that once vilified his predecessors.
» The China Daily — Beijing's loudspeaker to the international community — praised Chiang's “political courage and far-sightedness”. Other papers quoted senior communist officials as saying the visit opened “unprecedented party-to-party exchanges and dialogue”. Beijing also used the opportunity to invite the Kuomintang leader and former Taiwanese president, Lien Chan, for a first visit. »
Rapide revue des implications et de la signification intérieures de ce voyage, avec la mise en évidence par Watts de la séparation de facto entre les chinois nationalistes continentaux (venus de Chine continentale avec Tchang en 1949) dont le Kuomintang est le parti, et les Formosans d’origine. Les premiers considéraient avec faveur un rapprochement vers Pékin, précise Watts, mais après 56 ans d’exil ils seraient moins intéressés. Cette affirmation est assez paradoxale au moment où le Kuomintang fait cette ouverture et où les Taïwanais voient la chose d’un bon œil (« Nonetheless, polls suggest that most Taiwanese are happy for dialogue — in any form - to take place across the Strait. Amid an arms build-up on both sides, and increased political tensions as a result of the anti-secession law, the public appears to welcome any possible step towards peace. »)
Il est bien évident que nous ne sommes pas à l’abri des contradictions et des manipulations dans nos tentatives de compréhension de la situation intérieure, avec les effets extérieurs. Contradiction ou manipulation? Justement, nous y sommes: que cette détente dans les relations et cette satisfaction dans le public taïwanais se placent au moment, comme le rappelle Watts, d’un renforcement des capacités d’armement des deux côtés et d’une tension politique renforcée, n’est-ce pas un paradoxe qui laisse à penser? A cette lumière, il faut se demander quel est le fondement de cette tension renouvelée. Quel est le fondement des analyses alarmistes des politiciens et analystes américains, poussés par un lobby taïwanais qui surclasse en efficacité celui qu’avaient mis en place les exilés irakiens avant la guerre? Que signifie, dans ce contexte, l’offensive US contre l’Europe pour ne pas lever un embargo européen sur les armes qui n’a jamais été vraiment respecté, au nom des soi-disant menaces militaires pesant sur Taïwan?
Les Américains ont déjà réussi une manœuvre semblable, d’ailleurs commençant sous le règne du gentil Clinton, en sabotant en partie, dans les années 1990, les tentatives de rapprochement entre les deux Corées. La situation qu’on connaît, — blocage, confrontation, perpétuation du régime de Kim Il-song, développement du programme nucléaire de la Corée du Nord — en est pour une part non négligeable l’effet remarquable, entretenu comme on arrose ses plantes chaque matin par les invectives des néo-conservateurs et les sorties furibardes du futur ambassadeur à l’ONU John Bolton. Cela permet à Rice de rappeler, à propos de la question de la levée de l’embargo européen, qu’en Asie c’est l’Amérique qui est en charge de la sécurité, pas l’Europe. (Les pays asiatiques apprécieront.)
Le processus est effectivement toujours le même. Un commentaire du Christian Science Monitor, citant un texte de atimes.com du 30 mars sur la vente de F-16 au Pakistan et la proposition de vente à l’Inde, le décrit bien, sous la rubrique “ironie” : « The irony of the initial offer of US arms sale was not lost. Commentary in Asia Times, citing P.R. Chari, research professor at the Institute of Peace and Conflict Studies, a think-tank devoted to security in South Asia, noted that from a “position of imposing sanctions against both India and Pakistan for carrying out” nuclear tests, “Washington has come round to supplying both countries with platforms capable of delivering nuclear bombs.” »
En Asie, comme ailleurs d’ailleurs, les Américains fournissent en même temps les pyromanes, les pompiers et les commentaires moralisateurs. Le schéma vaut bien pour la “crise” Pékin-Taïwan.