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24 août 2002 — Le 22 août, dans le Washington Times, un général donne son avis sur certains aspects des plans envisagés pour l'attaque de l'Irak. Il s'agit du général James Jones, commandant du Marine Corps, l'un des cinq officiers généraux du Joint Chief of Staff. D'autre part, Jones est le nouveau SACEUR désigné (commandant en chef allié suprême en Europe), qui doit entrer en fonction à la fin de l'année. C'est un officier de haut rang mais c'est aussi un général “politiquement” important.
Lorsque sa nomination comme SACEUR fut annoncée, Jones fut présenté, notamment par Rumsfeld, comme un général novateur, qui n'a pas peur de dire ce qu'il pense. Dans cette intervention dans la presse, Jones prouve que Rumsfeld n'avait pas tort ; peut-être Rumsfeld regrette-t-il aujourd'hui de n'avoir pas eu tort à propos de Jones. La presse qui s'est intéressée aux déclarations de Jones, comme le London Telegraph du 23 août, l'a aussitôt interprétée comme une attaque contre les ultra-hawks du Pentagone, type-Wolfowitz (et Rumsfeld, d'ailleurs).
« One of America's most senior generals has condemned as ''foolish'' plans backed by leading Washington hawks to topple Saddam Hussein by using special forces in a repetition of the tactics that succeeded in Afghanistan.
(...)
» Gen Jones told the Washington Times that it would not be enough to copy the Afghanistan tactics. He hinted that America would have to build up big conventional forces if it wanted to be certain of success.
» “Afghanistan was Afghanistan; Iraq is Iraq,” he said, “It would be foolish, if you were ever committed to going into Iraq, to think that the principles that were successful in Afghanistan would necessarily be successful in Iraq. In my opinion, they would not.” »
Le reste de l'intervention du général Jones est très technique. L'important est son attaque contre les conceptions des super-hawks. L'important est aussi que le général Jones fait partie du Joint Chief of Staff (JCS). Son intervention coupe court aux appréciations selon lesquelles le Marine Corps était, avec l'USAF, beaucoup moins hostile au projet d'attaque des super-hawks que les autres armes. L'intervention de Jones marque un nouvel épisode dans l'affrontement entre civils et militaires.
• Les militaires sont très hostiles à la guerre contre l'Irak. Ils proposent un plan très ambitieux (au moins 250.000 hommes) à la fois pour prendre leurs précautions et pour retarder l'attaque (réunir 250.000 hommes nous amènerait au mieux au printemps-été 2003).
• Pour contrer cette opposition des militaires, dont l'argument technique (il faut 250.000 hommes) est soupçonné de servir de prétexte pour retarder l'intervention, les super-hawks (Wolfowitz, Perle) proposent un plan “léger” (beaucoup d'aviation, quelques unités des Special Forces encadrant des forces locales anti-Saddam, voire les Kurdes).
• L'attaque de Jones sera ressentie comme un acte politique dans la guerre interne du Pentagone, une mise en accusation directe du projet d'attaque légère à court terme.
Est-ce une coïncidence ? Au moment où Jones fait ses déclarations, GW fait savoir que sa lecture favorite cet été est Supreme Command, de Elliott Cohen. Trois exemplaires ont été commandés par la Maison Blanche à l'éditeur. L'intérêt est dans le thème de ce livre : les chefs civils doivent prendre le pas sur les chefs militaires en temps de guerre, et dans la personnalité de l'auteur (un partisan enthousiaste de la guerre contre l'Irak).
« Mr Cohen's book (“Superb” — Washington Post) analyses the performance of four successful war leaders —Abraham Lincoln, Winston Churchill, Georges Clemenceau and David Ben-Gurion —to illustrate the importance of strong political leadership at times of conflict, and of Talleyrand's remark that war is too important to be left to the generals.
(...)
« Me Cohen came out in favour of attacking Iraq last December, when the issue was only just beginning to surface near the end of the sustained hostilities in Afghanistan, and he reiterated his views last week when he criticised the way Pentagon dissidents “whinge to the press”. »