Le masque du jusqu’auboutisme

Journal dde.crisis de Philippe Grasset

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Le masque du jusqu’auboutisme

28 janvier 2021 – J’ai assisté hier à une séance révélatrice, toujours sur cette chaîne (LCI) qui s’est faite référence à nombre de points de vue des dispositifs du Système face aux grandes crises qui menacent son empire, avec ce qui reste dans le bon ordre et dans les rangs, et le désordre qui dépasse parfois un peu, et même de plus en plus souvent... Vous ne serez pas étonné si je vous dis ma conviction que cette accélération des bavures de langage par rapport à la feuille de route du Système vient de la pression des événements crisiques, qui ne cessent de s’accentuer à mesure que le Système tente de serrer les vis des bidules qu’il met en place à l’improvisé, pour tender d’aveugler les voies d’eau qui se multiplient sans qu’il (lui-même aveugle, le Système) les voit venir. C’est la chevauchée fantastique avec dans les trois rôles principaux Le Mythe, le-masque et Sisyphe.

Il y avait là cinq personnes, compris le présentateur, est-ce un Pujadas ou un autre je n’en dirais pas plus car j’ai le souvenir qui flotte. On commentait, on se lamentait et l’on affirmait martialement à propos du confinement-dur à venir, et promis illico-presto. Mais prêtons attention à l’un des quatre invités, que j’ai déjà vu plusieurs fois, sans retenir, ni son nom, ni ses titres clinquants dans l’art de la science médicale, sinon qu’il s’agit d’un de ces grands Cordons Bleus de la pensée sanitaire. Bref, c’est lui que nous allons suivre.

Je connais le visage de l’homme, ronchon, extrêmement sérieux, avec cette arrogance suspicieuse qui caractérise les ‘grands patrons’ comme on les appelait dans le Temps d’Avant. Mais là, personne ne le surprendra ; car je m’en aperçois brusquement : il est le seul à porter un masque, et nul ne verra ses traits trahir sa pensée ! Seule compte la parole doctorale.

Bien, je le cite en substance, pas question de verbatim car ce qui m’importe est bien de suivre la pensée. J’en rapporte trois étrapes, dans l’ordre, mais sans enchaînement assuré car je n’ai certainement pas suivi ce débat pas à pas. D’abord, l’on expose le problème d’une façon générale : tout le monde parle de confinement, qui de ‘confinement-dur’, qui de ‘confinement-doux’. Que faut-il faire, Docteur, dites-nous tout ?

Le Grand Homme répond en substance : “Écoutez, s’il s’agit de moi, et je pense que tous les médecins pensent comme cela [moi : ‘ça se discute’], nous aurions reconfiné totalement il y a déjà quinze jours. Mais j’entends bien que ce n’est qu’une partie des éléments que la décision politique doit prendre en compte. Ce que j’apporte ici, c’est la contribution sanitaire pour la prise de décision, qui doit venir du pouvoir politique”.

Ensuite, je signale une intervention où l’on discute du taux de présence dans diverses régions françaises des ‘variants’, essentiellement du type britannique et bien dans la tradition de la Perfide Albion. Des chiffres sont avancés, ici ou là, notre homme est consulté ; il répond qu’il n’entend certainement pas, lui, s’avancer dans de telles conjectures parce qu’il ne dispose pas de chiffres exacts et précis. Il est toute rigueur et modestie scientifiques après avoir été toute modestie et rigueur politiques ; si ce n’était le masque, je croirais voir la statue de la vertu civique.

Vient enfin le troisième tour (selon mon classement) qui intervient après un intéressant glissement des autres commentateurs, agitant et proclamant, de manière contestatrice et de plus en plus rudement, l’hypothèse de la poursuite indéfinie de la pandémie, de variant en variant, d’inconnue en inconnue. Ce glissement aboutit à une dame, dont je n’ai pas retenu le nom sinon qu’elle montrait un sens assez bon, qui chuchote que, si cela continue, il faudra envisager quelque chose de tout à fait différent, envisager de “vivre avec le virus”.

(C’est une idée qui est apparue à mon attention depuis quelques jours, comme je l’ai signalé il y a peu :
« D’où l’énigme de ce qu’on nomme chez les ‘experts’ la “sortie de crise” : quand aura-t-elle lieu, comment aura-t-elle lieu, – aura-t-elle seulement lieu, d’ailleurs ? La semaine dernière, sur une de ces surréalistes tables rondes des réseaux tout-info où l’on ne parle quasiment que du virus depuis un an, – la Covid, encore la Covid, toujours la Covid (*), – j’ai entendu pour la première fois cette évocation... [...]
» ...et l’un des invités de dire quelque chose comme ceci : “Le variant britannique, le variant sud-africain, et puis ceux qui suivront, et d’ailleurs est-on sûr que cela s’arrêtera un jour ?” Un silence gêné (plutôt que “silence de mort”) accueillit cette remarque de l’intervenant... »)

C’est alors, me semble-il, que cette dame évoquait cette possibilité que le Grand Homme sage et mesuré se mua en lion et rugit. Il brandit l’argument des vaccins avec force, on lui opposa timidement les ‘variants’ à venir ; il clama le pouvoir quasiment divinatoire des travaux en cours, car non seulement les vaccins exécuteraient les actuels mutants mais ils avaient déjà l’antidote mortel pour tous ceux qui pourraient suivre ; on s’abstint timidement de s’extasier devant cette perspective miraculeuse.

Enfin, le Professeur acheva sur une péroraison sans réplique, exactement comme l’on énonce les conditions inexistantes d’une capitulation sans conditions imposée à l’ennemi, à qui n’est promis rien d’autre que la mort, et en heure et temps parfaitement précisés, comme quasi-scientifiquement selon des “chiffres exacts et précis” : “Je vous garantit enfin qu’avec les vaccins, tout cela sera fini à la fin de 2021 ! Nous aurons complètement éradiqué ce virus, je vous le garantis !”

C’est alors que je fus confirmé dans ma perception de savoir, à la fin, à quoi nous avons affaire. C’est une sorte de passion de la raison, une confiance, voir un amour passionné pour la déesse Raison, qui conduit, en son nom, aux engagements les plus téméraires. Je ne connais rien de plus dangereux que l’emportement de la Passion pour la trompeuse Raison ; c’est la source même, la productrice assurée de l’hybris catastrophique du genre humain. Ainsi ai-je eu, pour mon compte, confirmation que le nœud gordien de cette affaire, est bien dans ceci que la ‘crise’ aussitôt qualifiée de ‘sanitaire’ a aussitôt été une ‘affaire personnelle’ entre l’establishment sanitaire et le virus. C’est de cette façon que j’évoquai cette conviction que j’avais aussitôt éprouvée, dans le texte déjà référencé :

« Puis vint le virus et le virus régna aussitôt sur toute l’étendue du monde. J’écrivis sur mon état d’‘homme stupéfié’ (plutôt qu’“homme stupéfait”) devant la fantastique mobilisation, comme sur un diktat des enfers déguisés en une sorte de totem du ‘soignant-sachant’ présenté comme un don du Ciel, qui saisit cet autre monde prétendant à la globalisation comme achèvement de la civilisation. Moi qui ai vécu deux (“grippe asiatique” et “grippe de Hong-Kong”) des trois grandes crises grippales du XXème siècle sans m’apercevoir de quoi que ce soit, je crois qu’il y eut aussitôt une volonté de ‘revanche’ du corps sanitaire, en France, mais aussi bien dans l’ensemble de notre civilisation devenue postmoderne, – une ‘revanche’ sur ces pandémies passées inaperçues au nez et à la barbe de la science du type-“raison-suffisant” (et raison-subvertie). Je crois avoir lu de la part d’un grand médecin-scientifique, – je ne suis pas assez sûr pour citer un nom, mais tout à fait sûr de ma mémoire quant à l’esprit de la déclaration : “Nous avons été pris lors de la grippe de Hong-Kong alors que nous pouvions riposter avec notre technologie déjà disponible ; cela ne se reproduira plus”.
[...]
» Effectivement, je crois que notre, – que leur désir de “vengeance” (voir la grippe de Hong-Kong), leur volonté de montrer qu’ils tiennent dans leurs mains ce monde dont ils connaissent toutes ses règles puisqu'ils les édictent, conduisent à cette exigence de la “capitulation sans conditions” du virus, et par conséquent fait en sorte que nous soyons conduit à une impasse sans issue de secours. C’est alors qu’on pourra se dire à soi-même, sans trop ébruiter la chose, que la Covid est une arme du Diable pour achever son travail, qu’en vérité il (le Diable) retourne contre lui-même pour s’auto-détruire. Je dis cela parce que [...]  je crois principalement que cette chose, le virus, a pris sa place pour faire sauter plusieurs verrous que l’on jugeait inviolables à jamais, et notre civilisation, et la modernité avec. C’est une pensée qui peut meubler tel ou tel confinement. »

Je crois de plus en plus fermement à cette version des choses, où s’exercent les jeux d’influence, les pressions diverses, les certitudes assénées comme des évidences dont la lumière vous aveugle et vous paralyse, des émotions aussi et massivement, dont celles des susceptibilités des pouvoirs techniciens et scientifiques ; et bien sûr, et surtout pour notre cas, les réactions furieuses et emportées des ‘sachant-Tout’, cadenassés dans leur forteresse, qui ne supportent rien qui ne soit d’eux, qui ne voient rien venir, et qui tremblent de fureur et tombent dans le premier piège qui leur est tendu, au premier signe du Ciel qui menacerait leurs positions et leurs certitudes.

Toutes les affaires de complot, de manigances oppressives, de Grand Plan orwellien, tous ces personnages chargés de réseaux et de $milliards, allant d’un Bill Gates à un Great Reset sans doute saupoudré d’un zeste de l’inévitable et increvable Soros, toutes ces chasses aux sorcières et ces savants déguisés en sorcières, toutes ces choses ne sont que des dommages collatéraux. Certes, ils sont nombreux à avoir pris le train de la Covid pour favoriser leurs projets mystérieux ; mais le train était déjà en route et ils n’en étaient ni les conducteurs ni le chef de gare ; tout juste le train-train de l’establishment sanitaire avait-il lancé un sifflet de départ alors que le train roulait déjà, histoire d’embrasser ce que l’on ne peut étouffer. Pour le reste, bien sûr ils l’ont pris en route, et qui ne ferait comme eux ? Et si nous ne sommes pas stupides, et puisque le train roule il nous faut nous aussi le prendre, pour considérer ce qu’on peut détourner à notre avantage, et leurs manigances ferroviaires à notre avantage également, tout ce qui est détournement étant effectivement de notre avantage. Je dirais que le doute qui s’insinue dans les esprits à l’encontre des garanties sans cesse renouvelées des ‘sachant-Tout’, – une saison le confinement justifié par le nombre de lits en ‘réa’, une autre saison justifié par l’attente du vaccin, – que ce doute est une indication encourageante, dans la mesure où elle signale une fracturation catastrophique des hiérarchies imposées par le Système, qui nous viennent du fardeau de la Science-triomphante léguée par la modernité.

La destination de toute cette agitation extraordinaire nous est connue : celle de l’Effondrement du Système ; le Système tout seul, sans l’aide de personne sinon les faiblesses abyssales de l’intelligence humaine mise au service du stupide hybris ; c’est cela, la Passion de la Raison, c’est lorsque des intelligences assez grandes se déploient pour favoriser les plus abyssales faiblesses, c’est lorsque la puissance de l’esprit est mise au service de la plus grande sottise concevable. C’est grâce à la puissance des esprits que le Système a progressé comme il l’a fait ; désormais, cette puissance, qui ne vaut plus tripette, est entraînée dans le vertige d’autodestruction qui est le caractère même du Système, et dans la sottise de cet acte avec toutes les destructions qu’il ambitionne de provoquer.

C’est le message fondamental de la Covid. Quant à savoir comment nous allons nous sortir de ce gouffre qui apparaît si terrifiant, c’est une bien grande affaire, qui nous dépasse et de beaucoup, qui demande une nature surhumaine pour parvenir à une identification qui ne soit pas un gâchis à l’avantage de “nos valeurs” et toute cette sorte de sornettes que nous aimons tant nous débiter à nous-mêmes. Il vaut mieux reconnaître cette hauteur trop grande pour nous, sans se décourager en rien de la tâche qui nous incombe, sinon nous tomberions nous aussi dans notre propre sorte de l’hybris, faite comme une sorte de ‘sachant-Tout’ à notre tour de multiples explications et élaborations piteusement humaines qui sont comme les tentacules d’une pieuvre animée d’affreuses intentions. (C’est une image de convenance, au contraire de l’extrême bienveillance de cet animal aux prouesses incomparables.)