Le meilleur ami du JSF s’en va

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Peu après que le President-elect Barack Obama ait présenté son équipe de sécurité nationale, avec Gates maintenu à son poste, le n°2 du Pentagone, l’adjoint au secrétaire à la défense Gordon England, a annoncé son départ. Il s’agit d’une décision normale du point de vue de l'évolution politique puisqu’elle prendra effet le 20 janvier 2009 (éventuellement avec un délai supplémentaire si nécessaire pour la transition); c’est-à-dire qu’elle s’inscrit dans le cadre de l’entrée en fonction de la nouvelle administration.

Defense News du 2 décembre, annonce la nouvelle de cette façon:

«England applauded Obama for asking Gates to stay on, and said it is a good time for him to step aside for several reasons. “It's time for me to leave. When I came into government in early 2001, I anticipated serving for two to four years,” England said in the statement. “After almost eight years, it's now time for me to turn over the reins to a successor. Also, it's most appropriate for the new administration to name its own deputy.”

»A number of defense experts have predicted England's departure since Obama's election victory. These sources, from both sides of the political aisle, said the new president – even if he retained the popular Gates – likely would move swiftly to populate most top-level Pentagon offices with his own appointees to break with the unpopular Bush administration. Experts said England, who held three senior posts during George W. Bush's presidency, was linked to the outgoing commander-in-chief as much as almost any other political appointee. He also was Navy secretary and the first deputy secretary of the Department of Homeland Security under Bush.

»If asked by the new administration, England said, he would stay on “for some time” beyond Jan. 20 “to assure a smooth transition.”»

Ce départ est important pour deux choses.

• D’abord, il est une indication précise de la grande probabilité que la nomination de Gates par Obama n’est que temporaire (la formule d’un Gates maintenu un an à la tête du Pentagone pour permettre une transition avec l’équipe Obama). Il semble probable qu’England sera remplacé par Richard Danzig, un proche d'Obama; selon cette hypothèse, Danzig préparerait alors sa propre succession à Robert Gates comme secrétaire à la défense d’ici le début 2010. Cette hypothèse, si elle était rencontrée, indiquerait qu’il y a effectivement un changement au Pentagone, et non une continuité. Gates ne ferait qu’assurer une transition longue, mais il devrait appliquer une politique différente, selon les instructions d’Obama.

• Ensuite, il y a le cas du JSF et, plus généralement, de la politique d’équipement d’une USAF plongée dans une crise sans précédent. England est un partisan radical du JSF. Depuis mai 2005, il tient ce poste-clef d’adjoint au secrétaire à la défense (n°2 du Pentagone) et il gère les acquisitions et choix de programme, notamment par l’intermédiaire de John R. Young qui dirige les acquisitions. England vient de General Dynamics et de Lockheed Martin (LM), ce qui explique son appétit pour le JSF (produit par LM); cet appétit s’est doublé ces deux dernières années d’une haine inexpiable contre le F-22, qui surprend même les experts proches de l’USAF (Rebecca Grant, dans Air Force Magazine, décembre 2008: «Most intransigent of all was Deputy Defense Secretary Gordon England, whose opposition to the [F-22] fighter had overtones of an obsession.»). Cet acharnement d'England ne fait que mettre en pleine lumière qu'il est, dans les conditions budgétaires actuelles, très difficile, voire impossible d’envisager la cohabitation tranquille de deux nouveaux programmes d’avions de combat, et qu’il faut que l’un le cède à l’autre. La position de England semble bien montrer, par déduction indirecte et à peine sollicité, que Lockheed Martin n’espère plus rien du F-22 (également produit par LM), notamment pour les bénéfices, et qu’il attend beaucoup (de bénéfices) du JSF. (Mais ce constat s’accompagne d’une observation plus sinistre: LM est en mauvaise posture et sa seule sauvegarde, du point de vue du volume budgétaire, repose dans le JSF.)

Le départ de England va certainement permettre de poser la question du F-22 versus F-35 (JSF) dans des termes plus ouverts. Le Congrès attend cela avec impatience, où les manigances England-Young contre le F-22 ont notablement tendu l'atmosphère. Il s’agit de bien plus qu’une simple bataille entre deux programmes, il s’agit d’un débat dont l’un des termes, et à notre sens celui qui est de plus en plus probable, est une mise en cause absolument catastrophique de la puissance aérienne américaniste et du l’industrie de défense du même parti. A cet égard, le départ d’England est un fait bien plus important que le maintien de Gates, parce que la formule Gates sans England et sans doute avec Danzig change d’une façon très importante la situation du Pentagone.


Mis en ligne le 3 décembre 2008 à 09H59