Le Meilleur des mondes des drones

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Le Meilleur des mondes des drones

Les drones, c’est une folie en expansion exponentielle, ou bien comme une épidémie type-peste noire du XIVème siècle, quelque chose qui est d’ores et déjà totalement hors du contrôle de sapiens, bien entendu. Le monstre est accouché, il n’y a plus qu’à observer l’invasion sans aucun frein… Il y a des jours, comme ça, qui vous apporte leur petit lot de nouvelles qui permettent de mieux dessiner ce qui nous attend, – ou, disons, ce qui nous attendrait si l’effondrement qui nous accompagne de sa perspective n’existait pas. Russia Today (RT) s’est fait une spécialité de suivre l’évolution du Système dans ces domaines de la situation intérieure des USA, à la fois du point de vue des libertés intérieures largement bafouées, d’un pouvoir devenu fou et versant dans l’arbitraire sans pouvoir rien décider de concret et de constructif, et enfin dans le domaine des effets des avancées d’une technologie complètement hors de contrôle. C’est ce dernier cas qui nous intéresse.

Dans une première dépêche, RT reprend la nouvelle qui nous décrit la situation angoissante de l’USAF prise dans l’engorgement extraordinaire fourni par l’amoncellement sans cesse renforcé de films vidéo réalisés par sa flotte de drones de surveillance de par le vaste monde. Pour se faire une idée : les drones de l’USAF ont ramené en 2011 68 fois plus de kilomètres-vidéo qu’en 2002, ce qui représente 327.384 heures de visionnage des dites vidéos qui doivent permettre de repérer tel pneu qui se dégonfle, telle barbe qui a suffisamment poussé depuis la dernière fois pour éveiller les soupçons et ainsi de suite. Ces indications nous sont données par RT ce 20 décembre 2012, avant d’autres indications fort intéressantes… Il y est question des contacts établis entre l’USAF et la station de télévision d’audience mondiale ESPN, dont on peut avoir quelques détails sur WikipédiaESPN is an American global cable television network focusing on sports-related programming including live and recorded event telecasts, sports talk shows, and other original programming. Its name derives from Entertainment and Sports Programming Network.»). Ainsi nous explique-t-on comment la collaboration entre l'USAF et ESPN rendra la vie plus facile au reste du monde…

«The intelligence that’s picked up by hovering drones in areas of Pakistan and Afghanistan can often help counterterrorism officials thousands of miles away determine when and how to hit suspected insurgents with missiles that be fired from those very same UAVs. As the footage piles up, though, the Air Force is having a harder and harder time finding ways to quickly and efficiently process the information. "We need to be careful we don't drown in the data," David Deptula, a retired Air Force lieutenant general and a senior military scholar at the Air Force Academy, explains to Michaels. "You can't catch bad guys unless you know where they are and what they're doing," he says.

»Granted, without drone-captured video footage, America’s foreign wars could be a bit bloodier. By sending drones to collect intelligence, the military can avoid putting boots on the ground in hostile territories. So efficient is the technology, in fact, that surveillance drones are expected to be prevalent domestically by the end of the decade. Meanwhile, though, the Air Force is at a loss in terms of finding a way to comb through the data. "They're looking at anything and everything they can right now," Air Force Col. Mike Shortsleeve, commander of a unit that monitors drone videos, adds to Michaels.

»Apparently, that involves asking a cable television sports station for advice. Per Michaels’ article, “Air Force officials have met with the sports cable network ESPN to discuss how it handles large amounts of video that stream in.” Retired Lt. Deptula tells the paper that the powwow between the Pentagon and ESPN “resulted in no technological breakthroughs, but helped in developing training and expertise” for the Air Force. For example, reports Michaels, the Air Force may be able to adopt some techniques used from ESPN to analyze an over-flowing feed of sports footage sent into their own headquarters.»

Passons à un second sujet qui reste dans l’immensément vaste domaine des drones, également présenté par RT, également le 20 décembre 2012. Il pourrait s’agir, soit du drone-citoyen, soit du drone-tueur à la portée de toutes les bourses (moins de $2.000, nous dit-on). Cela se passe aux USA comme nul n’est autorisé à en douter un instant, la chose est présentée sur Youtube et, selon l’expression inratable, goes viral. (Bien, – selon notre pointage, la chose présentée sur Youtube est passée du total de 136.315 visions à 06H00 du matin au total de 140.975 visions à 16H00.)

«A West Coast man who goes by the alias “Milo Danger” has gone public with his latest DIY endeavor: a remote controlled unmanned aerial vehicle that can shoot targets with amazing accuracy while hovering 15 feet off the ground… […]

» “Can a mail-order drone from a kit even handle the stress of rounds cycling through a gun? Is it accurate? Let’s find out,” Danger asks in the video. “If the question is, ‘How easy is it to fly this drone?’ the answer is, ‘terrifyingly easy,’” he tells the Washington Times in a recent interview. “The first time we flew it, we were able to put all of the paintball ammunition into a target 50 yards away from the operator — and 15 yards from the [drone] — in an area the size of a dinner plate.”

»Danger says he’s “not particularly” handy, but managed to put together the entire project and get it off the ground in just a few weeks. In all, he says he spent maybe 12 hours’ worth of time and under $2,000 to be able to send his own drone into the sky to shoot at targets. “It was up and flying within a couple of sessions of working on it, and that’s including trial and error and making mistakes,” he tells the paper.

»Surely things wouldn’t be so simple with a real gun that fires lethal bullets though, right? The answer to that one is a resounding “no.” “There would be some practical physical considerations to mounting a real gun,” he says, yet adds, “I don’t think it would have problems staying in the air with many smaller firearms.” For his aircraft, Danger mounted a paintball pistol weighing roughly 2 pounds, which he says is comparable to many actual handguns.»

Certes, ces deux sujets ne sont pas présentées ici pour leur intérêt intrinsèque, même si cet intérêt existe, mais plutôt parce qu’ils s’intègrent, à partir de points de vue très différents, concernant des domaines étrangers, tous les deux avec des perspectives considérables sinon monstrueuses, dans quelque chose de colossal dans son développement, qu’on pourrait appeler “le monde des drones”. Nous sommes évidemment persuadés qu’il ne s’agit en aucun cas d’exceptions mais bien d’exemples, dans des domaines très différents, des développements potentiels du “monde des drones”tel qu'il va, ou devrait devenir, par la force des choses, par la pression du progrès, par la puissance du système du technologisme, des développements absolument nécessaires, qui seront faits, qui en engendreront d’autres et ainsi de suite, – cela envisagé idéalement, certes, en théorie, sans prendre en compte les effondrements probables, autour et au cœur du Système, et donc au cœur du processus décrit également. Le “monde des drones” est un domaine opérationnel où le système du technologisme peut envisager avec une jouissance extrême de se déchaîner absolument, sans aucune contrainte, sans aucune mesure, sans aucune borne, – en vérité, sans aucun but.

…Ce dernier point (“sans aucun but”) est important et très intéressant, dans le schéma que nous présentons, comme une recherche de la démonstration de notre conviction. Nous rappelons ici notre autre conviction, du même domaine et de la même réflexion, selon laquelle le système du technologisme est en phase accéléré d’effondrement et d’autodestruction. (Voir notre Glossaire.dde du 14 décembre 2012.) Cela signifie que ce développement du “monde des drones”, comme nous le voyons et comme les deux cas présentés ici en sont des signes avant-coureurs, n’est pas un développement méthodique, logique, conquérant, envahissant, hégémonique (selon un plan automatique ou même conceptualisé), etc., mais un développement maximal, dans toutes les directions, sans aucune mesure, – un développement littéralement fou de puissance comme on est ivre de puissance, et qui va créer un désordre extraordinaire. A notre sens, toutes les possibilités sont ouvertes, aucune ne pourra être interdite, ni même, bien entendu contrôlée… Il serait faux de dire que nous sommes prisonniers des drones, et plus juste d’observer que les drones sont d’ores et déjà dans un univers qui n’a plus aucun lien vital avec le notre.

Il nous paraît complètement déraisonnable de voir le drone, et “le monde des drones”, comme un moyen d’oppression des pouvoirs divers, et notamment du plus incliné à cela, aux USA ; ou éventuellement, mais avec beaucoup moins de possibilités et d’inclinations pour cela, comme un moyen de révolte ou d'illégalité. Le drone est, littéralement, la complète créature technologique qui s’est libérée du contrôle humain, de toutes les façons possibles, et qui opérationnalise absolument la dynamique de surpuissance-autodestruction du système du technologisme. Les exemples présentés ici sont des esquisses modestes des situations qui s’installeront demain, à une vitesse stupéfiante comme l’est le développement actuel des drones, depuis les années 2004-2005. Notre thèse est en effet, plus que jamais, comme nous l’avons souvent évoquée, que notre époque est celle des drones pour ce domaine de l’activité humaine, avec d’autres domaines connexes, évoluant vers une situation où l’élément humain est extrait d’elle-même, non pas seulement à cause des possibilités technologiques brutes mais à cause de ces possibilités évoluant dans un environnement psychologique absolument favorable, – et nous parlerions aussi bien de la psychologie collective de sapiens que d’une psychologie collective de la machine.

Nous avons déjà observé que le développement des drones aurait pu avoir lieu à partir des années 1960 ou à partir des années 1980, et qu’à chaque fois il n’eut pas lieu après un début prometteur, parce que l’environnement psychologique dont nous parlons n’était pas mûr. C’est ce que nous détaillions, par exemple, le 23 décembre 2011 :

«Il faut d’abord prêter attention à ceci, ce point mentionné plus haut, que nous précisons : la “guerre des drones” aurait pu démarrer beaucoup plus tôt, au point qu’on peut dire qu’elle existait déjà d’une façon respectable dans les années 1960. Après tout, on voudra bien noter que le premier prototype expérimenté d’un avion guidé par radio (sans pilote) date de 1928 (le Curtiss Robin)… Lors du conflit du Vietnam, comme on l’a mentionné, les RPV (acronyme pour Remotely Piloted Vehicle désignant les UAS actuel) effectuèrent tout de même 3.400 missions au-dessus du Nord-Vietnam et de la Chine (avec 4% de pertes, dont 60% de ces pertes dues à des incidents techniques, – taux éminemment acceptable pour des missions dans les cieux si hostiles et super-défendus du Nord-Vietnam, ce qui montre combien ces drones-là étaient des combattants très satisfaisants). L’efficacité de ces RPV du point de vue de la reconnaissance photographique fut absolument incomparable. […] A la fin des années 1980, il y eut à nouveau une nouvelle poussée pour intégrer des drones, disons de seconde génération, type-Compass Cope, avant d’arriver à la situation actuelle ; mais l’esprit n’y était toujours pas, ni la situation, ni les psychologies, encore insuffisamment mûries…

»En d’autres termes, la “guerre des drones” n’est absolument pas une innovation qui serait due au seul état de la technologie, à son évolution, à sa disponibilité. Sans nul doute, la technologie joue son rôle, mais elle est “conduite” (le mot, très ambigu par rapport au reste de l’hypothèse, qui dit l’inverse) par un esprit, un état de l’esprit humain en pleine évolution, lui-même enfanté par l’influence indirecte mais si puissante du système du technologisme. Il y a un étrange chassé-croisé entre le sapiens béat devant ce qu’il croit être ses propres performances progressistes, et les productions du système du technologisme, le premier entraîné par le second en croyant le dominer…»

Confirmation par les deux exemples données ci-dessus, entre la folie de l’extension vertigineuse du monde dans une sorte de vidéothèque qui semblerait tendre vers l’infini, en filmant tous les gestes, tous les actes, toutes les psychologies peut-être, de tous et de tous partout, et peut-être un jour filmant ceux qui observent les vidéos “de tous et de tous partout” (“l’homme qui a vu l’homme qui a vu l’homme qui a vu l’homme…”), pour essayer d’identifier et de comprendre ils ne savent plus quoi, pour ils ne savent plus quoi… Et entre la prolifération inévitable du drone-tueur vers le citoyen, le “tueur en série”, le spécialiste de tous les complots, le psychopathes, le rêveur et ainsi de suite. Bref, la perspective des effets de la surpuissance-autodestruction du technologisme est là et nous, nous sommes mûrs. Bien entendu, tout cela s’effondrera avant de parvenir à l’issue indescriptible que nous tentons de décrire par défaut, disons par absence de sapiens, mis en arrêt de congé-maladie…


Mis en ligne le 21 décembre 2012 à 17H48