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355C’est un procès d’un intérêt évident qui s’ouvre à Londres aujourd’hui, dont les détails sont notamment répercutées par The Independent ce 5 août 2009, et par The Guardian, le 4 août 2009.
Il s’agit d’un officier de relations publiques de l’armée britannique, John Salisbury-Baker, âgé de 62 ans, engagé comme chargé de relations publiques en 1996, puis passé au statut militaire. Son rôle consistait essentiellement à prendre contact avec les familles de militaires tués en Irak, pour les informer de la nouvelle, et les soutenir. Souvent, il les accompagnait très avant dans leurs deuils, participant aux funérailles et multipliant les visites.
Salisbury-Baker était conduit à présenter les conditions de la mort des soldats selon la version officielle, dont il savait la fausseté, notamment pour ce qui concernait l’équipement de ces soldats (il y a un grand courant de contestation au Royaume-Uni actuellement, à propos de l’équipement inadéquat des forces britanniques, dans ce cas en Afghanistan). Kim Sengupta, le correspondant pour les questions de défense de The Independent, présente le cas sans s’encombrer d’inutiles figures de rhétorique.
«Having to peddle “government lies” about the safety of soldiers in Iraq led to a Ministry of Defence press officer suffering post-traumatic stress disorder, an employment tribunal will hear. John Salisbury-Baker will claim that he suffered “intolerable stress” through having to “defend the morally indefensible” when responding to media inquiries about the ability of army vehicles such as the “Snatch” Land Rover to protect soldiers.
»Mr Salisbury-Baker, 62, says he found it impossible to support the official line on deaths and injuries after seeing the suffering of soldiers' families. After 11 years of service at Imphal Barracks near York, he could no longer keep working and is taking legal action against the Ministry of Defence (MoD).»
Le Guardian rapporte l’évolution de l’état psychologique de cet officier de relations publiques à mesure qu’il a du poursuivre cette mission, notamment au travers du témoignage de son avocat et de son amie (le plaignant étant requis au silence par la procédure qu’il a engagée).
«Salisbury-Baker's solicitor, David Gordon, said : “I think what John would say is, ‘I was put under an inordinate amount of strain without any backup or training. As things have gone on I have realised that what I was being told was not true, and it appears that that was known at a level above for some time.’ We are looking at the gradual erosion of someone's mental state.” […]
»Having signed the Official Secrets Act, [Salisbury-Baker] declined to comment , but speaking on his behalf, his partner Christine Brooke said: “John is a father, and going along and seeing the fathers of youngsters who had been killed, obviously he could empathise with that. It took a lot out of him. He was going back again and again where yet another funeral was held, and he found that very difficult to cope with.”
»In addition, she said, “he felt he was being frugal with the truth. John was reading the papers [about equipment], then he might have to go to a family and support them, and he felt that he knew that maybe their son or daughter hadn't been equipped properly. That caused a problem for him.” She described the insistence that the equipment was sound as “government lies”, adding that he had been forced to “defend the morally indefensible”.»
Salisbury-Baker a été mis “sur une voie de garage” au sein de l’armée, après qu’il ait manifesté les difficultés qu’il rencontrait, notamment au du point de vue de sa santé psychologique elle-même. Il recherche simplement à être rétabli dans ses droits. «[David Gordon] said that Salisbury-Baker, who is still employed by the MoD on reduced pay but has barely worked for over a year, was seeking only the pension to which he believes he would have been entitled. “He wants to leave the service honourably, retire on the package which he was promised and go into private life. He has seen people in the extremes of bereavement – this is not something that he's going to claim [large] damages over. It's not a question of damages as such.”»
Le cas Salisbury-Baker n’a rien de révolutionnaire, selon les buts que cherche à atteindre l’officier de presse. Il n’y a nulle mise en cause du système, et les euphémismes eux-mêmes sont d’une extrême modération, typiquement britannique (le “frugal with the truth”, notamment). Salisbury-Baker ne cherche qu’à faire reconnaître ses droits après un traitement qu’il juge injuste, suivant une mission dont il juge qu’elle fut entachée de conditions extrêmement critiquables.
Pas de quoi fouetter un chat, par conséquent, sauf que, justement, au travers de la simplicité du cas et de la modestie de son acteur, c’est, mise à nu d’une façon ainsi plus remarquable, toute la politique et le comportement des autorités officielles qui sont mis en lumière. La chose est importante parce que le cas Salisbury-Baker, bien qu’anodin, s’insère absolument dans un système général de mensonges systématiques qui est l’un des fondements du système du virtualisme caractérisant les politiques occidentalistes, particulièrement anglo-saxonnes, aujourd’hui.
L’intérêt, dans ce cas, est bien d’observer, d’une part la pression psychologique exercée sur ceux qui sont conduit à présenter cette politique au public (et quel public: les familles des victimes) en sachant qu’elle est basée sur des mensonges, d’autre part l’improvisation dans laquelle cette politique générale est conduite (Salisbury-Baker a été laissé à lui-même, alimenté par des informations que tout le monde savait fausses, alors qu’il était devenu avéré que cette mission, dans de telles conditions, mettait en péril son équilibre psychologique et pouvait constituer un problème pour la bonne marche de l’“opération” constante de camouflage des réalités irakiennes).
A l’observation que le cas Salisbury-Baker est exceptionnel parce que c’est la première fois à notre sens qu’une action en justice est intentée de facto contre cette politique de mensonges, ainsi indirectement mise en accusation, on répondra qu’il ne l’est pas parce qu’il est anodin. Les deux qualificatifs sont antinomiques. Salisbury-Baker ne cherche nulle publicité, nulle somme d’argent excessive, mais simplement le rétablissement de ses droits. Le cas Salisbury-Baker est intéressant parce que c’est un cas anodin qui n’est pas exceptionnel mais qui est poussé jusqu’à la situation exceptionnelle d’une action en justice sans exemple. Cela laisse à penser le nombre de cas de cette sorte qui doivent exister, dans lesquels les personnes concernées n’osent aller jusqu’à l’extrémité d’une action en justice contre le ministère de la défense.
On découvre ici la faiblesse inhérente de la politique du virtualisme, c’est-à-dire du mensonge systématique qui caractérise les politiques occidentales dans leurs applications. Si, à notre sens, le virtualisme induit la croyance générale des thèses et des situations générales qu’elle expose par ceux qui l’élaborent (le fameux phénomène qui la distingue de la propagande), au contraire dans son application la plus quotidienne, confronté aux faits, on finit effectivement par utiliser un mensonge grossier dont est soi-même le medium conscient, un mensonge en général éhonté parce qu’on n’a rien fait auparavant pour le dissimuler selon l’idée générale que le virtualisme n’est pas basé sur le mensonge. De même, on ne reçoit aucune aide, justement parce qu’on remontant la hiérarchie l’idée même d’un mensonge se dilue dans la croyance virtualiste; on est placé seul avec des montages mensongers qu’on doit soutenir, souvent dans des conditions dramatiques (l’intervention auprès de familles de soldats tués).
Le mensonge conscient épuise, il contraint les psychologies, il introduit le trouble moral et pèse sur la conscience surtout lorsqu'on est confronté à ses effets; il amène à des situations comme celle de Salisbury-Baker. Il serait intéressant que son exemple fasse tâche d’huile, car il s’agit bien là du talon d’achille du système, cette mise en lumière du mensonge, et l'exploitation d'une attitude confrontant ce mensonge avec la loi ne peut conduire qu’à l'affaiblissement de ce même système.
Mis en ligne le 5 août 2009 à 08H50
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