Le mensonge proclamé “créateur de l’histoire”

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Le mensonge proclamé “créateur de l’histoire”

• Reprenons l’affaire des confidences faites à NBC.News sur la falsification, l’arrangement, voire la fausseté complète de certains renseignements, notamment sur Ukrisis et sur la Russie (cela, déjà vu avec Caitline Johnstone)... • Est-il si étonnant qu’on ait si peu parlé de cette extraordinaire intervention qui jette un doute aussi sombre qu’un trou noir sur toutes les informations/les renseignements qui nous sont transmis par le Système ? • Non, puisque tout le monde en croque. • Un récent article de Scott Ritter, ancien officier du renseignement, signale que cette affaire considérable « constitue une déviation massive des préceptes normaux de la guerre de l'information secrète ». • L’hypothèse qui nous attache est que le renseignement, donc l’information et la communication, ont franchi un pas décisif dans l’application de la recette « Nous sommes un empire maintenant et quand nous agissons nous créons notre propre réalité », pour la conduire au-delà, dans un “nouveau normal” de la réalité et de notre psychologie. • Pour en sortir, passage obligé par le ‘Titanic’.

11 avril 2022 (19H00) – On revient ici sur l’article de Caitlin Johnstone et, par conséquent, sur les révélations faites à NBC.News par des “officiels” de l’administration (liés à la CIA ou du NSC agissant comme messagers de la CIA). Dans le style polémique qui lui est propre (accompagné par celui de PhG dans cette sorte de texte par nature polémique), Johnstone écrivait :

« Il est évident depuis longtemps que l'empire américain s’emploie à renforcer le contrôle narratif pour renforcer sa domination hégémonique sur la planète via la censure d’internet, la propagande, la manipulation des algorithmes de Silicon Valley et la banalisation de la persécution des journalistes. Nous sommes peut-être maintenant simplement au stade du contrôle narratif impérial où ils peuvent commencer à fabriquer ouvertement le consentement du public à mentir pour le propre bien du public. »

PhG renchérissait sur ce passage du texte de Johnstone, toujours dans le même style bien entendu, la polémique étant justifiée par l’aspect absolument grotesque des « Bobards-d’Ukrisis » sans cesse empilés dans la communication de la bande qui dirige l’Ukraine, sans le moindre souci de cohérence, de logique, de vraisemblance, – mais qui sont néanmoins absorbés tels quels par la presseSystème, d’une manière extrêmement et élégamment surprenante  par rapport aux normes classiques et fort vieillottes, assez peu sexy, des normes  du journalisme.

Donc, PhG présentait la chose dans un style débridé, correspondant, à son et à notre sens, à cet “aspect absolument grotesque” de la communication, disons abracadabrantesquement faussaire, et à cette “manière totalement ahurissante” caractérisant l’accueil de la presseSystème à ce matériel délirant. Il (PhG) notait néanmoins qu’il s’agissait d’un cas sur lequel il faudrait “revenir”, et il entendait avec un autre style, moins polémique et plus précis, et évidemment nécessairement empreint d’une critique radicale mais objective. (Dans ce cas, la “critique objective” ne peut être que “radicale” puisque la faute l’est effectivement, radicale.)

Le passage de PhG :

« La courageuse et rageuse Australienne Caitlin Johnstone, qui tient sa chronique comme un soldat se tient dans sa tranchée face à l’assaut des barbares, nous instruit de cette remarquable révolution des services américanistes, lâchant leurs bobards que tout le monde dévore goulûment, puis poursuivant leur orbite jusqu’au terme et ainsi revenus au point de départ, nous annonçant, guillerets et pas mécontents d’eux-mêmes, en toute complicité avec leurs “victimes” dont on se demande si elles ne sont pas consentantes pour le repos de l’esprit : “C’est du bidon les gars, du canard crevé, du bobard à deux balles mais fort bien foutu ! Profitez-en, c’est la semaine de la farce et du bourrage ! La semaine qui lave plus blanc que le flouze blanchi au soleil des Caïmans !”... C’est certain, ils ne doutent pas que nous goberons tout cela sans un pli, – et c’est un point, qu’aborde Caitlin Johnstone, sur lequel il faudra revenir. »

L’occasion d’y revenir se présente aussitôt. Il s’agit d’un texte d’analyse critique, objective et nécessairement radicale pour la raison qu’on a dite ci-dessus. Il est de Scott Ritter, qui est une source informée, sérieuse et informée à cet égard, en plus d’être créative, puisqu’il termina sa carrière militaire comme commandant dans le Corps des Marines, travaillant essentiellement dans le service de renseignement de cette branche des forces armées.

« Scott Ritter est un ancien officier de renseignement du Corps des Marines et auteur de ‘SCORPION KING: America's Suicidal Embrace of Nuclear Weapons from FDR to Trump’. Il a servi en URSS comme inspecteur de l’application du traité FNI,  dans l’état-major du général Schwarzkopf en Ira en 1990-1991, puis de 1991 à 1998 comme inspecteur de l’ONU sur le statut des systèmes d’armes en Irak. »

L’analyse critique de Ritter est donc dénuée de toute polémique. Au contraire, elle s’appuie sur un texte fondamental, qui est une adresse de Robert Gates, alors directeur de la CIA, sur l’attitude nécessaire de l’Agence vis-à-vis de la crédibilité de ses informations et de ses analyses, pour ce qui concerne leur dissémination opérationnelle d’une part, leur accès à la direction politique et au public éventuellement d’autre part. Le sous-titre de son article explique sa démarche :

« Utiliser la désinformation pour contrecarrer un ennemi est une chose. La propager à son propre public et aux décideurs politiques en est une autre. »

Cette idée est largement explicitée dans ce paragraphe de son texte :  

« Fournir des renseignements déclassifiés à l'Ukraine pour qu'ils soient reconditionnés et diffusés sous forme de propagande antirusse est une utilisation tout à fait légitime des renseignements. En outre, dans certaines conditions liées à une action politique secrète, les services de renseignement américains peuvent utiliser des informations fabriquées pour contribuer à donner vie et crédibilité à une fausse narrative destiné à saper les opérations d'un ennemi désigné. Dans de telles conditions, toutefois, les informations ne doivent pas pouvoir remonter jusqu’aux États-Unis et, surtout, elles ne doivent pas être diffusées d'une manière qui puisse désinformer les décideurs américains [et le public]. »

Là-dessus, Ritter explicite son propos, en s’appuyant justement sur celui de Gates, dont la carrière témoigne de sa rigueur dans l’utilisation des informations de sécurité nationale par rapport à leur manipulation et l’usage qui en est fait. Avant d’être directeur de la CIA, il fut un secrétaire à la défense particulièrement apprécié pour sa droiture et son sens du service public hors de tout parti pris politique (on le comprend lorsqu’on sait qu’il détint ce poste pendant deux ans sous Bush, puis prolongé pendant trois ans par Obama) ; tout cela, après une carrière opérationnelle remarquable (également en partie dans le renseignement) dans le sens de la rectitude opérationnelle et de son opposition à une “politisation” du renseignement selon des exigences politiciennes du pouvoir civil et des groupes de pression idéologiques. De ce point de vue, la démarche révélée par NBC.News serait selon l’opinion de Gates une subversion fondamentale du service public et des nécessités institutionnelles de la sécurité nationale.

«... Le fait que des responsables anonymes de la sécurité nationale américaine admettent que les États-Unis diffusent des renseignements de qualité inférieure (c’est-à-dire potentiellement faux et trompeurs) dans le but de façonner une narrative publique destinée à être absorbée et crue par les ‘consommateurs’ civils dans le pays et à l'étranger, créant ainsi une véritable pression politique sur les dirigeants russes, constitue une déviation massive des préceptes normaux de la guerre de l'information secrète. En fait, c'est l'exemple parfait de la distorsion délibérée de l'analyse ou des jugements pour atteindre un objectif sans tenir compte des preuves, contre laquelle Robert Gates [alors directeur de la CIA] s’élevait en 1992 [s’adressant aux cadres et analystes de la CIA].

» “L'intégrité absolue de nos analyses”, déclarait Robert Gates, “est la plus importante des valeurs fondamentales de la Central Intelligence Agency. Les décideurs politiques, le Congrès et le peuple américain doivent savoir que nos opinions, – qu’elles soient justes ou fausses, – représentent notre effort le meilleur et le plus objectif possible pour décrire les menaces et les opportunités auxquelles les États-Unis sont confrontés. Ils doivent savoir que nos évaluations sont le produit de la plus haute qualité et de l'analyse de renseignement la plus honnête disponibles dans le monde entier”.

» Plus maintenant.

» Gates avait cité Churchill dans sa défense de la vérité. Churchill avait poursuivi en déclarant de façon célèbre que “en temps de guerre, la vérité est si précieuse qu'elle doit toujours être accompagnée d'une cuirasse de mensonges”. Par cette déclaration, Churchill soulignait le fait que la vérité est un bien si précieux qu'elle doit être gardée par la tromperie et le subterfuge pour s’assurer qu'elle ne tombe pas entre les mains de l'ennemi.

» Aujourd’hui, la communauté américaine du renseignement a perverti cette logique, éliminant toute notion de vérité réelle tout en développant la “cuirasse de mensonge” pour imiter la vérité, non pas dans le but de la défendre mais plutôt pour promulguer le mensonge lui-même.

» La communauté américaine du renseignement marche sur des œufs depuis qu’elle a utilisé des renseignements politisés pour justifier la guerre contre l'Irak en 2003. Aujourd'hui, les révélations selon lesquelles la communauté du renseignement américaine diffuse des renseignements de qualité inférieure, en sachant qu'ils peuvent être faux et trompeurs, afin de façonner l’opinion publique américaine et mondiale contre la Russie, devraient enfoncer un pieu dans le cœur de la crédibilité américaine, – ou, à tout le moins, amener le public américain et la communauté mondiale à se demander s’ils peuvent à nouveau prendre pour argent comptant les affirmations du renseignement américain. »

On pourrait résumer la situation en disant qu’il y a dans cette démarche deux étapes fondamentales de la perversion du renseignement au profit d’une véritable subversion qui aboutirait, selon nous, à faire infiniment plus de dommages à soi-même (à la direction politique, au public) qu’à l’ennemi : d’abord “l’aveu du simulacre”, public et officiel, qui s’avère finalement ne pas être un “aveu” mais plutôt une “affirmation” fondée sur une sorte de “fierté du mensonge” en ne dissimulant en rien qu’il s’agit d’un mensonge, mais en contraire en s’en enorgueillissant.

Ce ne sont donc ni le simulacre ni le mensonge qui sont en cause, mais bien leur publicité sans la moindre réserve ni le moindre frein. On voit aussitôt la faiblesse terrible de cette démarche : s’il y a simulacre et mensonge dans des renseignements et des évaluations qui d’abord nous furent présentés comme sincères sinon vrais, tous les renseignements peuvent alors être soupçonnés de cela, simulacres et mensonges ; ou, comment démêler le faux au vrai en matière d’évaluation du renseugnement... Et encore ne parlons-nous là que de l’aspect opérationnel, en laissant de côté les aspects éthiques, moraux et tout simplement constitutionnels d’une part ; et surtout, les plus et les seuls vraiment importants pour notre propos, les aspects métahistoriques dont nous traitons plus loin.

« ...[L]es révélations selon lesquelles la communauté du renseignement américaine diffuse des renseignements [mensongers]  [...], devraient enfoncer un pieu dans le cœur de la crédibilité américaine [... et] amener le public américain et la communauté mondiale à se demander s’ils peuvent [encore croire aux] affirmations du renseignement américain. »

L’irrésistible hypothèse

Nous allons nous attacher à tenter de répondre à l’implicite question de Caitlin Johnstone, dans un sens différent de celui qu’elle semble choisir. L’“implicite question” est de savoir pourquoi des “officiels” sans aucun doute délégués par les services de renseignement (CIA) ou le Conseil National de Sécurité (NSC), sans aucune sollicitation des autorités suprêmes ou de quelque “bande” idéologique ressemblant à celle du vice-président Cheney (voir plus loin) lors des préparatifs de la guerre contre l’Irak de 2003, pourquoi ils se manifestent de la sorte. L’implicite réponse de Johnstone, qui n’est pas la nôtre, est celle-ci :

« Nous sommes peut-être maintenant simplement au stade du contrôle narratif impérial où ils peuvent commencer à fabriquer ouvertement le consentement du public à mentir pour le propre bien du public. »

Le concept de “système de la communication”

L’événement de ces révélations constitue une  péripétie d’une extrême importance pour nous, qui avons pour tâche de retrouver dans cet incroyable amas de simulacres, une précieuse vérité-de-situation dont nous pensons que, mise à jour, elle sera d’un effet irrésistiblement dévastateur pour le Système. Cet événement pris au sens le plus haut du terme (les événements qui dominent l’action humain, indépendamment d’elle, pour l’orienter indépendamment) met en cause, dans tous les sens d’ailleurs, toute la communication circulant autour et dans Ukrisis à partir des USA en tant que matrice de la chose. C’est beaucoup plus qu’une “guerre de l’information” ; on peut proposer l’expression modeste dans sa formulation par rapport à sa puissance dynamique et créatrice de “guerre de la communication” si l’on applique massivement notre concept de “système de la communication” tel que nous l’avons défini précisément à diverses reprises (par exemple, les 2 juillet 2018 et 2 septembre 2020).

Pour ne pas trop altérer le rythme de l’exposé,  on en donne ici un raccourci, mettant en addendum (*) l’exposition complète du concept :

« ...Le système de la communication [ ...] ne fait pas que transmettre, il transmute ce qu’il transmet [...], il transmute les informations en [“événements”] en même temps qu’il les transmet, par la façon qu’il les transmet, par la dynamique qu’il y met, par la forme même qu’il donne au tout.

» ”[C]ette action [n’est pas] simplement mécanique et dynamique. ... [Chargée de sens, elle]  répond à un sens fondamental, dont l’inspiration échappe à tout contrôle humain. [On parle bien entendu] de l’essence même de cette forme absolument inédite d’un système agissant directement sur la manufacture de la métahistoire en ignorant superbement, comme l’on méprise, l’histoire événementielle à laquelle nous sommes habitués et dont le Système a si habilement abusé.” »

« Nous sommes un empire maintenant »

Nous devons retenir les observations à suivre selon une narrative exposant une analogie métahistorique renvoyant à la vérité-de-situation de 2002-2003 où est exposé le modèle initial du phénomène. Ce modèle constituait à première vue un cas classique de distorsion du renseignement où les centres de renseignement sont des “victimes” des faussaires et donc sauvegardent leur fonction ontologique définie par Gates. Quel chambardement ! Aujourd’hui, les “victimes” sont devenus les faussaires et modifient ontologiquement la situation.

Ce que font ces “victimes” des faussaires devenant faussaires elles-mêmes, c’est ce que firent les hommes de Cheney (‘Scooter’ Libby, Karl Rove notamment) dans l’affaire de l’uranium imposée à la CIA. Tout est raconté dans l’“affaire Plame-Wilson  (voir le Wikipédia pour une fois bien fait, et le film ‘Fair Game’ de 2010 tiré du livre de l’officier de la CIA Valerie Plame). La bande à Cheney développa, à partir d’indications foireuses d’un MI6 britannique déjà complètement subverti par Blair, l’idée d’un achat d’uranium de Saddam au Gabon pour développer une arme nucléaire. Elle fit pression sur Plame et sur son mari Joseph C. Wilson, qui avait été ambassadeur au Gabon, pour accréditer cette thèse.

Les deux ayant démontré la fausseté de la thèse après que Wilson eut fait l’enquête au Gabon qui lui était demandée, le mensonge fut tout de même imposé à la CIA pour renforcer l’argument de l’attaque de l’Irak (effective en mars-avril 2003) pour possession imaginaire d’armes de destruction massives. GW Bush évoqua en bonne place ce canard de l’achat d’uranium gabonais par l’Irak dans son message sur l’état de l’Union de janvier 2003. Plame et Wilson furent discrédités et harcelés de diverses matières (Plame devant démissionner de la CIA) jusqu’à ce que la vérité éclate quelques années plus tard. La bande à Cheney n’avait fait qu’appliquer la recette que Karl Rove confiait à un journaliste à l’été 2002, et révélée en octobre 2004 :

« Nous sommes un empire maintenant et quand nous agissons nous créons notre propre réalité. Et alors que vous étudierez cette réalité, – judicieusement, si vous voulez, – nous agirons de nouveau, créant d’autres nouvelles réalités, que vous pourrez à nouveau étudier, et c’est ainsi que continuerons les choses. Nous sommes [les créateurs] de l’histoire... Et vous, vous tous, il ne vous restera qu’à étudier ce que nous avons [créé]. »

La “victime” devenue le “faussaire”

Donc, il se trouve qu’aujourd’hui l’analyste honnête de la CIA (comme Plame en 2002) n’est plus la “victime” des faussaires mais faussaire lui-même. C’est-à-dire qu’il n’y a plus aucune activité ontologique normale de ce renseignement qui est pourtant à la base de tout alors que la communication triomphe partout dans toute sa puissance. Nous sommes passés de la mission classique de l’information classique du renseignement, avec désinformation maîtrisée éventuellement mais jamais structurellement et qui ne peut en aucun cas constituer la matrice, – à une affirmation complète de ‘créateur de l’histoire’ à-la-Karl Rove, mais en n’ayant plus aucun des moyens et ambitions militaires et financières d’une très grande puissance dont le régime Bush Junior disposait en 2002-2003, pour prétendre imposer leur « Nous sommes un empire maintenant et quand nous agissons nous créons notre propre réalité ». (Imaginons cette phrase bégayée par un Biden sénile au milieu du désordre washingtonien pour percevoir le caractère extraordinaire de notre/leur-situation alors que le monde brûle !)

C’est-à-dire que les fraudeurs ne sont plus ceux d’en-dehors (les bandits de Cheney) qui ont manipulé la matrice du renseignement sans la transmuter, ce sont ceux qui sont censés protéger la matrice (les principes de Gates), qui fraudent directement, transmutant ainsi cette matrice. Les fraudeurs fraudent directement, sans aucune alternative informationnelle ni compétition d’information par rapport à leur matrice puisqu’ils maîtrisent absolument tout de l’information, celle-ci devenue vraie-FakeNews ( !), devenant vérité pour eux. Par conséquent, ils croient ainsi disposer de ce que nous nommons une “vérité-de-situation”.

A partir de là, nous entrons dans le cœur de notre hypothèse qui est de répondre à l’implicite question de Caitlin Johnstone rappelée plus haut. Notre hypothèse, à partir de là, prend en compte l’extraordinaire pression qui pèse sur nous, par ces temps de GrandeCrise dont on voit et ressent partout, dans tous les domaines, les effets très contraignants. Cette pression modifie la perception, la psychologie, puis au-delà, l’intellect et le jugement. Les fraudeurs qui, avec leur position et la continuité de leurs activités, continuent parallèlement à “se vivre honnêtes” (contrairement aux fraudeurs de l’équipe Cheney, là aussi il y a “progrès”), s’installent aussi rapidement qu’ils la produisent dans la croyance à leur propre fraude.

Tous les y pousse : outre les pressions crisiques énormes qu’on a dites, l’environnement de communication est capital pour la poursuite de cette “bonne conscience”, avec une sorte de redondance vertueuse et rassurante. Ce sont leurs directions politiques, ainsi inconsciemment “fraudés” par les fraudeurs sans émettre aucun doute, qui le leur répètent d’un discours à une conférences de presse, en produisant une sorte de confirmation de leur croyance comme vérité objective ; c’est la presseSystème, également “fraudée” par les fraudeurs (fuites nombreuses accueillies au garde-à-vous), qui les relaient et les relancent sans l’ombre du moindre scepticisme.

Poursuivons l’hypothèse... Tout se passe alors comme si les fraudeurs eux-mêmes en arrivent ainsi à ne plus savoir eux-mêmes, ni même le vouloir d’ailleurs puisque nous sommes dans ce délire général, ce qui sépare leur fraude de la réalité. Il y a en eux un instinct de conformisme et d’obéissance caractéristique du système de l’américanisme, qui fait qu’ils en arrivent désormais, aussitôt au garde-à-vous, à se dire et à dire, non plus « c’est notre réalité », mais bien “c’est la réalité”. Les fraudes à foison et désormais comme pavloviennes qu’ils effectuent n’en sont plus à proprement parler, mais plutôt des modifications, des descriptions et des perceptions non seulement nécessaires mais élégantes, pour rendre mieux compte de ce qu’on sait être (plutôt que “juge être”) la réalité. Notre hypothèse est que c’est dans cet esprit que les “officiels” décrivant pour NBC.News les fraudes, estimant absolument justifié d’exposer les démarches nécessaires pour établir ce qui devient leur absolue vérité-de-situation pour eux.

Atteignant ainsi ce qu’on croit absolument être une vérité-de-situation absolue, on atteint un territoire nouveau, alimentant directement une pathologie de la psychologie dans les conditions paroxystiques d’une sorte de démence devenue une sorte de “nouveau normal” de la psychologie. Pour mieux s’expliquer et donner un sens quasi-métaphysique (ce qui nous importe) à cette évolution, on atteint ainsi au domaine de l’incantation : il s’agit d’exorciser, d’“annuler” (“to cancel”) toutes les possibilités que ces affreuses vérités sur l’effondrement de l’Empire soit vraies, rétablissant la narrative d’une puissance absolue et intacte, celle qui vous donne justement le pouvoir du « Nous sommes [les créateurs] de l’histoire ».‘

Où en arrive-t-on au bout de cette hypothèse... Est-ce à un affrontement de volontés antagonistes avec les Russes ? Poutine va-t-il finir par les croire ? Vont-ils être décillés par Poutine ? Il s’agit en fait et beaucoup plus d’un affrontement de volonté avec toutes les dissidences, y compris et surtout intérieures, bien plus dans la perception et les psychologies que sur le champ de bataille.

En effet, le facteur essentiel qui, à notre sens, déterminera l’issue de cette fort étrange aventure est ce que nous nommerions le “poids du mensonge” qu’implique cette fraude universelle au sein du Système qui se bat contre la réalité. Ce ‘poids’ considérable implique une fatigue de la psychologie qui peut faire basculer la démence du type-“nouveau normal” de la psychologie, dans la démence du type-hors de contrôle. Cela tient évidemment à la faiblesse ontologique de la fraude (des mensonges), qui n’a pas complètement “annulé” (“to cancel”) le doute, la culpabilité, un furtif reste d’esprit critique, tout ce qui fait ‘l’insoutenable légèreté de l’être’, enfin qui ne cesse d’affaiblir la psychologie et donc le système de fraude universelle de la réalité. On est alors conduit à accroître vertigineusement les erreurs catastrophiques à répétition, en même temps que les crises diverses qu’on connaît (inflation, pénuries, etc.) et qui sont aggravées vertigineusement par ces erreurs catastrophiques affectent de plus en plus gravement les vies de tous et toutes les structures sociales et provoquant des réactions de désordre et d’insurrection auxquelles nul dans les élitesSystème, fermement installés dans la superbe représentation de la “réalité fraudée” n’est préparé.

Le ‘Titanic’ navigue en aveugle (qu’a-t-il besoin de voir ce qu’il a créé et qu’il maîtrise ?), estimant sans réplique possible être dans les mers chaudes et se préparant à fêter le “Passage de la Ligne” de l’Équateur dont on sait qu’elle traverse l’Ukraine ; et vous iriez leur dire qu’ils naviguent entre les icebergs ? Ils vous traiteraient aussitôt de “fraudeurs de la réalité”, de complotistes qui prennent pour vraies la partie immergée des FakeNews qu’ils fabriquent. Enfin, ils couperaient net à toutes ces billevesées et, vous clouant le bec :

« Nous sommes un empire maintenant et quand nous agissons nous créons notre propre réalité. »

 

Addendum

(*) On donne ici l’intégralité de l’extrait exposant le concept de “système de la communication (voir les 2 juillet 2018 et 2 septembre 2020) :

« ... [L]e système de la communication se différencie décisivement du concept classique de “système de communication” par l’apparition d’une dimension créatrice en lui-même... Le “système de communication” étant un simple transmetteur de l’information sans aucune prétention à l’organisation et à la structuration de la connaissance tandis que le “système de la communication” est un transmutateur qui organise l’information de façon à susciter par cette activité la connaissance élaborée à quoi peuvent être utilisées ces informations :

» “Ainsi se trouve, je pense, suggérée la véritable définition du système de la communication (et la raison, jusqu’ici assez intuitive, pour laquelle j’ai tenu depuis quelques années à écrire “système de la communication” et non “système de communication”). La “communication” dans ce cas n’est pas un simple outil, elle est une matrice féconde. Le système de la communication n’est pas seulement un transmetteur, il est aussi et d’abord un transmutateur ; il ne fait pas que transmettre, il transmute ce qu’il transmet, et pour revenir à notre propos, il transmute les informations en [“événements”] en même temps qu’il les transmet, par la façon qu’il les transmet, par la dynamique qu’il y met, par la forme même qu’il donne au tout.

» ”Je ne crois pas, bien entendu, que cette action soit simplement mécanique et dynamique. Je crois qu’à considérer cette situation sans précédent possible d’aucune sorte, cette action de transmutation exercée par le système de la communication répond à un sens fondamental, dont l’inspiration échappe à tout contrôle humain. Bien entendu je ne parle évidemment pas du contenu des nouvelles (“Allez jouer avec vos FakeNews”, comme Montherlant disait « Va jouer avec cette poussière »), mais bien de l’essence même de cette forme absolument inédite d’un système agissant directement sur la manufacture de la métahistoire en ignorant superbement, comme l’on méprise, l’histoire événementielle à laquelle nous sommes habitués et dont le Système a si habilement abusé.” »