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358Nous nous référons ici à un article déjà ancien du Washington Times, puisque datant de presque une semaine, du 20 janvier 2010. Il concerne la vente possible du porte-hélicoptères français Mistral à la Russie. Il part d’une information d’origine française et, c’est le point essentiel, contient certains éléments intéressants pour l’appréciation des tractations en cours, à côté d’observations évidemment hostiles d’un point de vue politique très idéologique.
Voici des extraits de l’article.
«Intelligence Online, a Paris-based Web site with good sources in the French government, reported Friday that President Nicolas Sarkozy “has agreed to allow Mistral-class amphibious ships to be sold to the Russian Navy.” It quoted “sources at the Elysees Palace” as saying that the decision “will be announced in March, when [Russian President] Dmitry Medvedev visits Paris.” […]
»“Should this sale proceed, an already divided alliance would become even more deeply divided on the eve of drafting its next strategic concept,” said Heather Conley, Europe program director at the Center for Strategic and International Studies.
»Ariel Cohen, senior research fellow at the Heritage Foundation, said NATO members should not expand military cooperation with Russia until it “restores its credibility and friendship with the West.” “At a time when Moscow still views NATO as an adversary, abandons the Conventional [Armed] Forces in Europe Treaty, and occupies 20 percent of Georgian territory, a major warship sale to the Russian navy by a NATO ally is premature,” he said. “This is especially true when the sale is a part of a major naval modernization, which may jeopardize NATO's flanks and important energy routes.” […]
»Gerard Cowan, Europe editor of the British publication Jane's Defense Weekly, wrote earlier this month that the recent activity “is an indication of how far Europe is willing to help Russia modernize its military — even at the expense of erstwhile NATO allies on Russia's borders.”
»“It would point to the emergence of an increasingly normal relationship between Russia and the rest of Europe, one of the key foreign-policy goals of Mr. Obama,” he wrote on Foreign Policy magazine's Web site. […] “The fact that Russia is seriously considering buying a military vessel from its former NATO adversaries says much about the poor condition of its manufacturing base,” Mr. Cowan wrote.
Certainement, la remarque la plus intéressante est celle qui vient en tête de l’article, qui est renforcée plus loin, en partie, par Cowan: «The likely deal for at least one Mistral-class amphibious ship for the Russian navy is being watched closely in Washington — not only because of European willingness to arm NATO's former archenemy, but also because of Moscow’s tacit acknowledgment of the poor state of its own military industry.»
@PAYANT …Cette dernière phrase (en tête dans l’article, comme nous disions, mais placée de façon fort anodine) est certainement la plus intéressante parce qu’elle ouvre des perspectives nouvelles concernant la vente du Mistral, ou confirment des perspectives spéculatives intéressantes. Elle est confirmée, dans le sens qu’on verra plus loin, par les inquiétudes de militaires russes de voir que la Russie envisage d’acheter des matériels militaires très importants à l’extérieur. (Ces inquiétudes, citées dans l’article, ont déjà été exprimées à intervalles réguliers dans les canaux d’information russes.)
Suivons d’abord le cheminement de l’article. Le Washington Times, qui appartient au Révérend Moon, de la secte du même nom, est proche des néo-conservateurs. Il a des contacts, directs ou indirects, avec les mêmes réseaux que ceux des neocons. L’information de Intelligence Online (Paris) sur des rumeurs de la conclusion de la vente du Mistral en mars prochain a été relayée et communiquée par les correspondants parisiens des réseaux neocons. (Réseaux connus. On y trouve des membres éminents de ce que nous nommons “le parti des salonards”, libéraux-interventionnistes, anti-russes, neocons type-parisien, à la tête desquels trônent des personnalités type-Glucksmann. On comprend de quoi l’on parle, et ces réseaux relaient eux-mêmes d’autres “centres” d’influence, tels le président géorgien Saakachvili et son entourage. Ces milieux espèrent une action importante du côté US pour bloquer l’achat du Mistral.)
Suivant la procédure normale, le Washington Times consulte ses sources à Washington à propos de l’information dont il dispose. Et là, la chanson est différente de ce que l’on pouvait attendre. Le département d’Etat ne veut pas faire de commentaire (tout comme l’ambassade de Russie est-il écrit dans l’article – le rapprochement est sympathique et laisse à penser). Cela semblerait signifier dans tous les cas que l’administration Obama ne voudrait pas prendre position sur cette question, une position qui ne pourrait être que critique, sans doute pour ne pas interférer dans les relations entre les USA et la Russie qui sont dans la phase délicate de la finalisation du traité START-II auquel Obama semble tenir fermement. Du Congrès, pas un mot. Il y a pourtant eu une offensive anti-Mistral il y a quelques semaines mais elle ne semble guère soulever de passion. On s’en doute, le Congrès a d’autres chats à fouetter en ce moment, notamment du côté du Massachusetts, et les questions des relations avec la Russie sont loin de ses préoccupations.
Et le Pentagone? C’est là où la phrase citée plus haut est intéressante, qui effectivement représente les appréciations des milieux de sécurité nationale proches du Pentagone. Après les récriminations d’usage concernant le principe de la vente d’un tel matériel à un pays si peu fréquentable, il y a l’indication de “la reconnaissance tacite par Moscou de l’état déplorable de sa propre industrie militaire”. Cette idée rencontre des échos du côté de certains milieux russes, particulièrement chez les militaires et dans l’industrie. Pour eux, l’achat du Mistral serait effectivement “la reconnaissance de l’état déplorable actuel de sa propre industrie militaire”. De ce point de vue, la situation devient paradoxale par rapport à ce qu’on pouvait jusqu’ici en prévoir; ce point de vue engagerait le Pentagone à ne pas trop s’opposer à cette vente qui serait effectivement un aveu de faiblesse de la part de la Russie, avec la position inverse de certains milieux militaires russes qui s’y opposeraient plutôt – mais ceux-là pouvant difficilement exprimer trop directement leur opposition, à cause de la position de leur pouvoir politique.
On voit la différence des positions qui pourrait apparaître entre la vision militaire de la chose avec la vision idéologique. Le Pentagone pourrait juger militairement avantageux que cette vente se fasse, en ceci qu’elle tendrait à démontrer, ou faire croire dans tous les cas, que la Russie est aujourd’hui très faible au niveau de son industrie d’armement. Ce point de vue l’avantagerait dans le domaine de la perception de la puissance comme dans celui de l’exportation des armements où les USA sont parfois en concurrence avec la Russie, comme en Inde. Diplomatiquement, l’administration Obama voudrait également éviter des remous dans ses relations avec la direction russe, et irait dans le même sens de la discrétion.
Le parti idéologique anti-russe se trouverait de ce fait dans une conjoncture d’assez grande faiblesse, avec ses relais favoris plutôt réticents à lui emboîter le pas. La situation de la vente du Mistral serait, du point de vue de cette analyse que favorisent certains milieux européens, beaucoup plus contrastée que prévue dans l’ordre des batailles des forces habituellement sollicitées pour intervenir dans un tel débat. Au-delà, cet ensemble de pressions en sens divers conduirait à faire de cet achat, s’il a lieu, un geste encore plus politique que militaire, ce qui serait le vœu des Français et encore plus des Russes, évitant ainsi, pour ces derniers, de mettre trop en évidence cet aspect de la faiblesse de l’industrie russe. Si la vente est effectivement présentée comme un acte politique de bonnes relations, on en oublie d’autant plus ce qu’il signifie à ce niveau des capacités industrielles de la Russie. Dans ce cas, l’affaire Mistral prendrait effectivement une dimension importante de politique de sécurité européenne (ce qu’un Cowan semble distinguer en partie dans l’extrait cité, mais que le Pentagone semble ignorer).
Mis en ligne le 26 janvier 2010 à 05H42