Il n'y a pas de commentaires associés a cet article. Vous pouvez réagir.
2122La conférence de presse de Trump du 11 janvier, par sa forme extraordinaire d’une “bataille de chiens” (“dogfight”) et par l’incontestable victoire par KO du président-élu, ne cesse d’être analysée et disséquée. La plus grande surprise dans une situation, – notre époque invertie et catastrophique de la postmodernité, – qui demande à ne plus s’étonner de rien, et surtout d’aucune surprise, c’est de lire dans The Weekly Standard une foudroyante et admirative analyse du comportement tactique quasi-militaire de Trump vis-à-vis de la presse-Système, le vénérable et semblait-il intouchable Fourth Estate que le président-élu ne cesse d’envoyer à terre et de mettre régulièrement KO.
Pourquoi “surprise” ? Parce que l’analyse, remarquable, est sans nul doute admirative, alors que le Weekly Standard est historiquement le porte-drapeau des neocons qui n’ont cessé d’animer et de manipuler la presse-Système dans le sens d’un soutien inconditionnel à l’interventionnisme échevelé de la “politique” extérieure des USA depuis 9/11, et récemment contre Trump qui est identifié comme un adversaire de cette politique-Système. Certains y verraient-ils une connivence, une sorte d’entente objective et de complot qui ferait de Trump un imposteur ? Nous certainement pas, et nous parlerions plus simplement et candidement d’une connivence chaotique, animée beaucoup plus par les gestes furieux du chaos trumpiste qui agite Washington, où l’on ne sait plus qui fait quoi, qui est avec qui et qui est contre qui, qui parmi les membres de l’État-profond sait encore ce que fait l’État-profond et qu’est-ce que c’est que l’État profond, et ainsi de suite. Ainsi Fred Barnes fait-il l’apologie de Trump-“le-contrepuncheur”, l’homme qui frappe plus vite que ses poings, qui n’attend qu’une chose qui est de pouvoir frapper, c’est-à-dire d’être constamment à l’offensive comme d’autres sont constamment sur la défensive.
Barnes décrit un Trump, notamment à l’aide de plusieurs citations de Newt Gingrich qui le connaît bien, en des termes qui s’apparentent à l’art de la guerre, et plus précisément à l’art du mouvement tactique. Les références viennent aussitôt à l’esprit : George Patton bien sûr comme on l’a déjà dit plusieurs fois, gentleman au langage de charretier (“sonavabitch”, ou “fils de pute” dit affectueusement, notamment à l’attention de Rommel qu’il admirait tant, était sa formule favorite), cavalier motorisé sans égal avec sa IIIème Armée, venue d’une illustre famille virginienne avec deux ancêtres qui s’illustrèrent dans les rangs sudistes ; et, autre référence, le général Jeb Stuart, le magicien de la cavalerie sudiste qui faisait des raids si profonds dans les États nordiste avec des détachements considérables, qui réussit avec ses 1.200 cavaliers à “encercler” une armée nordiste vingt fois supérieure en nombre rien qu’en tournant autour d’elle comme une nuée de feux-follets avant de s’en retourner avec 165 soldats et 250 chevaux pris à l’ennemi. (Cela se passait en juin 1862 lors de la bataille de Williamsburg, et l’ironie tragique de la guerre civile voulut que le chef de la cavalerie de cette armée nordiste, que Stuart mystifia avec tant de verve et d’élégance, était le colonel Cooke, son propre beau-père qui avait choisi de rester dans l’armée de l’Union.) Ces deux hommes, Patton et Stuart, répondent à la description de Barnes : l’offensive, encore l’offensive, toujours l’offensive, aujourd’hui bien plus qu’hier et bien moins que demain, “un plan médiocre aujourd’hui vaut mieux qu’un plan parfait dans une semaine”.
(Les deux analogies militaires, Stuart et Patton, valent aussi pour le caractère. Trump peut évidemment être identifié comme un caractère extraverti, ce qui est plus intéressant à noter que les multiples variations pseudo-psychanalytiques autour du narcissisme ; et cela correspondant parfaitement, en termes de tactique militaire comme de comportement politique et de communication, à l’état d’esprit offensif. Patton est connu pour son caractère extraverti, – également tendance narcissique bien entendu, – avec ses diverses extravagances et quelques solides faux-pas, ses originalités voyantes d’uniforme [les deux Colt six-coups aux crosses nacrées]. Jeb Stuart était de la même veine, estimant que son comportement militaire ressuscitait l’esprit de la chevalerie, portant un uniforme original, voyant, avec une plume à son chapeau, etc. L’un des meilleurs amis d’un autre des grands généraux sudistes, Stonewall Jackson, au caractère introverti et extrêmement austère, il était réputé, selon l’historien James I. Robertson, comme “le seul homme de la Confédération qui pouvait faire rire Jackson, – et qui osait le faire” [« the only man in the Confederacy [who] could make Jackson laugh—and who dared to do so »].)
Dans sa tactique contre la presse-Système, Trump est toujours sur l’offensive dans le mode contre-offensif : il doit attendre le premier coup, par situation même puisqu’il s’agit de réagir à des écrits, ou à des questions, venus des journalistes ; et là, il réagit toujours d’une façon inattendue, imprévue, inhabituelle, complètement en-dehors des normes. « Il est en permanence sur le mode offensif, dit Gingrich qui précise que Trump a appris ce comportement lors de sa carrière de businessman à New York. Il se réveille chaque matin en se demandant : “Comment est-ce que je vais m’arranger pour rester sur l’offensive aujourd’hui ?” » Il est d’autant plus dans cet état d’esprit avec la presse-Système, c’est-à-dire qu’il attend avec impatience de recevoir le premier coup pour pouvoir déployer son offensive, qui est sa façon d’être, notamment avec le tweet qui est évidemment son arme favorite. Bien entendu, comme dans les analogies Stuart-Patton, le caractère essentiel de cet état d’esprit est la vitesse en toutes choses, – vitesse de décision, vitesse d’exécution, évaluation assez pauvre des conséquences selon l’idée que l’effet de l’offensive et de sa rapidité modifiera radicalement les conditions générales de l’environnement qu’on envisagerait pour en deviner les conséquences, – offensive et vitesse créant des conditions nouvelles, un “monde nouveau” qui élimine de facto toutes les objections qu’une réflexion préliminaire prolongée peut soulever.
Du coup, on se trouve renforcés dans l’idée que Trump est en train d’introduire effectivement une phase révolutionnaire dans la bataille continuelle du système de la communication qui est l’un des deux piliers du Système avec le technologisme, à l’intérieur du système de la communication, pour se saisir de la communication à son avantage. Cette “phase révolutionnaire” se définit avec l’observation que Trump n’est pas passé par le filtre d’une carrière politique où l’une des injonctions les plus systématiques, et en général sine qua non pour toute carrière politique dans le Système, est le respect absolu des règles de réserve et du decorum des relations avec la presse-Système ; c’est-à-dire, l’acceptation d’un double langage qui oblige l’homme politique à un simulacre permanent face aux représentants de la presse-Système, pour à la fois leur marquer un respect simulé et manœuvrer pour tenter de les prendre sous son influence tout en respectant les diktat du Système. Cette attitude conduit à un emprisonnement réciproque qui n’est concevable effectivement qu’à l’intérieur des diktat du Système, l’homme politique prisonnier de son respect pour le Fourth Estate, le journaliste prisonnier de l’influence du politicien.
Trump ne connaît rien de tout cela et, à son âge, avec le caractère formé et l’expérience accumulée, avec l’esprit offensif qui écarte toute prudence inutile pour la forme et considère au contraire que la forme doit être manipulée au profit de son offensive permanente, il est évident qu’il ne changera pas et qu’il appuiera au contraire dans le sens qu’on lui voit faire. De ce point de vue, et du fait de l’importance fondamentale de sa fonction, son comportement doit effectivement faire éclater toutes les règles, c’est-à-dire tous les diktat du Système. C’est là cette “phase révolutionnaire” dont nous parlons, dont on ne sait rien encore des véritables effets dans le champ fondamental de la communication, mais qui doit nécessairement prendre, par le fait même du refus des diktat du Système, un tour antiSystème.
Ci-dessous, l’article de Fred Barnes, à paraître dans le numéro du 23 janvier 2017 du Weekly Standard.
_________________________
Donald Trump is in the rare position of loathing the media and dominating them—simultaneously. What more could a president-elect want as he enters the White House? Not much.
Reporters, columnists, talk radio blabbers, and even the elite media in Washington and New York think Trump is obligated to deal with them pretty much on their terms. Trump doesn't agree. The notion of catering to them has never crossed his mind. And probably never will.
Instead we get wild events like Trump's first press conference since winning the presidency. It was on his home turf at Trump Tower. He was in charge. The reporters were an unruly mob. As they tried to attract Trump's attention, he coolly surveyed them before deciding who should ask him a question. He was dominant, the press pitiful.
With Trump, rules have changed. CNN was oblivious to this. It had played up the dubious "dossier" story about Trump. Yet, after Trump denounced the story, CNN correspondent Jim Acosta thought he was entitled to ask a question. Trump refused. "You are fake news," he said, looking at Acosta.
Which leads us to the first change. And by the way, it applies across the board, not just to the media. The new rule is simple: When you attack Trump, he will hit back harder than you could have imagined. "He learned this in the New York media when he was a businessman," Newt Gingrich said in a speech in December.
This is "Trump's core model," says Gingrich, who understands how Trump operates better than anyone else. There's a reason for Trump's counter-punching. He always wants to be on offense. "He's on permanent offense," Gingrich says. This, too, is a change. "He gets up in the morning, figuring out, how am I going to stay on offense?"
That he punches back was lost on Hollywood's Meryl Streep. After she vilified him at the Golden Globe awards banquet, he unloaded on her with bruising force. He tweeted that she's an "overrated actress" and a "Hillary flunkie." I suspect more people read his tweets than watched her speech on TV. More are also likely to remember what he said.
But the main thing was he got on offense. That's an imperative that sometimes puts him in an unpopular position. When Khizr Khan, the father of an Army captain killed in Iraq, delivered a stinging attack on Trump at the Democratic convention, he fired back. He insisted he had a "right to respond." He stayed on offense, though it might have been at his own expense.
Offense is so precious to Trump that he goes to great lengths to stay there. In the third debate with Hillary Clinton, he refused to say whether he would accept the outcome of the election. The media went crazy. They ignored everything else that had happened in the 90-minute debate. The New York Times said Trump "seemed to cast doubt on American democracy." At the time—mid-October—he was "under enormous pressure to halt Mrs. Clinton's steady rise in opinion polls," the Times explained.
Trump knew what he was doing. He kept alive the question of whether he'd go along with the election's verdict. It dominated national news for a week, then lingered for a second week. It dwarfed what Clinton was up to. That she had won the debate was overlooked. And two weeks later, Trump was on a glide path to winning the election.
The release of the Access Hollywood video was one of the few times he couldn't go on offense. At whom could he hit back? This time he offered an excuse. His vulgar and salacious language was "locker room" talk, he said, nothing more. The result was telling. The story faded but never died.
Trump reached peak offense with what the media saw as a losing strategy. On an average day, Trump woke up and tweeted, called morning TV shows, made a brief press appearance, spoke at a rally, and did a Fox News show in the evening—$30 million of free media. This allowed Trump to "dominate by saturation," according to Gingrich.
"Your opponents are being drowned and don't even know it," Gingrich said. "The political press reports you aren't raising enough money to be competitive." Meanwhile, Trump was chuckling.
Another rule—or precedent—Trump has set is that it's easy to send the media off on wild goose chases. Whatever he tweets, the press chases. Gingrich calls these "rabbits." During the transition Trump met twice with Mitt Romney, creating two weeks of press speculation about whether he'd be secretary of state. Romney turned out to be a rabbit.
Still another Trump rule is that bad polls and media opposition shouldn't dictate your decisions. Trump tweets as much as ever, though polls say he should quit now that he's been elected president. Also, he appointed his son-in-law Jared Kushner to be a top White House adviser, knowing the press frowns on nepotism.
It's indisputable that Trump is canny. Scott Adams, the creator of Dilbert, credits him with a degree of cleverness that had escaped me. "His opponents did a great job of framing him as some kind of Hitler," Adams noted in his blog. This notion "still hangs over the country like a chorus of stale farts." And extinguishing it is tricky.
How should Trump "deal with the second-largest case of national cognitive dissonance in our history? (Slavery was first.)" Adams says "ignoring the Hitler branding from the other side won't work. It's too sticky. Denying the Hitler branding won't work either. That would just make people debate the details and harden the association by reputation." So "there's no solution, right?"
Wrong. "A Master Persuader" like Trump "neither ignores nor denies. He plays offense and scrambles their frame." Trump had to wait for "the right time and the right opportunity," which arrived with "an intelligence meeting leak and some fake news."
The Master Persuader must enter the third dimension "where persuasion matters and facts do not," Adams said. Trump dispatched a tweet: "Intelligence agencies should never have allowed this fake news to 'leak' into the public. One last shot at me. Are we living in Nazi Germany?" This, Adams wrote, "was the only play that can work. It won't solve the Hitler branding the other side put on him. But it's a start."
I had to read the tweet twice to see its brilliance. Was it calculated or was Trump just lucky? An old baseball saying supplies the answer. You make your own luck.