Il n'y a pas de commentaires associés a cet article. Vous pouvez réagir.
1512Le 10 novembre, il y a eu une explosion impressionnante à Indianapolis, aux USA. Deux immeubles ont été détruits et deux personnes ont été tuées. Le premier caractère particulier de cet incident est qu’on ignore officiellement la cause de ces explosions. Le second caractère particulier est que cette explosion a été aussitôt l’objet de spéculations, qui font sans aucun doute partie, – à moins d’être vraies, après tout, – du grand courant “complotiste” qui agite notre époque dans tous les sens. Le troisième caractère particulier est, pour nous, que Le Monde s’est fait l’écho de cet ensemble de choses, en n’omettant pas les théories complotistes, et même en s'y complaisant presque (tout en se bouchant le nez, normal). Voici des extraits de ce texte du Monde, du 15 novembre 2012.
«La CIA a-t-elle accidentellement tiré un missile sur la ville d'Indianapolis ? C'est la folle hypothèse relayée par le site Motherboard après l'explosion qui a fait deux morts, rasé deux maisons et en a endommagé plus de trente autres, dimanche 11 novembre.
»En l'absence d'éléments concluants, certains médias évoquent la possibilité d'un tir de missile d'un drone de la CIA, qui aurait donc détruit tout un pâté de maisons, sur la base d'informations contenues dans un prétendu rapport de l'aviation russe… […]
»Il n'en fallait pas plus pour embraser Internet et Sorcha Faal, un blogueur anonyme connu pour répandre des théories conspirationnistes sur son site, whatdoesitmean.com. “Dans ce cas précis, sa source serait un rapport qui circulerait au Kremlin”, précise Motherboard. “Cette théorie est farfelue”, tranche Rita Burris, porte-parole des pompiers d'Indianapolis.
»Le prétendu rapport du Kremlin, publié par les forces de défense aérospatiales russes, affirme qu'un satellite géostationnaire Kosmos 2479 aurait détecté deux missiles Hellfire, tirés par un drone MQ-1 Predator au-dessus d'Indianopolis. Les cibles initiales étaient deux bâtiments de l'US Army situés dans la zone proche de l'explosion. Le rapport prétend qu'un deuxième drone de la CIA aurait alors volontairement fait exploser les deux missiles pour les empêcher d'atteindre leur cible. Toutefois, rien ne vient expliquer dans ce rapport fantôme pourquoi ces deux missiles auraient été tirés en premier lieu.
»“En attendant les conclusions de l'enquête, tout n'est que pure spéculation”, réaffirme Rita Burris…»
Après avoir apprécié les interventions lumineuses de Rita Burris, du corps des pompiers d’Indianapolis, apprécions que WhatDoesItMeans soit cité dans les colonnes du Monde. S’il devrait y avoir une source infréquentable pour Le Monde, ce serait bien WhatDoesItMeans ; pourtant, on fréquente…
Nos lecteurs ont déjà lu quelques notes, dans ces colonnes, à propos du site WhatDoesItMeans.com. Nous avons déjà dit tout ce que nous en pensions, c’est-à-dire avec les très nombreuses réserves absolument nécessaires, – mais pas moins, certes, que pour un communiqué du Pentagone, une déclaration du général Petraeus ou un discours d’Obama, – pas moins, en vérité, si l’on peut dire… Sur le fait lui-même, il nous a toujours semblé évident qu’il existait des sites intentionnellement “originaux”, ou farfelus, où l’on pouvait glisser, intentionnellement cela va de soi, l’une ou l’autre information intéressante. Si c’était le cas, cela pourrait s’appeler de l’“information dissimulée”, la désinformation servant après tout de code pour décrypter ce qu’il importe de savoir, etc.
Le 27 février 2012, nous écrivions ceci à propos de WhatDoesItMeans.com…
«…• Maintenant, la source… Le site WhatDoesItMeans.com dépend d’une plume nommée Sorcha Faal, qui serait russe et féminine, et du monde académique russe, et dont tout le monde s’entend aussitôt pour affirmer qu’elle (cette Sorcha Faal-là) n’existe pas. Alors on parle de David Boothe, qui est successivement ou parallèlement selon les uns et les autres un agent double du GRU; un officier (ex- ou pas ?) de la CIA, du programme COINTELPRO de lutte contre la sédition intérieure dans les années 1960 ; un manipulateur pro-sioniste ; un informaticien à la retraite ; un auteur de best-seller, etc. C’est WhatDoesItMeans.com/Sorcha Faal qui a lancé l’information selon laquelle une expérience tellurique ou une action dans ce sens de l’U.S. Navy avait causé le tremblement de terre d’Haïti de 2010. Il existe une multitude d’affirmations, de dénonciations, de suspicions et de révélations sur WhatDoesItMeans.com/Sorcha Faal. Disons, pour nous en sortir par une pirouette, que le texte [du 14 janvier 2011] de Gramercy Images News donne une bonne synthèse du problème particulier WhatDoesItMeans.com/Sorcha Faal, avec quelques liens parmi d’innombrables à ce propos, et, de façon plus générale, quelques appréciations sur les questions de la désinformation (fausse information volontaire), de la misinformation (fausse information involontaire, – ou “mistake-information” ?), et de l’information tout court. Impossible de sortir de tout cela quelque chose de précis, et donc d'assuré.
»• C’est certainement à ce propos qu’il nous faut sortir notre arme principale : l’inconnaissance. Inutile de chercher à savoir quelque chose d’assuré, sur la source, ses conditions d’évolution, son crédit réel, ses manipulations, etc. ; on ne ferait que s’embourber dans un marais de pistes sans fin, sans la moindre garantie d’aboutir à quelque chose d’utile . (Ne parlons pas de la vérité, cette chose inconnue dans cette sorte de sac de nœud indémêlable.) Le produit net (embourbement sans rien d’utile) est totalement négatif, complètement déstabilisant pour notre démarche ; notre réflexion est gravement compromise, parce que nous sommes emprisonné à des pratiques contraignantes et réductrices, dans le cadre du Système et selon ses règles auxquelles il faut se soumettre ; qu'on soit pour ou contre le Système, on se trouve prisonnier de ses règles.
»• Il faut alors se replier sur une règle quasiment technique selon laquelle ce genre de démarche fonctionne selon la formule, en général, d’un élément vrai ou assuré pour pouvoir fourguer un wagon d’éléments plus ou moins spéculatifs, plus ou moins approximatifs, où, pourtant, vous pouvez parfois trouver des choses intéressantes…»
Certes, Le Monde emploie des termes comme il faut, – “la folle rumeur”, la “folle hypothèse”, etc., mais il ne parle que de cela... A part cela, certes, il ne nous dit rien puisque c'est rien nous dire que nous instruire des commentaires aussi luxuriants que la Vallée de la Mort de la pompière chargée des relations avec la presse, Miss Rita Burris. Le titre du Monde lui-même donne la mesure de l’estime de l’information qu’il donne à ses lecteurs, avec la fine allusion au feuilleton, américain de surcroit, – non, feuilleton américaniste d’ailleurs, etc… «X-FILES – L’explosion mystère d’Indianapolis et la folle rumeur d’un drone de la CIA»
…Il y a bien eu une explosion à Indianapolis, il y a bien deux morts, et il y doit bien y avoir une explication. Le Monde en est bien réduit à cela : citer WhatDoesItMeans, Sorcha Faal et une soi-disant “théorie complotiste”, parce qu’il n’y a, – cinq jours après l’explosion ! – aucune autre information/explication disponible. Miss Rita Burris est en panne sèche. C’est bien là que repose tout l’intérêt de l’affaire, et une belle démonstration.
Nous devons bien entendu parler du constat évident que, pour un empire, Le Monde n’aurait jamais cité ces loufoqueries, s’il y avait eu autre chose de disponible. Contre tout ce qui n’est pas dans la ligne-Système, la presse-Système n’a qu’un seul argument, comme un marteau-pilon, irrésistible, impressionnant : le silence. (Éventuellement, avec une petite moue de mépris en prime.) Mais il faut bien remplir ses colonnes, et une explosion à Indianapolis ne peut être ignorée de la même façon qu’on ignore nombre de tirs de drones, notamment de la CIA (là, pas de contestation), au Pakistan, au Soudan, au Yemen et dans tous ces sous-pays où les explications ne sont ni utiles ni nécessaires.
Le cas n’est pas assuré, et il est possible que l’absence d’explication officielle soit simplement le fait d’une difficulté normale de l’analyse de cette affaire, mais cette hypothèse est vraiment pitoyable et de plus en plus maigrelette cinq jours après l’explosion. Au bout de ces cinq jours, il se peut également qu’il s’agisse du résultat de la simple incompétence des pompiers d’Indianapolis. Il se peut également que, dans le climat actuel aux USA, il s’agisse d’une rétention d’informations officielles comme on en trouve de plus en plus souvent, dans les pays du bloc BAO et aux USA particulièrement, soit par absence ou refus de coordination entre des agences et des services, soit par le souci grandissant et obsessionnel de la sécurité nationale, qui touche tous les domaines. Il se peut également, last but not least, que l’“informateur fou”, Sorchal, n’ait pas tout à fait tort, et qu’il se soit passé quelque chose d’imprévu et de très difficile à rendre public, que les pompiers d’Indianapolis eux-mêmes ignorent, ou à propos de quoi ils ont reçu l’instruction de ne rien dire. Dans ces divers cas, on se trouve, ou plutôt Le Monde se trouve confronté à ce phénomène de contraction accidentelle et/ou (de plus en plus souvent) obsessionnelle ou mensongère de l’information officielle, de la part de puissances publiques, ou puissances-Système, chaque jour engagées dans des activités toujours plus illicites. On voit alors que, dans ce cas, les réseaux alternatifs, l’Internet, jusqu’aux sites les plus bizarres et les plus “suspects”, occupent le terrain, et qu’il arrive un moment où il faut bien briser l’Omerta-Système pour pouvoir emplir ses colonnes et ne pas paraître trop ridicule, et trop peu commercial, avec une censure du vide qui finirait par n’offrir au lecteur que du vent à lire.
C’est une bonne leçon et, surtout, une leçon démonstrative. Nous ne prétendons certainement pas savoir ni décider si la CIA est intervenue, si Sorcha Faal a tort ou a raison et toute cette sorte de choses. Ce qu’il nous importe de constater, c’est que l’autocensure de la presse-Système, confrontée par ailleurs à l’obsession de la contraction de l’information des organes de sécurité du Système, finit par mettre cette même presse-Système dans une posture de plus en plus inconfortable. Sorcha Faal doit donc exulter et, pour le (la) saluer, jetez un coup d’œil sur son texte CIA/Indianapolis du 11 novembre 2012, quatre jours avant Le Monde.
Mis en ligne le 17 novembre 2012 à 18H42