Le monde-puzzle de Fukuyama

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Le monde-puzzle de Fukuyama

• Fukuyama, célèbre depuis 1989 pour avoir annoncé “la fin de Histoire”, comprend (depuis 2000 !) qu’il faut nuancer son propos et présente une autre voie d’accès : le “nationalisme libéral”. • Le texte fukuyamesque nous est expliqué par Alexander Bovdunov.

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Voici une très récente analyse d’un des derniers articles de Francis Fukuyama. Seuls les jeunes gens comme nous se rappellent du tintamarre fait en avril 1989 par une conférence de ce jeune fonctionnaire du département d’État, avec son titre alléchant : « La Fin de l’Histoire ». Quelques mois plus tard, la conférence devenait un livre, qui avait tout pour devenir un succès de librairie, et qui le devint.

L’expression de “la fin de l’Histoire”, diversement voire contradictoirement interprétée, devint alors une remarque standard pour désigner une époque (Gorbatchev, fin de l’URSS) à laquelle personne ne comprenait rien du tout mais dont tout le monde parlait avec abondance et un luxe de détails. Fukuyama lui-même dut s’y reprendre à plusieurs fois, avec publications à l’appui, pour tenter de nous expliquer ce que lui-même n’avait sans doute pas tout à fait compris, – la signification de cette équipée définitive qu’est “la fin de l’Histoire”.

En attendant que le Ciel accomplisse ses vœux divinatoires, Fukuyama suivit la voie toute tracée : adepte absolu du libéralisme devenant hyperlibéralisme, neocon quand il importait de l’être (immédiatement après l’attaque 9/11), puis devenant un tout-petit, tout-petit peu plus modéré, – mais surtout pas trop pour rester dans le vent extrêmement portant de la politiqueSystème, – pour suivre le flux central et washingtonien. Bien entendu adepte inflexible du globalisme et de la “société ouverte” à-la-Soros, puis devenu-Woke, inévitablement. C’est ce qu’on désigne comme un “sans-faute” à Washington D.C., à “D.C.-la-folle”.

Nous en arrivons à aujourd’hui : où en est Fukuyama ? Et, par le biais du commentaire de Alexander Bovdunov sur un récent article de Fukuyama, on découvre que le penseur a brusquement changé, – ou peut-être “plus ou moins” “brusquement” changé, si lui-même parvient à se situer, – puisqu’on nous dit qu’il pense comme ceci, de cette façon, depuis 2000...

On vous “explique” :

« Le penseur libéral sans originalité Francis Fukuyama a récemment publié un article dans lequel il appelle les libéraux à abandonner la cause de la création d'une “société globalisée et à embrasser plutôt le nationalisme” (entendu comme le nationalisme civique) (1).

» Il n'est évidemment pas surprenant que Fukuyama prône le “nationalisme libéral”, puisqu'il affirme depuis 2000 qu'il est nécessaire de soutenir et de cimenter la création de structures modernes (les “États-nations”) à travers le monde afin que le libéralisme puisse les utiliser comme un outil pour détruire les vestiges des communautés et traditions prémodernes qui survivent encore. »

Donc, Fukuyama est partisan du “nationalisme libéral”, sinon “nationaliste” lui-même, parce qu’il faudrait en passer par ces structures pour atteindre le globalisme. Il paraît qu’il l’affirme depuis 2000 mais on ne l’a guère entendu. Il s’avère aujourd’hui qu’il faut être partisan de “l’État-nation” qui suscite le nationalisme, même dans les cas où cet état de chose n’existe pas ; parce que la marche directe vers le globalisme est un échec, et qu’il faut reconstruire des États-nations pour mieux détruire les structures anciennes et ainsi faciliter indirectement une sorte de globalisme.

En quelque sorte, si l’on veut traduire, Fukuyama est pour ““l’État-nation qui suscite le nationalisme”, et en général soutient les structures conservatrices, traditionnalistes, souveraines, pour mieux pouvoir détruire les structures (conservatrices, traditionnalistes, souveraines) qui empêchent le globalisme de s’imposer. Tout le reste est à peu près dans ce sens, et correspond d’ailleurs à la marche des affaires, à cet espèce de puzzle des orientations, des options, des prévisions, en un mot des idéologies, dont est plein le grondement majestueux de la GrandeCrise.

Nous signalons d’ailleurs que nous nous trouvons dans le même embarras, pour nos choix et nos engagements, mais, en le soulignant, mettant en évidence que dans cette conjoncture insaisissable nous nous refusons à faire un “choix idéologique” et préférons la position de “défense agressive” (selon la tactique russe enUkraine) de l’inconnaissance, – cela en complète contradiction avec Fukuyama qui a choisi l’idéologie du libéralisme comme choix définitif, dès le temps de “la fin de l’Histoire”.

On ajoute également que ces propositions de Fukuyama éclairent bien les contradictions auxquelles sont confrontées les diverses forces se disant de la “droite nationale”, qui peuvent ainsi se trouver aspirées dans un courant à destination globaliste malgré les apparences dites-nationalistes. Ces mêmes forces, particulièrement en France où l’on parle de nombreux intellectuels de la “droite nationale”, se sont trouvées prises dans le piège de l’Ukraine en prenant plus ou moins partie contre la Russie pour défendre une soi-disant “souveraineté nationale” (ukrainienne) totalement manipulée par les USA et les milieux de la corruption gigantesque en Ukraine, – et se retrouvant désormais solidaires des forces du Système aux USA, sinon pris dans la contradiction de se trouver la mine plus ou moins Woke.

Voici donc le texte d’ Alexander Bovdunov nous rapportant les points essentiels du dernier texte de Fukuyama. Que ceux qui ont compris après avoir réussi à résoudre le puzzle fukuyamesque nous écrivent pour nous remettre dans le droit chemin.

dde.org

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Le “nationalisme libéral” de Fukuyama

Le penseur libéral sans originalité Francis Fukuyama a récemment publié un article dans lequel il appelle les libéraux à abandonner la cause de la création d'une « société globalisée et à embrasser plutôt le nationalisme » (entendu comme le nationalisme civique) (1).

Il n'est évidemment pas surprenant que Fukuyama prône le « nationalisme libéral », puisqu'il affirme depuis 2000 qu'il est nécessaire de soutenir et de cimenter la création de structures modernes (les « États-nations ») à travers le monde afin que le libéralisme puisse les utiliser comme un outil pour détruire les vestiges des communautés et traditions prémodernes qui survivent encore. L'article dit en substance: « Nous voulons créer un monde sans États-nations, mais comme c'est encore impossible, il vaut mieux utiliser les États-nations pour atteindre cet objectif ». Il affirme également que « malheureusement, l'opération militaire spéciale russe en Ukraine montre que nous n'avons pas encore créé un monde post-historique ».

Fukuyama est favorable à un nationalisme civique de type jacobin qui détruit toutes les formes de communautés et de solidarités organiques, car « les sociétés libérales ne devraient pas reconnaître officiellement les groupes fondés sur des identités fixes telles que la race, l'ethnie ou la tradition religieuse ». Seul le « nationalisme » permet de construire des valeurs et des attitudes uniformes compatibles avec le libéralisme. En outre, Fukuyama considère que le fédéralisme renforce les « identités ethniques et religieuses » pré-modernes.

Curieusement, Fukuyama considère que l'Ukraine est un parfait exemple de « nationalisme » libéral, puisque « ses citoyens se sont engagés en faveur de l'indépendance et de l'idéologie libérale et démocratique, montrant clairement qu'ils sont prêts à se battre pour cela jusqu'à leur dernier souffle. Cependant, ils n'ont pas été en mesure de construire un État qu'ils puissent appeler le leur ». Fukuyama considère apparemment que les « droits de l'homme » de Karl Popper et la société ouverte ont pour représentant légitime le « bataillon Azov », allant même jusqu'à laisser entendre que le nationalisme ukrainien est très similaire à celui défendu par les « pères fondateurs » des États-Unis.

Toutefois, Fukuyama admet que dans les Etats-nations où existent des groupes ethniques et religieux hétérogènes, le fédéralisme peut résoudre les conflits de peuples qui « occupent le même territoire depuis des générations et ont leurs propres traditions culturelles et linguistiques », mais « le fédéralisme exige la dévolution du pouvoir à des entités infranationales indépendantes ». Cette solution a toutefois été écartée par l'Ukraine.

Alexander Bovdunov

Note

(1) https://inosmi.ru/20220417/liberalizm-253821826.html