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1319Il s’agit d’un cas à première vue anodin, sinon dérisoire au regard des grandes affaires du monde, et particulièrement de la dimension considérable de la crise Snowden/NSA. Mais la chronologie, et peut-être aussi l’intuition, y ont mis du leur et offrent un éclairage différent. Cela fait qu’effectivement une loi déjà votée et promise initialement au quasi-anonymat pourrait devenir une marque importante dans ces grands événements. Cela autorise l’auteur Seaborn Larson de DailyInterLake.com (le 8 juillet 2013) à débuter son texte par cette déclaration emphatique : «Montana made history this spring after passing the first state law to prevent the government from spying on anyone in the state by tracking personal information stored in their electronic devices.»
Le caractère étonnant de la chose est évidemment que cette loi n’a rien à voir avec la crise Snowden/NSA puisqu’elle a été votée par le Congrès du Montana et entérinée comme loi de l’État du Montana par le gouverneur Steve Bullock le 6 mai 2013, exactement un mois avant que n’éclate la crise Snowden/NSA. Le député de l’Etat Daniel Zolnikov, un républicain qui est l’auteur de la loi, remarque évidemment le caractère complètement aléatoire, isolé, strictement local de son initiative... «“I didn’t even know it was the first one in the country,” Zolnikov said. “We just saw other legislation and thought, ‘Why aren’t we doing this?’” The law defines an electronic device as “a device that enables access to or use of an electronic communication service, remote computing service, or location information service.” That could mean cellphones, laptops, tablets and other electronic products.»
• Notons la situation qui caractérisait le moment où cette loi a été effectivement promulguée comme loi de l’État, le 6 mai 2013 : «Although the Montana Legislature was the first to pass a law of this kind, Zolnikov said the idea was inspired by legislative momentum in Texas that paralleled the interests of Montana’s legislation. Zolnikov said the bill in Texas failed because it was too watered down. In Montana, Zolnikov said, support for his bill depended more on age than party affiliation. “The younger Democrats and Republicans were the ones really for the bill,” said Zolnikov, who is 25. “The older legislators in Helena didn’t say much for or against it.”»
• Notons maintenant la situation actuelle, c’est-à-dire la situation post-Snowden, alors que la question de la protection des droits individuels et de la défense de la vie privée est devenue un composant d’une crise (Snowden/NSA) de dimensions mondiales, mise au premier rang de l’activité du système de la communication : «Last week, The New York Times reported that more than a dozen other states, including Maine and Massachusetts, considered similar legislation this year. National groups that advocate for privacy rights hailed Montana’s new law, saying other states considering similar legislation now have an example to follow. The state law may also provide additional momentum for the Geolocation Privacy and Surveillance Act, the federal counterpart of HB603. “Perhaps Montanans, known for their love of freedom and privacy, intuitively understand how sensitive location information can be and how much where you go can reveal about who you are,” Allie Bohm, advocacy and policy strategist at the American Civil Liberties Union, noted recently in an online commentary. “The majority of state legislatures have adjourned for the year, but we hope they’ll follow Montana’s lead when they take up location tracking next session.”»
Nul n’ignore, et Zolnikov en premier, que cette loi du Montana est frontalement et fondamentalement opposée aux législations policières et de surveillance du gouvernement fédéral. Par conséquent, le cas ira très probablement devant la Cour Suprême, à l’initiative du gouvernement fédéral et au nom de la prééminence théorique de la législation fédérale sur les législations des États de l’Union. Le climat est, aujourd’hui et depuis le 6 juin, radicalement différent de ce qu’il était le 6 mai, lorsque la loi fut entérinée par le gouverneur du Montana, et ce qui aurait été un cas mineur avec peu de chance de tenir devant le bulldozer juridique et ses moyens de pression du gouvernement fédéral en temps normal, devient beaucoup plus ouvert dans le climat qu’on connaît dans l’époque post-Snowden. Dans ce cas, cet événement local et anodin a toutes les chances de devenir l’avant-garde d’un mouvement national d’affrontement entre les États de l’Union et le gouvernement fédéral, avec des effets internationaux à mesure.
On tiendra d’autant plus pour cette hypothèse qu’il faut placer le cas dans le cadre général qu’on a décrit le 8 juillet 2013, sur la “balkanisation-dévolution” rampante des USA, États-versus-centre, et que le centre ne cesse de s’affaiblir dans sa mécanique institutionnelle, législative et exécutive d’exercice direct du pouvoir. Plus encore, le cas est d’autant plus intéressant que la faiblesse du gouvernement fédéral ne l’empêcherait pas d’être intransigeant dans une telle occurrence, parce que ce n’est pas lui qui est en cause mais la puissance anciennement occulte et désormais à ciel ouvert (du point de vue de la communication) du monstre-NSA, et que le gouvernement fédéral en est pratiquement le prisonnier, comme il est d’autres centres de pouvoir plus puissant que lui. De ce point de vue, on peut être assuré de l’intransigeance de la NSA, entité bureaucratique monstrueuse qui ne connaît et ne supporte aucune limite, et qui imposera son diktat au gouvernement fédéral pour qu’aucune restriction ne soit apportée à son empire impératif dont l’ambition est une surveillance infinie et pour l’éternité, sans aucune limite concevable pour l’objet de cette surveillance (aspect de cette “rationalisation de notre folie” selon Chris Hedges et le capitaine Achab). Face à une telle intransigeance et compte tenu de la nouvelle situation de l’Amérique (“balkanisation-dévolution”), les États, surtout s’ils sont nombreux à avoir suivi l’exemple du Montana, seront eux aussi poussés à une intransigeance impliquant leur survie en tant que collectivités disposant d’une certaine autonomie et fortement dépendantes des souhaits et pressions de leurs citoyens. (Cela, d’autant plus qu’on peut envisager que les lois type-Montana qui pourraient surgir aujourd’hui dans d’autres États devraient logiquement être beaucoup plus dures que celle du Montana, dans l’époque post-Snowden.)
En d’autres mots, cela peut être un cas dépendant de l’hypothèse évoquée dans le texte cité du 8 juillet 2013, d’une “interférence majeure” : «Cette formule s’installe pour l’instant sans autre forme de procès, sans remous notable ni réaction quelconque, parce qu’aucune interférence majeure n’est encore intervenue. (Par “interférence majeure”, nous entendons, par exemple, une sollicitation de forte importance du “centre” aux États pour une de ses entreprises de type sécuritéSystème.)...» Il s’agit évidemment d’une simple hypothèse et nullement d’une prospective, encore moins d’une prévision. Il y a déjà eu, ces dernières années, des cas d’affrontements entre le “centre“ et les États, qui semblaient devoir prendre de l’importance et qui se sont dilués à l’avantage du “centre” (voir le cas de l’Arizona avec la loi anti-immigration, notamment le 26 juillet 2010). Aucune prévision n’est donc possible... Simplement, il y a le constat de la disparité grandissante, comme expliquée dans le même texte, entre les orientations et les intérêts des États et les exigences maximalistes du Global Security System basé à Washington. La NSA en est un des plus formidables piliers, et s’exerçant dans ce cas sur un domaine spécifique qui, s’il est souvent accepté par les citoyens US au niveau général de la situation des USA vis-à-vis de ROW (reste du monde) avec les narrative qui vont avec, devient beaucoup moins supportable, sinon insupportable à l’échelon local des États de l’Union.
Mis en ligne le 11 juillet 2013 à 08H14