Le Nobel de la Paix 2007, “feuille de route” vers la Maison-Blanche 2008?

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Vu la pression de la logique médiatique, qui n’a pas toujours grand’chose à voir avec la logique tout court, le Prix Nobel de la Paix de Al Gore (partagé avec le GIEC de l’ONU qui mène la charge de l’affirmation officielle de la crise climatique) devrait être une incitation puissante, — peut-être irrésistible? — pour que le co-récipiendaire entre dans la campagne électorale pour les présidentielles US. Gore est Prix Nobel dans des conditions évidemment polémiques, comme tout ce qui entoure le débat sur le réchauffement climatique. Ce sont les seules conditions qui signalent quelque intérêt pour cette distinction. Quand il n’y a pas de polémique, c’est qu’on a couronné une icône sans guère d’intérêt, de type consensuel, dont la philosophie qui ne peut être qu’applaudie est en général que la paix est une bonne chose et la guerre une laide.

Le Nobel de Gore survient alors qu’il est contesté par le jugement d’un tribunal de Londres, d’une façon et dans des conditions si ambiguës qu’on est sûr de voir la polémique enfler encore.

On peut par ailleurs accepter cette appréciation complètement politique, en plus d’être polémique, de l’attribution de ce Nobel de la Paix, par Leo Hockman dans le Guardian:

«I suspect, however, that the motivation behind the committee handing the award to Gore and the IPCC, is less about future gazing and more about wanting to make a clear and unequivocal statement ahead of the UN climate change conference in Bali this December about just how important the decisions made there will be to not only the world's citizens today, but also coming generations.

»It would have been entirely justified to award the IPCC the award by itself given how much global impact the publication of its fourth report had earlier this year, but the inclusion of Al Gore is a potent reminder to the Americans — who still hold most of the trump cards at such talks — by the Nobel committee about who it feels is on the right side of this debate, with the implication that Bush, Gore's political nemesis, being still very much on the wrong side. With Bush thankfully now into the final phase of his disastrous presidency, it can be safely assumed that he has his legacy very much on his mind. Anything that can nudge him towards choosing the right course of action on climate change is welcome — but I suspect forlorn.

»As for Gore, I wonder whether this will now persuade him to go again for the biggest prize of all? Well, the $1.5m Nobel prize fund should help pay for a few hours on the campaign trail, if he does.»

Il y a presque une exigence impérative chez certains pour que Gore s’engage dans la campagne électorale, et de l’irritation de le voir ne pas s’être encore engagé. L’argument est simple et, somme toute, imparable: Gore a un énorme capital de notoriété et de popularité, il proclame et prétend nous prouver que la planète est en danger de mort, — et il ne tenterait pas d’accéder au poste qui lui permettrait d’agir avec le plus d’efficacité alors qu’il voit bien par ailleurs que le désordre corrompu du monde politique washingtonien ne fait pas beaucoup espérer dans ce sens des candidats en lice?

On peut voir développées cette idée et cette humeur dans une chronique de Robert Parry, du 11 octobre, selon précisément cet argument que les autres candidats, et bien sûr Hillary Clinton au premier chef, ne donneront pas l’impulsion dramatique nécessaire pour entreprendre une lutte sérieuse contre la crise climatique:

«“I can’t understand why there aren’t rings of young people blocking bulldozers … and preventing them from constructing coal-fired power plants,” Gore told Kristof, who was accompanied by his teenage son. [NYT, Aug. 16, 2007]

»Yet, if Gore means what he says – that global warming is such a threat to the future of mankind that young people should throw their bodies in front of bulldozers – then the obvious question to him is: “Why won’t you submit to the personal unpleasantness of another presidential campaign so you can lead the fight to save the planet?”

»Gore certainly can’t believe that Democratic front-runner Hillary Clinton would make climate change a centerpiece of her presidency. Already, she’s acting as if her party’s nomination is in the bag and she can shift toward a general-election strategy that stresses consensus, not controversy.

(…)

»In short, Gore would seem to have both a practical incentive – and a moral imperative – to enter the Democratic presidential campaign. At minimum, he could force the global-warming issue to the forefront of the debate.

»Plus, if he were to win the nomination, he could make Election 2008 a referendum on whether the United States will confront real dangers to the nation’s future – from global warming to the Bush-era assault on reason – or continue to fret about exaggerated threats from al-Qaeda and to accept the erosion of constitutional liberties.

»On a moral level, a Gore candidacy would be putting his body where his mouth is. Metaphorically at least, he would be throwing himself in front of the bulldozers. He would be taking the personal risks that he wants the young people to take. He would be providing real leadership, not just words.

»Al Gore may have plenty of excuses for not running for President again. But he must recognize that he has some very compelling reasons to do so.»

Gore est prisonnier de son succès, de sa notoriété, de son prestige. Il est prisonnier des forces qui marquent son époque, forces médiatiques et de la communication. Il lui sera quasiment impossible de ne pas exploiter son couronnement comme Prix Nobel par une action politique décidée et décisive, — et, effectivement, une entrée dans la course à la présidence semble bien celle qui corresponde le plus à cette définition. Le choix 2007 du Nobel pour la Paix ressemble à une injonction du jury des Nobel, une “feuille de route” vers la présidence, — comme une étrange interférence dans les affaires intérieures des USA, — un comble, dans la situation actuelle. On verra ce que le Prix Nobel 2007 en fera. (Et s'il est candidat, la confrontation avec Hillary Clinton, ou plutôt Billary Clinton, vaudra son pesant de cacahuètes.)


Mis en ligne le 12 octobre 2007 à 15H46