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367Souvent, un texte de notre Bloc-Notes comprend d’abord des citations de presse à partir desquelles nous élaborons un commentaire. Pour cette fois, dans le cas du texte du Washington Post du 22 février 2010 sur la convention du CPAC et la formidable victoire de Ron Paul dans le sondage de la convention sur une candidature aux présidentielles de 2012, la citation est inutile puisqu’il n’y a rien à citer. Dans un texte assez maigre (554 mots), Chris Cillizza passe en revue les candidatures possibles du parti républicain pour 2012, à l’occasion de la convention de la CPAC qui n’est d’ailleurs citée qu’en passant, en parvenant à ne pas citer une seule fois le nom de Ron Paul, ni même évoquer, même indirectement, l’existence du député du Texas qui est premier du sondage effectué à l’occasion de cette même CPAC, Paul ainsi réduit au statut de non-être. L’exercice “journalistique”, nous voulons dire d’un vrai journaliste professionnel et pas d’un de ces comiques du Web, est à couper le souffle.
C’est RAW Story qui nous a renvoyé, en buvant du petit lait, à ce texte du Post sur la non-existence terrestre et américaniste de Ron Paul, dans un texte du 22 février 2010 consacré par ailleurs à l’évolution de Fox.News par rapport au CPAC. Cette organisation du CPAC, jusqu’alors proclamée comme complètement représentative du courant conservateur, avec sa convention annoncée avec enthousiasme par cette station TV pendant dix jours, est brusquement réduite à l’enthousiasme de la foule (sans expliquer pourquoi et pour qui) et avec une mention rapide du sondage largement discrédité comme “nécessairement pas représentatif” d’une prospective sérieuse des choix de candidats pour 2012…
«Remember the big conservative conference Fox News has been hyping over the past 10 days? The Conservative Political Action Conference's presidential straw poll, a key marker of the mood among conservative voters, apparently didn't mean anything to the network. And if it did mean something, the only real result is bragging rights for the individual candidates who were so well exposed. And hey, even Dick Cheney showed up.
»Or, at least that's how Fox News characterized the poll, after it was reported that Congressman Ron Paul (R-TX) had won it by a wide margin. […]
»“It is way early, it is unscientific,” said a Fox News host, even as the split-screen showed Glenn Beck on stage at the conference. "Perhaps it offers nothing more than bragging rights, uh, through the course of this year. But, it is quite a, uh, enthusiastic crowd. What a difference a year makes.”
»What a difference a year makes, indeed. Paul himself said something quite similar a day prior, when he spoke before the largest, loudest audience of any other presenter. He asked if the crowd remembered when he was the guy “off in the corner” predicting doom, and none in the media paid him any serious mind. “All the sudden, the crash that I had predicting all along: it came,” Paul said. “And now, Fox News TV has had me on about 60 times since the campaign was over.”
»On its Web site, Fox News said that the vote is “not necessarily a good forecaster” of conservatives' leanings nation wide.
@PAYANT …Bref, Ron Paul les ennuie diablement. Cela, on savait, mais l’exercice est tout de même si lumineux, si révélateur… Rarement, par défaut, déformation de la réalité, absence et grossière autocensure, le caractère absolument partisan, de pure propagande sans le moindre souci de l’arrangement cosmétique, sera apparu aussi évident dans l’exercice de la presse-Pravda américaniste. Et, cette fois, il n’est même plus question d“extrémisme” et de toutes ces explications de convenance. Si Fox.News est évidemment dans cette catégorie, le Post, avec sa vertueuse arrogance de journal de révérence, – non, nous voulions sans doute dire “référence”, – prétend n’y pas appartenir. A cette occasion, les choses étant ce qu’elles sont, c’est-à-dire rapides à se faire, on n’a eu le temps d’accrocher son faux-nez et les deux organes apparaissent sur la même ligne, selon les mêmes méthodes, dans le même esprit. On dirait deux vieilles coquettes qui ont beaucoup roulé leur bosse surprises au saut du lit, sans maquillage, sans parfum ni tailleur pour les dîners en ville, et voilà que le spectacle ne peut plus nous tromper… La démonstration est convaincante, – mais, à tout prendre, nous préférons encore l’hypocrisie militante de Fox.News à l’hypocrisie nihiliste du Post. Des deux, le caniveau du Post est certainement le plus puant.
Dans la panique générale qui règne dans cette presse du “parti unique” américaniste et occidentaliste (les jugements valent évidemment pour la presse-Pravda européenne dans les domaines qui la concernent), on ne prend même plus les gants d’une certaine sophistication dans la tromperie. Le “journaliste professionnel” transpire de plus en plus pour faire sa besogne, et cela se sent (tant pis si le mot a plusieurs sens). Il faut dire qu’il n’affronte plus une dialectique, une polémique, des arguments (des “dissidents” hors-Pravda), tout cela qui était en général ridiculisé par un simple jugement de convenance sur le statut conformiste des organes concernés, les “dissidents” n’ayant pas le poids économique et le lustre de la bonne réputation. Ils affrontent la réalité, comme celle de la victoire de Ron Paul dans un sondage jusqu’ici jugé comme fondamentalement significatif de l’état d’esprit de toute la droite US. La réalité a la dent dure, puisqu’elle répond aujourd’hui, où les artifices du virtualisme neocon et bushiste se trouvent de plus en plus dispersés et faisandés, aux grandes orientations de l’Histoire. Ils apparaissent par conséquent tels qu’ils sont, nus comme des vers, avec le caractère pauvre de ceux qui attendent les consignes, des arguments éculés et d’une faiblesse intellectuelle à mesure de la tromperie qu’ils tentent de dispenser.
Il n’y a rien de plus terrible que l’exercice de la liberté par ceux qui entendent arranger la réalité, pour mettre en évidence la pauvreté et la médiocrité du propos. Car tout cela se fait évidemment, et cela écrit sans la moindre ironie, dans le plus complet exercice de la liberté. La vertu, le franc jeu de la vraie Pravda, était qu’elle exerçait son activité dans un régime soumis à la censure, un vrai régime policier. C’était au moins une loyauté paradoxale, celle d’appeler un chat un chat, et personne n’était dupe même si tout le monde appliquait la consigne. La tromperie de la colossale hypocrisie des serviteurs “professionnels” du système américaniste et occidentaliste, qui prétend absolument à la vertu de la liberté de la presse, et qui évolue effectivement dans un cadre de cette sorte, a longtemps entretenu l’illusion de ceux-là même qui la pratiquait; et, soudain, elle apparaît dans toute sa puissance, dans toute sa force, lorsqu’elle est mise sous la puissante lumière de la réalité historique. Quel choc puissant!
Le spectacle, en plus d’être édifiant, procure une certaine jubilation intellectuelle. Non seulement ils sont ce qu’ils sont mais, en plus, ils le sont tellement qu’on finit par penser qu’ils croient l’être vraiment, c’est-à-dire être vertueux et “professionnel”; leur pratique faussaire devient alors d’une complète et d’une lumineuse évidence puisqu’ils continuent à l’exercer sans vraiment avoir conscience de le faire. La grossièreté de la chose devient alors absolument caricaturale, presque comique, et l’on en rirait presque, et l’on en rit déjà. Comme ils n’ont aucunement le sens de l’ironie, ils se demanderont sans doute si nous ne sommes pas fous et décideront alors que nous n’existons pas, comme Ron Paul avec ses 31%. Ce n’est pas le peuple dont la dissolution sera exigée par décret, lors du prochain congrès du Parti dont on sait la sagacité et l’excellente santé, mais la réalité tout court. C’est plus vite fait.
Mis en ligne le 23 février 2010 à 07H58