Le “nœud gordien de l’information” et le cas de 8/10

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Le “nœud gordien de l’information” et le cas de 8/10


12 août 2006 — Nous préférons détacher ce commentaire du texte publié ce même jour sur “le nœud gordien de l’information”, pour mieux mettre en évidence sa spécificité. Il s’agit d’observer la réalité du fait de la transformation de l’information que nous suggérons dans le texte principal, à propos d’un événement important qui s’est produit simultanément. L’affaire du “complot terroriste” (8/10 pour nous) a été incontestablement (sciemment ou pas) présentée comme s’il s’agissait potentiellement d’un événement pire que 9/11.

Dans la logique suggérée des interventions officelles, le mot “potentiellement” n’est pas nécessaire. Cette logique appartient à leur monde virtualiste ; par conséquent, tout se passe comme si 8/10 existe effectivement et, par conséquent, est effectivement pire que 9/11. Toujours dans la même logique de ce même monde virtualiste, avec la présentation et les mots employés (“unprecedented”, “unimaginable”), tout se passe comme si 8/10 est pire que tout ce que l’humanité a connu auparavant ; cette affirmation implicite est tout à fait acceptable puisque 8/10 est pire que 9/11 et que 9/11 était lui-même “pire que tout ce que l’humanité a connu auparavant”.

Ce point de la caractérisation de 8/10 en quelque chose d’“unprecedented” et d’“unimaginable” est important. Nous nous y étions déjà arrêtés lorsque nous avions commenté le comportement psychologique des dirigeants. D’autres ont commenté certains aspects de ce phénomène de la présentation de 8/10. Nous citons ici Linda Milazzo, dans CounterPunch du 11 août :

« “Had this plot been carried out, the loss of life to innocent civilians would have been on an unprecedented scale.” These are the words of British Secretary of Home Security, Dr. John Reid, when forecasting the catastrophic outcome had the airline terrorist plot taken off.

» “Unprecedented”? Compared to what?

» “We cannot stress too highly the severity that this plot represented. Put simpler, this was intended to be mass murder on an unimaginable scale.” This is how a uniformed high ranking Brit, featured on CNN, described what he thought would be the carnage had the terrorist plot carried out.

» “Unimaginable”? Compared to....

» * Darfur with 200,000 innocent civilians murdered since 2003, and over 2 million current refugees?

» * Rwanda with 800,000 innocent civilians slaughtered in 100 days?

» * The Holocaust with 6 million innocent civilians exterminated?

» * The Armenian Genocide with 1.5 million innocent civilians massacred? »

Plus loin, Mlilazzo cite Chertof, le secrétaire US à la sécurité intérieure (« Nonetheless, I'm dumbfounded by the catastrophic numbers forecast by British and American officials. Michael Chertoff, United States' Secretary of Homeland Security, said the presumed plot “had the potential to kill hundreds of thousands of people.” »). Milazzo fait le calcul des pertes maximales probables en cas de réussite complète du complot et aboutit à quelque chose autour de 3.600 morts. Pourquoi “hundreds of thousands of people”? Parce que Chertof dit n’importe quoi? C’est une réponse acceptable (Chertof a le profil pour ça) mais elle nous semble partielle en tout état de cause.

Pourquoi parler de “unimaginable” and “unprecedented”, dans le cas du terrorisme qui est lié à d’autres événements en cours? Milazzo encore :

« More in line with ''unimaginable'' and ''unprecedented'' are the deaths of over 100,000 innocent civilian Iraqis, countless innocent civilian Afghanis, and the mounting deaths of innocent civilian Lebanese, Palestinians and sub-Saharan Africans. »

Cette remarque n’a évidemment pas sa place dans les commentaires officiels qui ont accompagné 8/10. Il est absolument évident que 8/10, tel qu’il a été présenté à Londres pendant une journée, était nécessairement un événement qui échappait aux fréquentations douteuses de la relativité et de la comparaison. Il était nécessairement installé en-dehors des canaux normaux de la connaissance et de l’analyse.

L’intérêt est que cette tentative n’a duré qu’un jour et qu’elle a été couronnée d’un échec notable. Dès aujourd’hui, on peut constater que 8/10 est relégué dans les informations secondaires. On notera que cette évolution a été largement appuyée par l’inconsistance totale du “partenaire” américaniste (à part, ou y compris c’est selon, le n’importe-quoi de Chertof) ; cela, jusqu’à l’action vorace et clairement annoncée de la Maison Blanche d’aussitôt utiliser l’affaire comme un argument électoraliste. De leur point de vue, c’est une désacralisation stupide de 8/10, par précipitation, par inattention, par désintérêt, par ignorance du reste du monde. L’unilatéralisme et l’isolationnime psychologique des USA (8/10 n’a pas eu lieu aux USA, donc il n’existe pas) sont dévastateurs pour les projets virtualistes. (Notez que les amis britanniques sont, une fois de plus, “furieux” de l’attitude des amis américanistes dans la circonstance. Plus ça change…)

La démonstration par 8/10

Nous commentons ces constats évidents par rapport à ce que nous observons dans le texte sur “le nœud gordien…” Nous partons du constat implicite rapporté dans ce qui précède d’une tentative de transmutation (pardon à Nietzsche de lui emprunter le mot) de l’événement 8/10.

Plutôt que détailler toutes les affirmations officielles, nous avions déjà conclu que ces observations et réactions étaient le produits d’une hystérie collective qui caractérise par les temps qui courent la psychologie des dirigeants occidentaux, essentiellement les anglo-saxons. Cette hystérie soulève et magnifie les moments les plus intenses de l’univers virtualiste où ils opèrent.

Il s’agit d’une portion de temps où un événement, provoqué ou non mais toujours démesurément amplifié, permet enfin de clamer sans retenue, sans crainte d’apparaître à ses propres yeux comme un artefact d’humanité balançant entre le mensonge grossier et le ridicule dérisoire, des affirmations extrêmes qui le sont jusqu’à devenir absolues (“unprecedented”, “unimaginable”). C’est à ce point que la relativisation extrême de l’information que nous avons signalée dans notre texte sur “le nœud gordien…” acquiert toute son importance salvatrice. Il s’agit d’une véritable sauvegarde de l’esprit et, surtout, de la psychologie.

D’une façon générale, lorsqu’il s’agit d’observer la formation d’un “courant d’opinion” transnational (sinon mondial ?) à propos d’un événement également transnational qui appelle à une réaction de cette sorte, le rôle de l’information non-officielle est devenu fondamental. Il s’agit d’un enjeu central et d’une thérapie de la psychologie, et non plus d’une question d’opinion.

La chose a été observée lors de 8/10. Il y a la réaction officielle qu’on a détaillée ci-dessus, et qui est charriée sans la moindre appréciation critique par la presse MSM. Il est tout simplement essentiel, — il s’agit bien d’une thérapie indispensable, — qu’une première réaction de l’information indépendante, par tous ses canaux et dans tous ses états, soit une mise en cause de l’information officielle. Cela a été globalement le cas. Cette sorte de réaction a eu lieu, comme nous-mêmes avons pu l’observer. Dès la mise en ligne des premiers textes de commentaire, le 10 août en fin de matinée, les commentaires des lecteurs allaient dans une écrasante majorité dans le sens du sarcasme, de la fureur, de la critique logique, de l’invective, etc. Les articles critiques suivirent, essentiellement sur Internet. Nous ne mesurons pas l’intérêt de ces réactions, notamment dans l’éventuelle construction logique de l’argument. Nous les apprécions comme des réactions salutaires, une sorte d’anti-corps de la psychologie, face aux attaques virtualistes de la pensée officielle et de la presse MSM. L’exercice fut instructif.

On put donc observer deux sortes de “réactions” qui sont nécessairement extrêmes, l’extrémisme de l’une justifiant l’extrémisme de l’autre pour que cette dernière existe :

• Ce que nous désignerions comme une réaction caractérisée par l’expression du “refus de réaction” sur le fait même de la validité de l’information. Nous parlons des commentateurs, en général MSM, qui passe directement au commentaire des faits du “complot” sans s’arrêter à la question de la réalité de la chose. Ils agissent comme si l’information officielle est un fait brut. On ne discute pas la chose comme le fait Milazzo. Il s’agit d’un “fait“ et, comme on le sait depuis un certain nombre de siècles, les faits sont sacrés à la différence des commentaires.

• Les réactions destructrices des commentaires de lecteurs, puis les articles mis en ligne un peu partout et suivant les réflexes rôdés depuis quatre ans de mises en cause de la thèse officielle, d’hypothèses de montages, de complots, etc. Tout cela était-il justifié ou pas ? On pourrait observer que le passé virtualiste de l’accumulation des mensonges officiels en dit assez là-dessus et justifie amplement cette réaction. Peu importe, pour l’instant. L’essentiel est de l’ordre presque de la chose physique : cette réaction extrême a réussi à contenir le raz-de-marée de l’information officielle/SMS, littéralement comme fait une digue. Les lecteurs, éventuellement devenant commentateurs, trouvaient dans ces réactions de quoi alimenter leurs propres réflexes de défense et éventuellement leur réfglexion. Le lendemain, comme nous le constations aussitôt, la partie était perdue et 8/10 était rentré dans le rang des événements relatifs, à juger et à apprécier sur ler terme selon la situation politique générale, les informations disponibles, etc.

Il est évident qu’une telle opération de sauvegarde et de résistance eût été impensable dans un univers où l’information serait restée ce qu’elle fut jusqu’il y a peu, lorsque l’information officielle/SMS figurait comme la référence centrale autour de laquelle se forgent opinions et contradictions. Répétons-le : si le problème est à terme une question d’information, il ne l’est pas dans l’immédiat. C’est notre psychologie qui est en jeu, pas notre jugement. L’essentiel est de résister à la première attaque, qui ne s’adresser pas à la pensée (imposer un jugement) mais à la psychologie (la paralyser sous la pression de l’attaque pour lui interdire d’alimenter un jugement personnel qui soit autre chose que la simple approbation de la thèse virtualiste).