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825La question des réserves de pétrole et du pic de production du pétrole (“peak oil”) constitue désormais un sujet constant de polémique. Un article exclusif du Guardian du 9 novembre 2009 a montré combien cette polémique nous conduit désormais dans la confusion la plus complète. Cet article précédait d’un jour la publication du rapport annuel World Energy Outlook de l’Agence Internationale d’Energie (AIE) sur lequel les gouvernements s’appuient en général pour ajuster leurs propres politiques – lequel rapport est, par conséquent, dès sa publication, entaché du soupçon de manipulation. Le Guardian cite des sources de l’AIE selon lesquelles les chiffres de prévision ont été falsifiés à la suite de pressions des USA pour éviter des effets négatifs sur les marchés boursiers. (L’article de Terry Macalister cite d’autres cas de polémiques diverses sur la chronologie du “peak oil”.)
Voici le passage où le Guardian cite les sources qu’il a contactées à l’intérieur de l’AIE.
«Now the “peak oil” theory is gaining support at the heart of the global energy establishment. "The IEA in 2005 was predicting oil supplies could rise as high as 120m barrels a day by 2030 although it was forced to reduce this gradually to 116m and then 105m last year,” said the IEA source, who was unwilling to be identified for fear of reprisals inside the industry. “The 120m figure always was nonsense but even today's number is much higher than can be justified and the IEA knows this.” Many inside the organisation believe that maintaining oil supplies at even 90m to 95m barrels a day would be impossible but there are fears that panic could spread on the financial markets if the figures were brought down further. And the Americans fear the end of oil supremacy because it would threaten their power over access to oil resources,” he added.
»A second senior IEA source, who has now left but was also unwilling to give his name, said a key rule at the organisation was that it was “imperative not to anger the Americans” but the fact was that there was not as much oil in the world as had been admitted. “We have [already] entered the ‘peak oil’ zone. I think that the situation is really bad,” he added.»
@PAYANT La question du “pic de production” du pétrole est l’un des cas révélateurs de la confusion existant aujourd’hui dans l’information prévisionnelle. Les interventions et les interférences dans les prévisions, notamment de la part des USA, ont essentiellement à voir avec la situation financière et avec la stabilité des marchés par rapport aux prévisions sur l’alimentation en énergie, beaucoup plus qu’avec une quelconque stratégie, ou une géopolitique de l’énergie à long terme. Les USA ne cherchent qu’une chose dans les dernières interventions révélées par le Guardian, c’est à éviter une panique des marchés boursiers qui menacerait la course à la hausse qui s’est rétablie ces derniers mois, également d’une façon complètement artificielle par rapport à la situation économique. Il y a donc une addition d’interventions et de pressions extérieures sur la réalité des situations (celle des marchés boursiers et celle des prévisions sur le “pic de production”) qui conduisent beaucoup plus à la confusion qu’à une situation avantageuse bien établie et contrôlée. Ce que suggèrent les informations du Guardian, c’est simplement un facteur de plus d’incertitude, donc une fragilité accrue et une absence de contrôle encore plus grande de la situation structurelle mondiale, aux sens économique, stratégique et financier les plus larges.
Il n’y a aucune coordination dans ces différentes actions d’interférences et de pressions, essentiellement de la part des USA, sur toutes les données statistiques et les informations permettant de définir une politique et de contrôler les différents facteurs en développement de cette politique. Le cas du “pic de production” est caractéristique: il semble de moins en moins possible d’établir une prévision acceptable, d’abord devant la multitude de prévisions contradictoires existantes, maintenant avec l’aspect supplémentaire de révélations concernant la manipulation des prévisions les plus officielles à cet égard. Le résultat n’est nullement un avantage pour l’un ou pour l’autre mais simplement une confusion grandissante pour tous, et une vulnérabilité sans cesse accrue à des informations ou à des événements extérieurs non prévus.
Pour l’instant, toute la politique US est centrée sur un seul objectif: maintenir les marchés boursiers en hausse, pour éviter des remous pouvant compromettre la fiction de la reprise. C’est un objectif à extrême court terme, et qui agit sur un facteur complètement irrationnel et incontrôlable comme le sont les variations du marché boursier. C’est l’attitude politique typique des USA, concentrée toujours sur un seul objectif sans soucis des conséquences collatérales, et un objectif toujours à très court terme. La situation US étant très instable, les objectifs choisis sont de plus en plus instables et le court terme de plus en plus court, tandis que les interférences affectent des données sur plus long terme, les faussent, affectent la confiance dans ces données et interdisent toute politique à long terme. Le processus enferme de plus en plus la situation mondiale dans le très court terme et l’instabilité chronique, rendant cette situation extrêmement vulnérable à tout accident qui peut venir de l’extérieur. Si ce n’est un cercle vicieux, cela y ressemble fort.
Les USA n’ont plus les moyens stratégiques d’interventions militaires, ou de pression et d’influence stratégiques qui, in illo tempore, leur permettaient d’assurer leur position en toute sécurité dans tel ou tel domaine, particulièrement celui de l’énergie. Les interventions récentes (Irak, Afghanistan), qui sont jugées par certains comme liées au contrôle des sources d’énergie, ont plus déstabilisé la situation US qu’elles ne l’ont stabilisée, particulièrement en participant notamment fortement à la dynamique de crise qui les a frappés le 15 septembre 2008. Aujourd’hui, leurs “interventions militaires de pression et d’influence stratégiques” se situent au niveau de l’information de prévision, dans les structures internationales qu’ils dominent, pour des buts indirects (stabilité des marchés financiers), non directement liés au domaine affecté (prévision de la production pétrolière). Le résultat est une confusion extrême, une perte de crédit supplémentaire de l’information officielle, une évolution de moins en moins contrôlable, une vulnérabilité encore plus forte à tous les facteurs extérieurs non contrôlables, une tension toujours plus forte de la situation générale. La politique à très courte vue des USA dans l’ère psychopolitique est encore plus dévastatrice que celle qu’ils développaient dans l’ère géopolitique. L’instabilité et l’incertitude des prévisions n’affectent plus seulement les événements en cours et à venir mais désormais la perception de ces événements.
Mis en ligne le 12 novembre 2009 à 07H36