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22 novembre 2004 — Vous voulez savoir ce que va être la nouvelle administration Bush ? Question longuement débattue, dans les officines qui vont bien, au Quai d’Orsay, au Foreign Office… Pendant ce temps, sur le Potomac, on agit. On fonce, même. Au diable, les questions de savoir si Rice au département d’Etat, c’est vraiment plus dur ou bien pas tellement plus dur que du temps de Powell. Le Pentagone a sa réponse, et c’est : action, action, action.
… Et, comme par hasard, en bout de mire : l’Europe et ses dilemmes divers et variés. Qu’on en juge donc :
• Le Pentagone accélère l’affaire du système anti-missile, dont on annonce le déploiement en Europe dans cinq ans. (Ce qui est intéressant est que le Pentagone annonce la chose, décision prise, point final, — le déploiement en Europe est décidé, sans que les Européens, semble-t-il, aient donné leur accord complet à ce déploiement. Pour autant, on peut s’attendre à des accommodements, de la part des Européens, évidemment. Quant au Pentagone, il consultera les pays choisis avant de commencer les travaux.)
• Le Pentagone fait battre les tambours de la guerre contre l’Iran. Pour les faucons, c’est dit : l’Iran jouera le rôle de l’Irak pour 2005-2009 ; c’est autour de ce pays que les Américains danseront la danse du scalp (mais avec de sacrées limitations, par manque de moyens militaires à cause de l’état pathétique des forces US en Irak, — ce qui est le côté assez drolatique de l’affaire, mais qui n’a pas encore pénétré le cuir épais de la plupart des fonctionnaires et experts européens). Là aussi, l’affaire de l’alerte contre l’Iran concerne directement l’Europe parce que les Européens sont embarqués dans une initiative diplomatique dont le fondement même est le refus de la rhétorique et des pressions guerrières.
Plus encore, en Europe c’est encore le Royaume-Uni qui est concerné en premier. C’est lui qui va être touché le plus directement et le plus violemment par les deux poussées du Pentagone (avec d’autres en cours ou en préparation). Il semble y avoir eu une erreur d’interprétation lors de la rencontre Blair-Bush à Washington il y a une décade, lorsque Blair était venu demander à Bush de l’aider à mieux tenir sa position en Europe et dans son pays.
Le dilemme blairien habituel va, deux fois de plus, être exposé en pleine lumière, et, deux fois de plus, va être posée la question que Jacques Chirac a posée, — et, deux fois de plus, Blair devra donner son habituelle réponse. Bref, une lassante impression de répétition, avec les Américains très égaux à eux-mêmes, GW-II manifestement aussi plein d’allant que GW-I pour humilier et ignorer son principal allié.
• Pour la question des missiles anti-missiles, on relève ceci dans l’article de The Independent (passage concernant notre ami Tony Blair en caractère gras) :
« The US wants to base at least 10 missiles in Europe for the “son of Star Wars” missile defence system within the next five years, The Independent on Sunday can reveal. The Pentagon has also already decided to prepare for a major new missile interceptor base in Europe and is starting detailed studies to find the best site — including possible bases in the UK.
» These proposals — which go far beyond previous statements about US plans in Europe — were disclosed by Lt-Gen Henry Obering, the head of the US Missile Defence Agency, in an exclusive interview with the IoS.
» Lt-Gen Obering revealed that the US would start buying missiles for the new site as early as October next year, and would choose which European country would host the site soon afterwards.
» He confirmed that the UK is in the running to host the interceptors - provoking angry claims from opposition MPs and defence analysts that Parliament and British voters were being deliberately kept in the dark by the Government.
(…)
» Lt-Gen Obering said he was unaware of Tony Blair's informal pledge to President Bush - revealed by the IoS last month — that Britain would agree to a US request to station the missiles in Britain, as long as it is made after the election. “There are several nations that we're undergoing talks with, with respect to the hosting of the third site,” he said, adding: “We're still very much in the exploratory stages of what's possible — not just with the UK.” »
• Même chose concernant l’Iran. Le Pentagone veut y aller sans concession et entend bien qu’on suive le mouvement dans les rangs. D’où cette remarque dans l’article de The Observer : « Sources close to the Bush administration have warned that Tony Blair will have to choose between the EU's pursuit of the diplomatic track and a more hardline approach from the White House. »
Le Pentagone reste ce qu’il est. Une citadelle de certitudes et de vanité, surmontée par une montagne de gaspillage et d’inefficacité : Aujourd’hui, la guerre en Irak lui coûte $5,8 milliards par mois
« The Pentagon is spending more than $5.8 billion a month on the war in Iraq, according to the military's top generals. That is nearly a 50 percent increase above the $4 billion-a-month benchmark the Pentagon has used to estimate the cost of the war so far.
» The Army alone is spending $4.7 million a month while the Air Force is spending $800 million a month transporting soldiers and flying combat missions. The Marine Corps is spending $300 million a month, the four service chiefs told the House Armed Services Committee Wednesday.
» Since 2003, the Pentagon has received some $160 billion for the wars in Iraq and Afghanistan in supplemental funding — that is, in addition to its annual budget. It will be requesting another multibillion-dollar supplement early next year to cover the continuing cost of the war. »
Qu’on en soit assuré : ce prodigieux gaspillage, cette pharamineuse inefficacité fondent la puissance même du Pentagone. On ne touche pas à une usine à gaz qui dépense près de $6 milliards par mois pour une “guerre de basse intensité” contre quelques “insurgés” dans un pays exsangue de 25 millions d’habitants, — sans doute, pour perdre cette guerre au bout du compte. C’est ce qui, aujourd’hui à Washington, fonde une position inexpugnable dans la bataille bureaucratique.
Le Pentagone est, par conséquent, l’inspirateur de la politique étrangère du monde libre. Et vogue la galère.