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931Beaucoup a été dit, beaucoup d'exclamations ont été poussées concernant l'augmentation de $48 milliards proposée par l'administration pour le budget DoD, pour l'année fiscale 2003, suivie par une proposition de $120 milliards sur 5 ans, pour arriver à un budget de $451 milliards pour la FY2007. Si la proposition du gouvernement est acceptée par le Congrès (elle le sera sans aucun doute, et sans doute sera-t-elle augmentée), le budget FY2002 sera augmenté de 14%, la plus forte augmentation depuis 1967.
Pour autant, comme nous l'avons dit récemment encore, cette considérable augmentation nous paraît très insuffisante par rapport aux besoins réels du Pentagone. Les commentaires généraux, surtouten Europe, surtout de la part des experts européens, sur l'énorme montée en puissance des capacités militaires américaines, constituent au mieux une bien mauvaise information arrêtée à l'aspect spectaculaire du volume comptable (c'est le cas en général), au pire une démarche délibérée de tromperie. Il n'est pas difficile de savoir qu'il faudrait, pour équilibrer les comptes du DoD dans l'année même par rapport aux besoins de fonctionnement, une augmentation entre $60 et $100 milliards pour le budget FY2003, voir plus encore (voir plus loin). Et encore, cette appréciation était présentée à l'automne 2000, alors qu'il n'était pas encore question de la Grande Guerre contre le terrorisme.
Le premier instant d'exclamation passé, on devrait commencer à faire les comptes dans les médias, chez les experts sérieux, bientôt dans le public. Nous entrerons dans l'espace réservé à la réalisation (en fait, au rappel) de la situation telle qu'elle existe derrière le vertige des chiffres. Les plus récentes estimations pour les prochaines augmentations, au-delà de FY2003, ne sont pas plus impressionnantes, bien au contraire. Dans ses éditions du 3 février, le New York Times détaillent des projections pour les 5 prochaines années, devant porter le budget annuel à $451 milliards en 2007. La somme générale atteinte est largement en-deça des besoins. Quant aux généraux, on ne s'étonnera pas qu'ils ne soient pas contents. C'est tout à fait logique, et il semble même qu'ils puissent se considérer comme entraînés dans une partie de dupes. La somme de $48 milliards fait croire à une abondance des moyens qui n'est qu'un leurre, et elle place le Pentagone sous les feux de ses responsabilités résumées par cette phrase : puisqu'il reçoit tant d'argent, aucune erreur, aucune faiblesse ne lui est permise.
Quelques extraits d'un excellent article du Los Angeles Times paru le 1er février 2002 (« For Some, $48-Billion Defense Boost Is a Bust », de John Hendren) nous donnent quelques précisions sur les difficultés à venir du Pentagone.
« But the procurement budget, the portion that funds new equipment, will get just $8 billion of the $48-billion budget increase, according to military strategists with knowledge of the budget that Defense Secretary Donald H. Rumsfeld plans to outline Monday. That brings spending on new weapons to $68 billion--far short of the $103 billion the Pentagon says it needs to replace equipment that wears out each year, according to a July internal study for the Joint Chiefs of Staff.
» Although critics suggest that figure is based on flawed and outdated assumptions, military strategists contend that, even after the Bush buildup, future frontiers in the global battle against terrorism are likely to continue featuring Eisenhower-era B-52s dropping 21st century ''smart'' bombs, and helicopters from the 1960s depositing elite soldiers equipped with lasers and night-vision goggles. ''The Marine Corps is flying a lot of Vietnam-era helicopters. So is the Army. Neither of those services have asked much in terms of aircraft modernization. They didn't ask for much because they knew they weren't going to get it,'' said Loren Thompson, a military analyst at the Lexington Institute, a conservative think tank based in Arlington, Va. ''Their expectations have been so consistently confounded that now they only ask for what they need in the short term.'' The math goes something like this: The proposed budget would take Pentagon spending from about $331 billion a year to $379 billion, about a 14% increase. Of that added $48 billion, Bush is asking for $10 billion to be set aside for a war contingency fund to cover the cost of battling terrorism in Afghanistan--or Somalia, Yemen, Iraq and other potential fronts. That leaves $38 billion. Military analysts estimate that two-thirds of that will be needed to cover rising costs in ''consumption'' accounts such as military pay raises of about 4%, increased health care and housing benefits, daily operations and maintenance. That would leave about $13 billion for additional investments, of which $8 billion goes to procurement and the rest for research and development.
» The study for the Joint Chiefs found that the Pentagon has been replacing 282 tanks annually compared with 1,629 needed to replace those that wear out; 24 helicopters compared with 176 to hold current levels; 42 tactical aircraft compared with 71 needed; and 228 missiles compared with 419. Just what it would take to make up the gap is a matter of ongoing debate. The Congressional Budget Office put the figure at $91 billion. The private Center for Strategic and International Studies came up with $123 billion.< »
Plus important que l'augmentation de $48 milliards, les bruits de réforme. Certaines informations indiquent clairement que Rumsfeld est à nouveau sur le sentier de la guerre contre le gaspillage, affirmant même que « [t]his is a matter of life and death. The adversary's closer to home than Afghanistan. It's the Pentagon bureaucracy. » Le GAO aurait des pouvoirs étendus pour investiguer les comptes du Pentagone.
Au-delà de la question de la comptabilité et de la réalité budgétaire, un autre point apparaît, bien plus important pour l'évolution du Pentagone, un point que nous n'avons nous-même cessé de mettre en évidence depuis le 10 septembre, veille du 11 comme chacun sait, à propos du discours de Donald Rumsfeld prononcé ce jour-là. C'est ainsi que CBS News a diffusé le 29 janvier 2002 un article se référant directement à ce discours. On y lit :
« On Sept. 10, Secretary of Defense Donald Rumsfeld declared war. Not on foreign terrorists, ''the adversary's closer to home. It's the Pentagon bureaucracy,'' he said. He said money wasted by the military poses a serious threat. ''In fact, it could be said it's a matter of life and death,'' he said. Rumsfeld promised change but the next day, Sept. 11, the world changed and in the rush to fund the war on terrorism, the war on waste seems to have been forgotten. »
Il y a y a donc une double évolution, d'une part vers le constat de l'inutilité d'augmentations du DoD à moins d'arriver à des sommes si massives qu'elles menaceraient l'équilibre du budget fédéral dans son entier (il n'a pas besoin de cela avec les secousses à venir, à cause du scandale Enron) ; d'autre part vers le constat que le véritable problème n'est pas budgétaire mais structurel, au niveau de la bureaucratie du DoD. Si cette évolution se poursuit, on pourrait aller vers des constats encore plus déstabilisants, à l'image des constats plus généraux que font successivement Paul Krugman le 30 janvier et William Pfaff le 2 février, à savoir que le grand événement de l'époque pour l'Amérique est plus le scandale Enron que l'attaque du 11 septembre. Dans le même sens, en effet, l'évolution signalée à propos des dépenses militaires tend à faire passer l'investigation et, au-delà, le jugement, de l'accidentel (une augmentation budgétaire annuelle) au structurel (l'incapacité de faire fonctionner l'entretien et les structures de la machine militaire, au risque de pousser l'Amérique, soit vers des aventures tragiques, soit vers l'équivalent d'une banqueroute).