Le Pentagone a planifié une guerre nucléaire pour la “guerre contre la terreur”

Bloc-Notes

   Forum

Il y a 2 commentaires associés à cet article. Vous pouvez les consulter et réagir à votre tour.

   Imprimer

 412

Des documents obtenus par la Federation of American Scientists grâce au Freedom of Information Act mettent en évidence que le Pentagone a planifié une guerre nucléaire adaptée à la “guerre contre la terreur”, contre les “rogue states” soupçonnés de développer des armes de destruction massive (sont cités quelques “usual suspects”: Irak, Iran, Syrie, Libye). C’est le site TPMmuckracker.com qui développe une analyse de cette révélation, le 5 novembre.

«Despite years of denials, a secret planning document issued by the U.S. military's nuclear-weapons command in 2003 ordered preparations for nuclear strikes on countries seeking to acquire weapons of mass destruction, including Iran, Saddam Hussein-era Iraq, Libya and Syria.

»A briefing (pdf) on the document obtained by the Federation of American Scientists, showed that the document itself was created to flesh out a 2001 Bush administration revision of long-standing nuclear-weapons policy, known as the Nuclear Posture Review. That review was a Defense Department-led attempt to wean nuclear policy off a Cold-War focus on Russia and China, but the shift raised questions about what purpose nuclear forces would serve apart from deterring an attack. In March 2002, leaks indicated that the review would recommend preparations for nuclear attacks against WMD-aspirant states. Arms Control Today pointed out at the time that planning to attack non-nuclear states that were signatories to the nuclear Non-Proliferation Treaty reversed decades of U.S. nuclear policy.

»The administration's response was to deny that the review moved the U.S. from deterrence to a first-strike posture. After the leaks, the Defense Department issued a statement in March 2002 saying cryptically, “This administration is fashioning a more diverse set of options for deterring the threat of WMD. ... A combination of offensive and defensive, and nuclear and non-nuclear capabilities is essential to meet the deterrence requirements of the 21st century.” Speaking to CNN around the same time, General Richard Myers, then the chairman of the Joint Chiefs of Staff, said the Nuclear Posture Review was “not a plan, it's not an operational plan. It's a policy document. And it simply states our deterrence posture, of which nuclear weapons are a part.” Vice President Dick Cheney said at the time that the notion that the review paved the way for “preemptive nuclear strikes” was “a bit over the top.”

»But that now looks to be an explanation too clever by half. Perhaps the review itself didn't contain operational plans. But guidance documents created to flesh it out did.

»One such document is known as OPLAN 8044 Revision 03. That document is an update of the basic nuclear-weapons plan, formerly known as the Single Integrated Operational Plan. It was created by the U.S. Strategic Command (Stratcom), which has responsibility for nuclear-weapons planning, doctrine and maintenance. Using the Freedom of Information Act, the Federation of American Scientists obtained a briefing on how Stratcom's OPLAN 8044 Revision 03 changed the nuclear-policy paradigm. For the first time in U.S. nuclear history, plans for nuclear attack on regional targets around the world were included in the basic nuclear war planning document.»

Comme on le lit dans l’extrait ci-dessus, il ne s’agit pas d’une surprise complète ou d’une révélation sans prémisses. On savait que certaines opérations nucléaires étaient envisagées en théorie contre certains pays soupçonnés de développer des ADM. De telles démarches théoriques sont courantes dans les bureaucraties nucléaires, selon les situations conflictuelles potentielles. La révélation porte ici sur la planification effective, impliquant d’éventuels plans de guerre et un repositionnement des forces, ou d’une partie de ces forces, pour les conflits en question. C’est une situation importante dans la mesure où la nouvelle doctrine stratégique US prévoit la possibilité d’attaques et de frappes nucléaires préventives. Cette doctrine est spécifiquement destinée à des situations de la “guerre contre la terreur”, c’est-à-dire contre des pays type-“rogue states”. Par conséquent, la planification a été réalisée selon des modèles de guerre nucléaire préventive, ce qui représente sans doute une “première” stratégique pour ces circonstances, dans un cadre administratif normal, sur instructions du pouvoir civil.

Ces diverses précisions confirment un courant d’analyse générale concernant les USA, leur évolution stratégique, leur attitude vis-à-vis de l’arme nucléaire. Il s’agit d’une évolution qui a des antécédents: les agitations du général LeMay dans les années 1950 (planification d’une frappe préventive contre l’URSS, mais d’une manière clandestine, sans instructions du pouvoir civil); surtout, une appréciation différente de la guerre nucléaire née à la fin des années 1970. Le constat général est évident. Les stratèges américanistes n’ont conçu qu’exceptionnellement, sous la pression de la probabilité d’un anéantissement réciproque USA-URSS en cas de guerre nucléaire entre les deux puissances, l’idée que l’arme nucléaire est une arme de “non-emploi”, comme disent les Français. Fondamentalement, les stratèges US et les dirigeants civils pensent, – aujourd’hui, sans aucun doute, – que l’arme nucléaire est une arme “comme les autres” et qu’il ne serait pas inintéressant de l’utiliser un jour. C’est un point psychologique essentiel.


Mis en ligne le 7 novembre 2007 à 07H08