Il n'y a pas de commentaires associés a cet article. Vous pouvez réagir.
896
22 août 2005 — Un article du Washington Post du 21 août analyse la nouvelle situation au Pentagone après le départ de Douglas Feith et Paul Wolfowitz. L’idée va dans le sens du “retour du réalisme” à Washington, tel qu’il est présent partout dans les esprits aujourd’hui. « The new civilian leadership team that has moved into place under Defense Secretary Donald H. Rumsfeld over the past few months is shaping up to be less ideological, more balanced and more attuned to Congress than the first-term group it has succeeded, according to defense analysts and lawmakers. »
L’article détaille les nouvelles nominations au Pentagone, notamment après les départs de Feith et Wolfowitz. Une chose domine clairement : à la place d’idéologues spécialisés dans les questions de politique extérieure (qui se résumaient à la destruction de l’Irak), on trouve des techniciens beaucoup plus spécialisés dans les questions techniques et bureaucratiques, et les rapports avec le Congrès. Trois noms sont principalement cités :
• Gordon England, qui remplace Wolfowitz. Peu intéressé par les questions de politique internationale, il se concentre sur les affaires bureaucratiques, sur l’énorme réforme du Pentagone que Rumsfeld espère mener à bien. C’est le Grand Inquisiteur de Rumsfeld, qui va être chargé d’attaquer les grands programmes en cours, notamment dans le cadre de la QDR-2005.
• Eric Edelman succède à Douglas Feith: « [he]has little public record of engagement in Washington's ideological battles but comes with a reputation as a skilled career diplomat with an easygoing personality ».
• Robert Rangel est un spécialiste du Congrès. Rangel « recently started operating as Rumsfeld's chief of staff and using his Capitol Hill expertise to help smooth the way for Pentagon initiatives. » Le Post signale, pour illustrer ce nouvel esprit de coopération (?) avec le Congrès un récent dîner en tête-à-tête, pour la première fois depuis que l’administration GW est en place, entre Rumsfeld et le Représentant Ike Skelton, leader démocrate à la Chambre.
Que dit le journal de Washington de ces changements, de façon plus concrète?
« “From a policy perspective, you're not going to see any fundamental changes, nothing beyond some little stick-and-rudder movements,” said an administration official involved in defense policy who is not authorized to speak for attribution.
» Still, the shape of the new team seems to point to some significant shifts in emphasis and style. England, in particular, has made clear his intention to return to the traditional model of a deputy who oversees the daily operations of the Pentagon. These management tasks never were the strong suit of Wolfowitz, a former academic and defense policy specialist who left the Defense Department in June to become president of the World Bank.
» A veteran of the aerospace industry — he held executive positions with General Dynamics Corp. and Lockheed Martin Corp. — England has declared the Pentagon's existing systems for buying weapons overly complex and has signaled his determination to restructure the process. He set up a committee to recommend changes by November. »
C’est évidemment autour de la personnalité de England que se concentrent toutes les remarques sur les changements au DoD. L’inévitable Loren B . Thompson (du Lexington Institute), commentateur attitré de toutes les questions de défense à Washington : « Gordon England has believed since he was in industry that the acquisition system is broken. If given the opportunity, he'll push to change almost every aspect of the way the Pentagon does business because he believes billions of dollars are being wasted. »
Bref, il est temps de rétablir la réalité. Le Pentagone ne passe pas, comme le laisse entendre le Post, du camp des idéalistes interventionnistes au camp des réalistes. Il change d’orientation dans ses objectifs, ce qui est effectivement du pur Rumsfeld. On en revient à la situation pré-9/11, lorsque la préoccupation principale du secrétaire américain à la défense était la transformation interne du Pentagone. Mais, certes, la situation est aujourd’hui bien plus grave qu’elle n’était en 2001.
Le rapprochement du Pentagone du Congrès répond à la même préoccupation. Il s’agit de trouver chez les parlementaires, qui sont les maîtres en matière de répartition budgétaire, des alliés pour soutenir l’action révolutionnaire du secrétaire à la défense contre la bureaucratie de sécurité nationale qui tient tous les leviers au Pentagone. Il s’agit de soutenir une action révolutionnaire telle que l’avait définie Rumsfeld dans son exceptionnel et malheureusement trop ignoré discours du 10 septembre 2001.
Placer cette évolution dans le sein d’une soi-disant bataille entre idéalistes bellicistes et réalistes n’a strictement aucun sens. On dirait de façon très différente que le Pentagone new age qui s’installe est celui qui, après avoir mené la bataille contre l’Irak, entame désormais la bataille contre les effets de la bataille contre l’Irak. Cette nouvelle bataille est encore bien plus difficile que la première ; la première a été perdue, on doute que la seconde débouche sur une victoire.