Il n'y a pas de commentaires associés a cet article. Vous pouvez réagir.
995
25 juillet 2005 — On a déjà mentionné l’article de Aviation Week & Space Technology (AW&ST) du 18 avril 2005, sous le titre : « Crisis of Confidence. » Le texte détaille la crise qui secoue le Pentagone, pour diverses causes qui, toutes, s’additionnent et multiplient leurs effets. (Crise qui passe totalement inaperçue dans notre grande presse, qui a ses colonnes mobilisées pour les louanges sans fin du système anglo-saxon, et de l’américanisme en particulier, dans ses capacités de gestion, de rigueur et d’efficacité.)
• Le scandale Druyun-Boeing et ce qu’il a révélé constituent la partie émergée d’un énorme iceberg qui enferme la corruption, la gabegie et l’inefficacité du système d’acquisition du Pentagone. Aujourd’hui, l’iceberg craque de partout, — sans doute le réchauffement climatique.
• Divers scandales d’un autre type, plus techniques et plus joliment expliqués par la comptabilité surréaliste du DoD, affectent divers programmes, tels le système FCS de l’Army et le DD(X) de la Navy, sans compter les inévitables F/A-22 “Raptor” et autres JSF dont nos lecteurs suivent la chronique en détails.
Le texte précise qu’une commission d’enquête vient d’être nommée, avec des pouvoirs étendus. Les dispositions sont effectivement impressionnantes. « Air Force Lt. Gen. (ret.) Ronald Kadish, who is best known for running the Missile Defense Agency (MDA) during both the Clinton and Bush administrations, was tapped last month by the Pentagon to chair the independent Defense Acquisition Performance Assessment panel. Newly named Acting Deputy Defense Secretary Gordon England issued a memo last month chartering the study, noting a sense of “growing and deep concern within the Congress” and the Defense Dept. about its acquisition processes. The panel's mandate is broad, including a look into the formation of weapons requirements and purchasing processes as well as management oversight, decision methodology and related law. »
England a nommé un de ses conseillers les plus proches, Dave Patterson, comme agent de liaison entre le Pentagone et la commission d’enquête. Cette nomination elle-même justifie certains commentaires sceptiques qui ont aussitôt accompagné la mise en place de la susdite commission: « However, questions are already being raised about the panel's credibility. Skeptics say Defense Secretary Donald Rumsfeld, his former deputy Paul Wolfowitz, and top aides — including Patterson — neglected to take the issue head-on in recent years. A Senate staffer raised concerns about Patterson as project “lead” because he is the “subject of e-mails [discovered during the recent investigation] regarding the tanker lease.” »
En d’autres termes:
• Certains des officiels devant enquêter sur les fraudes majeures constatées ces dernières années sont eux-mêmes impliqués dans le processus qui a permis à ces fraudes de perdurer pendant plusieurs années.
• D’une façon plus générale, — et c’est certainement la remarque la plus importante — la détérioration des conditions qui conduisent au climat détestable actuel, au chaos du Pentagone et à la “crise de confiance” est due pour une bonne part au désintérêt de la direction civile du Pentagone (Rumsfeld et Wolfowitz) pour la question. L’explication va de soi, mais il est bon qu’elle soit dite et imprimée dans des revues prestigieuses, dites “sérieuses”, en général plutôt amicales à l’égard des actes du pouvoir. Le fait est que la direction civile du Pentagone ne se préoccupe plus que d’une chose depuis le 11 septembre 2001: l’attaque contre l’Irak et ses conséquences. (Un homme, pourtant, savait exactement ce qui se passait et où se trouvait, et se trouve toujours, le véritable danger: Donald Rumsfeld, avec son fameux mais peu connu discours du 10 septembre 2001. L’Histoire devrait décerner au secrétaire américain à la défense, la reconnaissance d’une extrême lucidité de jugement et d’une exceptionnelle lâcheté de caractère, et cela d’un jour à l’autre, du 10 au 11 septembre 2001, passant de la dénonciation du vrai danger à celle du faux danger.)
Les conditions générales qui ont précédé la nomination de cette commission sont épouvantables. Une enquête préliminaire a déjà été effectuée par l’Inspecteur Général du Pentagone Joseph Schmitz, dont un expert du Congrès, Michael Bolkom, a observé que son rapport « appears like a bikini. What it reveals is interesting, but what it covers is vital ».
Durant une audition le mois dernier, le sénateur McCain, très impliqué dans la dénonciation de l’affaire des ravitailleurs en vol et le scandale Druyun-Boeing, a attaqué Schmitz qui venait de déclarer qu’il n’avait pu obtenir le témoignage de l’ancien chef des acquisitions du Pentagone, E.C. (Pete) Aldridge, qui occupait encore cette fonction au moment des faits : « You couldn't reach Mr. Aldridge who is, I believe now, a member of the board of Lockheed Martin. Is that right? Do you know that? » (Et AW&ST note: « Aldridge has since been interviewed twice, and a congressional aide says the testimony is “very disturbing.” »)
Le spectacle que découvrira la commission d’enquête est celui d’un immense désordre, naturel à la bureaucratie du Pentagone, aggravé par l’absence complète de contrôle de la direction civile complètement obsédée par la guerre d’Irak, le montage pour la justifier, la courte bataille conventionnelle de mars-avril 2003 et, depuis, le montage continuel pour faire croire que cette situation irakienne est bonne. Cette commission est elle-même, par avance, compromise et susceptible de subir toutes les contestations possibles. Elle paraît de toutes les façons sans aucune capacité d’atteindre une position d’information et d’autorité d’où elle pourrait découvrir et suggérer la moindre mesure qui puisse faire bouger cette montagne d’irresponsabilité, de gaspillage, d’incompétence et de corruption qu’est devenu le Pentagone.
Aussi l’essentiel est moins dans la nomination de cette commission que dans le fait qu’elle va devoir opérer en pleine lumière et de façon spectaculaire. (« The chairman of a massive new review of Defense Dept. acquisition practices says the system is suffering from a “crisis of confidence” and — after a series of skewed contract decisions came to light — he intends to propose improvements in as open and public a fashion as possible. ») Cela implique que la “crise de confiance” va être étalée au grand jour, avec des parlementaires déchaînés, McCain en tête, parce que pouvant prendre leur revanche sur l’exécutif tout en arguant de la vertu de la sécurité nationale. Les auditions ne vont pas manquer, qui accentueront encore le malaise général et contribueront à aggraver la situation du Pentagone. Un jour prochain, peut-être pourra-t-on commencer à envisager qu’on puisse poser cette question: serait-il possible, finalement, que le système puisse imploser comme un vieux poste de télé usé?