Le peuple, my God! On l’avait oublié, celui-là

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Effectivement, la chose pourrait devenir honorable, parmi les événements de la crise; c’est pourquoi, poursuivant notre amende mémorable, nous ne manquons plus de signaler l’extension désormais significative du mécontentement populaire au Royaume-Uni, avec grèves diverses et particulièrement discourtoises, encore mieux ou pire que dans la rétrograde et vulgaire France, au grand dam de Sir Peter Madelson, l’un des plus dignes représentants de l’aristocratie libre-échangiste. Voilà même que les ouvriers parlent de “troubles” («We’re going to see civil unrest in this country. It’s already started. It will grow unless things are sorted»); de “solidarité” dans la lutte («Ian Smith, 55, a welder who was on strike at the Lindsey refinery and counts himself as a Conservative supporter, said workers are more determined than they were in the 1970s. “Brown is definitely out of touch, he should be leaping to our defense,” said Smith, wrapped up from the cold in the parking lot opposite the Total refinery where strikers had gathered. “I’ve been working as a welder since I was 15 years old and I have never seen this sort of solidarity.”»)

L’agence Bloomberg.News consacre, ce 5 février, une analyse aux conflits sociaux qui se développent au Royaume-Uni. L’analogie est faite avec les avatars du parti travailliste dans les années 1970 et l’arrivée au pouvoir de Thatcher en 1979. Brown est de plus en plus coincé entre la perspective des élections générales de 2009 (fin du printemps), qui lui imposeraient en théorie de suivre une politique plus “sociale”; sa chute actuelle et sans le moindre parachute, doré ou pas, dans les sondages; ses engagements idéologiques anti-protectionnistes qui repoussent la protection des emplois pour les Britanniques et ainsi de suite.

Et, bien entendu, la situation ne se compare à aucune autre dans le domaine de l’intensité des événements, de la crise, etc. (à cet égard, rien à voir avec les années 1970). C’est une garantie probable pour que les événements qui se développent aillent en s'amplifiant, à moins d’une volte-face dramatique du gouvernement Brown, contre tous ses engagements idéologiques. Il y a, dans les événements sociaux britanniques le sens palpable d’une tragédie sociale en cours, pour souligner d’une façon dramatique la démission absolue de la direction politique de ses devoirs vis-à-vis de ses mandants (le fameux “peuple” qu’aucun décret de loi, finalement, ne parvient à dissoudre). Et là aussi, le spectre de la Grande Dépression…

«Matthew Worley, a history lecturer at Reading University and author of a book on the Labour Party in the 1920s and 30s, sees a parallel to Depression-era politics. “There was a big fear of unemployment; a lot of people saw themselves as skilled people yet they were being undermined not by better labor, but by cheaper labor,” Worley said. “And you see again the idea that what happens somewhere else today will happen to us next.”

»Also reminiscent of the 1930s is the growing presence of a nationalist party. The anti-immigrant British National Party has had representatives at all of the demonstrations at refineries and plants, said Simon Darby, its deputy leader.

»Back at the Lindsey refinery, strikers said they have nothing against foreign workers, they are just trying to protect their livelihoods as the economy worsens. Paul Gale, 58, a rigger at the plant, said the protest had nothing to do with xenophobia. “It’s not to do with racism, it’s to do with the rise of unemployment in this country,” Gale said. “We feel let down by the government.”»

Certes, cette affaire commence à prendre de l’importance. Elle attaque, par l’intérieur, le cœur même de la citadelle ultra-libérale et libre-échangiste, le cœur même du système qui verrouille notre époque. C’est l'effondrement du dernier pan de l’imagerie fantasmagorique anglo-saxonne et blairiste, le mirage mirobolant de la “troisième voie” servant l’ultra-libéralisme sur un plateau avec consentement populaire garantie par le New Labour, le supposé acquiescement populaire qui parut toujours être un acte étrange de “servilité volontaire” au système maquillé en ultra-libéralisme progressiste qui le met à l’encan. La remarque certainement courageuse de Nicolas Baverez d’il y a cinq jours dans Le Monde sur “la société britannique qui fait front”, c’est-à-dire dans son esprit en maintenant sa discipline sociale et en encaissant sans broncher tous les coups de la crise économique accouchée par le système dans la plus parfaite impunité, à l’inverse de la société française toujours en retard d’une servilité, cette remarque commence à ressembler à une paradoxale prémonition, – puisqu’il s’agit, après tout, de savoir, – “faire front” contre quoi? Peut-être Baverez est-il un révolutionnaire qui s’ignore: «Le Royaume-Uni subit le choc le plus violent, avec la chute de la City, l'éclatement d'une énorme bulle immobilière, la fin de la rente de la mer du Nord, mais la société fait front.»


Mis en ligne le 5 février 2009 à 14H29