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1665…C'est ainsi que l'on pourrait qualifier les prétendues “mesures de soutien à l'économie” décidées par la Banque fédérale de réserve américaine entre 2007 et 2010. Au moment où l'on attendait les révélations du site Wikileaks sur la Bank of America, qui promettent d'être intéressantes, c'est l'US Federal Reserve Board (Fed ) elle-même qui a fait diffusé entre le 1er et 4 décembre 21.000 documents détaillant les opérations qu'elle a conduite dans le plus grand secret au plus fort de la crise financière des 3 dernières années (voir le lien) .
La Fed a fait cette révélation contre son gré, en exécution d'une instruction incluse dans la loi fédérale de régulation du système bancaire (Dodd-Frank Wall Street Reform and Consumer Protection Act of 2010). Cette loi, que les institutions financières se sont empressées de contourner, a eu au moins ce résultat. Un des rédacteurs du texte, le sénateur Sanders de tendance libérale (voir son site) a été le premier à souligner dans la presse le caractère anormal sinon scandaleux de ces opérations (lien sur Huffington.post). Il a montré la complicité active des deux présidents Bush et Obama dans les décisions relatives aux montants distribués allouée et aux banques et entreprises bénéficiaires – le tout dans le plus grand secret. On découvre seulement aujourd'hui qu'au moment où l'administration se félicitait de deux mesures officielles de soutien (bailout) destinées à aider les banques en difficulté, la Fed procédait à des distributions « gratuites » de liquidité pour des montants dix fois supérieurs, sans que nul n'en soit averti.
La Fed se défend sur son site: ces opérations étaient destinées à redonner de la liquidité à l'économie au plus fort de la crise. De plus, elles auraient toutes fait l'objet aujourd'hui de remboursements. Mais les choses sont plus complexes qu'elle ne le dit. Il semble notamment que les remboursements aient comporté une grande partie de titres toxiques dont les banques se seraient défaussées sur le Trésor. De toutes façons ces remboursements suffiraient-ils à faire taire les questions et les critiques, non plus d'ailleurs que les mêmes questions et critiques s'adressant à la politique financière européenne ?
Le point que nous voudrions en effet souligner d'emblée concerne l'Europe. La révélation des pratiques du méga-lobby financier américain (incluant la City), que nous avons qualifié de super-organisme anthropotechnique, ne concerne pas seulement l'Amérique. Tout ce qui touche à Wall Street impacte directement l'ensemble des économies et des Etats européens, notamment à travers la dette souveraine que ces derniers ont contracté auprès des fonds spéculatifs. La politique imposée en Europe par certains gouvernements à la Banque centrale européenne (BCE), lui interdisant pratiquement jusqu'à ces derniers temps de prêter directement et sans intérêt des euros aux Etats en difficulté, paraît à cet égard incroyablement décalée. Elle est si contraire aux intérêts de l'Union européenne que l'on ne peut s'empêcher d'y voir un des aspects de la conspiration mondiale des intérêts financiers contre les peuples.
Revenons rapidement sur la façon dont il faut interpréter les informations dont nous disposons depuis le 1er et le 3 décembre. Le total des fonds distribués en 3 ans par la Fed (Fed bailouts) s'élèverait à 3,3 mille milliards de dollars (trillions selon la terminologie américaine). Mais en additionnant les liquidités distribuées au total aux banques, aux fonds spéculatifs et aux grandes entreprises (un prêt pouvant générer un autre prêt) on atteindrait des dizaines de trillions. Le tout s'étant fait sans information publique ni contrôle démocratique. Par comparaison les dépenses obligatoires du budget fédéral américain pour 2010 sont d'environ 2,2 trillions (lien). De même, les sommes attribuées à l'économie par les deux campagnes officielles de soutien à l'économie, le “Treasury Department's $700 billion Troubled Asset Relief Program” et le “$787 billion Stimulus package” du à l'administration Obama paraissent presque des gouttes d'eau dans le seau.
On sait par ailleurs que ces sommes furent allouées sans aucune exigence de contrôle provenant de la Fed ou du Trésor. Elles le furent à un taux d'intérêt aussi bas que possible, sans que les bénéficiaires eussent à fournir de compte-rendus de l'utilisation des fonds. Tout laisse penser, à partir des quelques informations remontant du système bancaire, qu'elles ont servi à couvrir les pertes supportées par les spéculateurs sur les risques énormes pris avant la crise (ce dont le pauvre Jérome Kerviel n'a pu bénéficier). Les liquidités obtenues ont ensuite servi dans un second temps à financer les nouvelles opérations spéculatives à très haut profit qui depuis quelques mois ont “redonné des couleurs” à Wall Street, en mépris à nouveau des régulations et des obligations de transparence imposées par la loi fédérale.
Faut-il rappeler que les milliards de bénéfices encaissés par les traders, actionnaires et membres des directions des banques et entreprises bénéficiaires de ces prêts (le corporate power) bénéficient de toutes facilités pour dissimuler leurs gains dans les paradis fiscaux et échapper ainsi l'impôt fédéral. Dans le même temps, avec une impudence incroyable, Barack Obama vient pourtant de décréter le gel ou la baisse des salaires des fonctionnaires fédéraux. A la suite de cette décision, il a improvisé une visite en Afghanistan pour échapper aux questions.
C'est bien lui pourtant, comme la majorité démocrate précédente, qui porte la responsabilité de ces pillages du Trésor Public. Car les révélations de la Fed confirment qu'il a confié des responsabilités majeures à deux des “insiders” les plus influents de Wall Street, l'ancien CEO (président exécutif) de Goldman Sachs Henry Paulson et l'ancien président de la New York Federal Reserve, Timothy Geithner, devenu secrétaire au trésor (ministre des finances). Nous avions toujours vu en Obama un Wall Street Puppet, ce qui provoquait l'indignation de nos amis obamaniaques. Ils devraient y voir plus clair aujourd'hui.
Le World Socialist Web Site, qui n'avance jamais rien à la légère, autant que nous ayons pu en juger par le passé, précise quelques uns des “sauvetages” permis par la Fed. Le “Primary Dealer Credit Facility” a versé 9 trillions à bas taux d'intérêt aux firmes d'investissement (de spéculation) de Wall Street, Le “Term Auction Facility” a fourni des prêts à long terme, toujours à bas taux, aux banques pour un total de 4 trillions de dollars. Loin de s'en servir pour financer les besoins de l'économie réelle, les établissements financiers ont utilisé ces sommes pour consentir des prêts à taux élevé aux collectivités publiques et agences gouvernementales, sans mentionner les Etats européens. Cela leur a permis d'encaisser des milliards de profit qui n'ont évidemment pas fait l'objet des remboursements au Trésor dont se vante la Fed.
Le New York Times, dont le moins que l'on puisse dire est qu'il n'est pas un organe trotskyste, donne encore plus de précisions sur les mesures de soutien dont ont bénéficié les plus grandes banques et entreprises américaines, ainsi que sur la relance des manœuvres spéculatives qui en a résulté (lien ) . Quand au sénateur Sanders, précité, il ne décolère pas. Le gouvernement, suivi en cela de la nouvelle majorité républicaine, va renforcer les prélèvements pesant sur les citoyens les plus pauvres et les PME, diminuer les programmes de soutien et continuer à faire le secret sur les opérations spéculatives conduites aux Etats-Unis et dans le reste du monde par les grandes banques. Il a demandé à la Cour des comptes fédérale, le Government Accountability Office, de produire un rapport, mais celui-ci ne sera pas obtenu avant 2011.
Pendant ce temps, les gouvernements européens (sans mentionner la BCE), restent indifférents face à des évènements qui touchent directement le niveau de vie et l'activité des citoyens. Les économistes et les hommes politiques continuent à s'interroger gravement sur l'avenir de l'euro et l'approfondissement de la crise. De l'argent a été prété en abondance aux banques, mais sans aucunes conditions ni contrôle. Pas une voix ne se fait entendre, à part celle il faut bien le dire assez folklorique d'Eric Cantonna (
Jean-Paul Baquiast
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