Le plus “sale secret” à propos des “bijoux de famille” de la CIA

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Depuis deux semaines, nous sommes censés connaître tous les secrets des fameux “bijoux de famille” (“crown jewels”) de la CIA, depuis que près de 700 pages de documents ont été déclassifiées et diffusées sur le site des National Security Archives. Ces “bijoux de famille” concernent essentiellement les “sales secrets”, ou “sales coups” (“dirty tricks”) de la CIA des années 1950 et 1960, concernant les activités illégales de l’Agence.

Le chroniqueur James Carroll, auteur de divers ouvrages remarquables sur les questions de sécurité nationale, dont “House of War”, consacre sa chronique du Boston Globe du 2 juillet à l’événement. Il rappelle les grandes lignes des activités illégales de la CIA, les éclaire d’appréciations personnelles pertinentes. Il insiste notamment sur l’une des préoccupations de l’Agence lorsque la campagne des activités illégales fut déclenchée. Il s’agissait de faire accepter par le public américain des actes renvoyant à cette “répugnante philosophie” d’une action illégale, selon les termes du rapport de 1954 du général Doolittle, qui jugeait pourtant nécessaire de l’appliquer en raison du danger soviétique : «It may be necessary that the American people be made acquainted with, understand, and support this fundamentally repugnant philosophy.»

Carroll conclut sur ce qu’il juge être, finalement, le plus “sale secret” de toute cette affaire :

«The irony, of course, is that the CIA, which has almost always been wrong about America's enemies, has been proven wrong, in the end, about the American public. When the national security establishment's Committee Hearings in the 1970s or in the release of the “family jewels” last week — the revelations are greeted with a national yawn. The monstrous military establishment, which intelligence crimes protect, is not questioned.

»Why are the congressional switchboards not jammed with angry phone calls of dishonored Americans? Except for an ineffectual, if passionate, minority of objectors, the people of the United States handle the knowledge of past and present crimes committed in their name quite nicely, thank you. Ah, but there's the darkest secret of all.»

Cette indifférence du public US à ces actions notoirement illégales de la CIA, confirmée aujourd’hui par la persistance de cette attitude à l’occasion de la confirmation de ces actions, pourrait tenir, selon notre estimation, d’abord à la distance existant entre ce public et l’administration fédérale. Le gouvernement US n’est pas de type régalien. Il est perçu comme une administration centralisatrice, un “système” chargé de la gestion et de l’action des USA. En ce sens, son activité est perçue par les citoyens US comme quelque chose qui n’engage pas nécessairement leur responsabilité propre (cela dépendant évidemment des circonstances, avec des changements lors d’une urgence nationale spectaculaire). De cette façon, on peut mieux expliquer cette indifférence effectivement extraordinaire qui existe chez les citoyens US à l’égard des activités de la CIA, et qui permet de soutenir une attitude de complète irresponsabilité et d’“inculpabilité”.


Mis en ligne le 3 juillet 2007 à 12H58