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863Les activistes anti-guerres du site Truthdig.com, pour annoncer, sans autre commentaire dans l’instant sinon le communiqué officiel, la décision du Nobel, le 9 octobre 2009, trouvèrent une heureuse formule…
«The Nobel Committee has interrupted the president’s meditations on whether to escalate the war in Afghanistan by awarding him the Peace Prize…»
D’autres commentateurs, comme Mark Halperin et Mika Brzezinski (fille de Zbigniew), étaient déjà entrés dans une opération dite de “damage control”, tant ce Prix semblait dès hier midi aux USA, si inattendu, si insaisissable, tant il leur apparaissait si embarrassant (sur Huffington.Post le 9 octobre 2009); au fond, débattant sur le thème de savoir si Obama pouvait encore refuser le Prix, et comment – puis admettant qu’il était trop tard…: «“I predict right now that he will find a way to basically turn it down,” Time Magazine's Mark Halperin told MSNBC’s ‘Morning Joe’. “I think he is going to say, I share this with the world or whatever. I don't think he'll embrace this. Because there is no upside.” “The damage is done,” added Mika Brzezinski shortly thereafter.»
La réaction de Gorbatchev, auquel nombre de nos lecteurs ont aussitôt pensé en se rappelant qu’il avait eu le Prix lui aussi, dans des temps également si critiques, n’a pas été très originale («A travers vos agissements, vous avez contribué à changer l'atmosphère dans le monde. Ma vision du monde et des relations entre les peuples est proche de la vôtre…»), sauf qu’elle a précédé celles de Medvedev et de Poutine. La réaction de Lech Walesa, Nobel de la Paix en 1983, a été plutôt du genre sarcastique: on lui donne un Prix, à BHO, pour ce qu’il n’a pas encore fait (ajoutant in fine: sauf trahir les Polonais en cédant aux Russes et en abandonnant le BMDE).
Les républicains s’en payent à belles dents ou grincent des dents, c’est selon. Erick Erickson, du site RedState.com, cite les nécessités des quotas de nos sociétés multiculturelles: «I did not realize the Nobel Peace Prize had an affirmative action quota, but that is the only thing I can think of for this news.» John Miller, de National Review, de la droite républicaine, est aussi critique, certes, mais ce n’est pas si faux: «Obama isn't the first American president to win the Nobel Peace Prize, but he's the first to win it without having accomplished anything. Obama's award is simply the projection of wishful thinking.» Ou bien encore Mark Krikorian, également de National Review: «The prize seems not just premature but embarrassing, this just reinforces the Saturday Night Live meme that Obama has done nothing.»
Rush Limbaugh, le grand homme des talk show de la droite extrême républicaine, s’est déchainé, clamant qu’effectivement il était dans cette circonstance du côté des adversaires d’Obama qui ont condamné le Prix, donc du côté du Hamas et des talibans; puis disant dans un message qu’il a envoyé à Politico.com : «This fully exposes the illusion that is Barack Obama. And with this ‘award’ the elites of the world are urging Obama, THE MAN OF PEACE, to not do the surge in Afghanistan, not take action against Iran and its nuclear program and to basically continue his intentions to emasculate the United States... They love a weakened, neutered U.S and this is their way of promoting that concept. I think God has a great sense of humor, too.» L’affirmation de Limbaugh pour qualifier son opposition au Prix rencontre l’accusation du parti démocrate, aussi stupéfait par le Prix que les autres, accusant effectivement les républicains, puisque nous y sommes – selon Brad Woodhouse , directeur de la communication du parti démocrate… «The Republican Party has thrown in its lot with the terrorists – the Taliban and Hamas this morning – in criticizing the President for receiving the Nobel Peace prize. Republicans cheered when America failed to land the Olympics and now they are criticizing the President of the United States for receiving the Nobel Peace prize – an award he did not seek but that is nonetheless an honor in which every American can take great pride – unless of course you are the Republican Party.» Le site BBC.News donnait une bonne revue, le 9 octobre 2009 au soir, des réactions des médias US, allant de la colère à l’embarras. Notons aussi ce premier commentaire de Time Magazine, pris au vol: “c’est la dernière chose dont Obama avait besoin en ce moment”.
Obama? Stupéfait comme les autres, mais toujours cool, disant qu’il ne mérite certes pas le Prix, parce qu’il est un peu jeune, un peu court dans ses fonctions, ayant fait si peu, mais qu’il s’activera pour le mériter, etc. – et, bien entendu, annonçant que le montant du Prix ira à une œuvre de charité. Nul n’en attendait moins.
Terminons enfin cette revue des réactions des autres par ce commentaire de Peter Beaumont, du Guardian, ce 10 octobre 2009 – un parmi tant d’autres allant dans le même sens: «The reality is that the prize appears to have been awarded to Barack Obama for what he is not. For not being George W Bush. Or rather being less like the last president. The question now is whether having being anointed perhaps too early by the committee, a Nobel prize earned so cheaply and at so little cost will help him in his efforts on the international stage or rather be an albatross around his neck. Something against which all his future efforts will be judged – and perhaps found wanting.»
@PAYANT La première question venue à l’esprit serait de savoir si le Comité Nobel n’est pas une “organisation frontiste” d’on ne sait quel complot, point encore désigné et qui n’avait pas encore comploté sur une si grande échelle – sont-ce les talibans ou les républicains, ou bien encore Goldman Sachs – pour précipiter le désordre qui a déjà belle allure aux USA? Ce Prix Nobel paraît en effet, à Washington et dans tous les centres de désordre aux USA, comme rien de moins que de jeter de l’huile à grands coups de louche sur le feu…
Cela bien compris, que cherchait donc le Comité Nobel? A notre avis, il suffit de lire le communiqué. La décision du Nobel est une décision extraordinaire parce qu’il s’agit d’une incantation, d’une supplique; non pas tant adressée au BHO que l’on voit tous les jours, indécis, hésitant, changeant d’avis pour tenter d’amadouer ses adversaires encore plus que conforter ses partisans, pesant le pour et le contre sur la façon de poursuivre une guerre à laquelle personne ne comprend précisément quoi que ce soit; une incantation, une supplique adressée plutôt à un fantôme, à un artefact postmoderne, à une image pieuse de notre religion, à ce Barack Obama que nous avons tant aimé, à ce BHO que nous avons acclamé, arrangé, fabriqué avant qu’il n’existe, le premier président Africain-Américain, le candidat du “Yes, I can”; à l’éventuel réparateur de l’American Dream, qui tuerait le souvenir infâme de GW Bush, comme si une si immense crise que celle qui secoue le monde pouvait être réduite à un personnage de cette envergure (GW Bush); au réformateur de relations internationales policées, chics et comme il faut, celles du bon vieux temps où les allégeances et les alignements étaient dissimulées sous les doux noms de “globalisation irréversible”, de “coopération multilatérale” et de “valeurs communes”. Bien entendu, cette incantation, cette supplique, ne sont faites nullement dans l’enthousiasme qui perçait ici ou là, entre deux crises, en 2008, notamment durant la visite de BHO en Europe en juillet, avant le grand ébranlement de 9/15, lorsqu’on croyait encore à le rénovation de la postmodernité; elles sont faites dans une atmosphère générale en pleine dégradation après le redressement totalement artificiel du printemps 2009, dans une atmosphère d’impuissance devant une situation que plus personne ne comprend plus vraiment, parmi ces dirigeants qui rabâchent… Alors, des incantations, des suppliques, justement, et adressées à qui de droit – à saint-BHO, certes.
Voilà l’explication que nous donnerions, d’une décision reflétant l’état d’esprit profond et profondément inconscient de l’establishment d’une communauté internationale aux abois. Donc une décision d’une profonde vérité, qui nous en dit tant sur la réalité de leur désarroi psychologique dont ils ne mesurent pas eux-mêmes l'ampleur. Rarement un Prix Nobel de la Paix aura été autant utile pour nous expliquer ce qu’il se passe dans leurs têtes et le véritable état du monde tel qu’il est.
A côté de quoi, certes, il y a les implications dans la réalité d’une décision dont on comprend la prétention à la force symbolique, mais dont on ne peut mesurer les conséquences. L’événement est comme tous les événements dans cette période de crise eschatologique. Même ceux qui sont déclenchés par les humains avec tant d’intentions manifestes, échappent très vite au contrôle des humains, comme ceux des révolutionnaires pendant la Grande Révolution telle que la décrit Joseph de Maistre. Nous parlons, pour ce cas, bien entendu, de la situation intérieure US, dont les Nobel se foutent en réalité et qu’ils ignorent complètement dans sa mécanique profonde, comme tout bon Européen, sinon qu’elle devrait idéalement continuer sa route impavide de l’immense stabilité de l’American Dream qui a façonné leurs jugements à tous, dans l’establishment internationalement américaniste du système. “De l’huile à grands coups de louche sur le feu…”, évidemment, car même les critiques sarcastiques et paranoïaques des républicains ont un fond de vérité. Quant aux partisans de BHO, qui attendaient un départ immédiat d’Irak et un départ progressif d’Afghanistan, que voulez-vous qu’ils finissent par éprouver sinon cette colère sacrée des promesses trahies lorsque, dans cinq jours, dans deux semaines ou dans un mois, BHO décidera que, bon, la guerre continue avec une escalade moyenne, pas celle voulue par cet insolent de McChrystal tout de même, mais tout de même quelques milliers d’hommes et de femmes de plus, qui iront rejoindre les cœurs et les âmes perdus des G.I. dans les montagnes glacées de l’Afghanistan, pour s'y perdre à leur tour…
En même temps qu’être celui de la nostalgie pour un temps passé où ils furent tant heureux, avec l’American Dream comme bréviaire, ce Prix-là est celui du désordre annoncé et déjà prévu, dont nul ne mesure les effets et les conséquences. Maistre n’aurait pas fait meilleur choix.
Mis en ligne le 10 octobre 2009 à 06H48
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