Le prix de l'amitié

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Le prix de l'amitié


9 septembre 2002 — En quelques jours, Tony Blair a balayé toute velléité d'une seule hésitation dans le problème irakien. Plus personne ne peut douter de sa volonté d'engagement aux côtés de GW. L'impression en devient même que c'est Tony Blair qui mène la charge et donne à GW le moyen de sortir de ses difficultés accumulées au mois d'août. Ainsi, si Blair-GW parlent de l'ONU à l'insistance de Blair, c'est pour mieux assurer que l'attaque puisse se faire. L'idée est bien résumée dans la chronique Foreign Editor's Briefing, de Bronwen Maddox, dans The Times du 6 septembre, par le titre même : « Without Blair's support Bush may not have his war. » Maddox explique en détails comment l'énergie et les capacités tactiques de Blair, autant que la caution qu'il offre aux US de ne pas être seuls dans l'aventure irakienne, constituent pour GW un appoint essentiel, peut-être décisif.

(Quant aux causes de cette radicalisation de Blair, les hypothèses sont ouvertes. Nous favorisons les causes très humaines, beaucoup plus que les plans politiques, géopolitiques et autres. S'il y a manoeuvre, elle existe au niveau des relations de Blair avec GW, le Britannique ayant décidé de tenter d'acquérir toute l'influence qu'il peut sur GW lui-même, pour pouvoir compléter sa position/sa stature d'homme indispensable. Nous reviendrons sur le sujet à une prochaine occasion.)

On se trouve alors dans une situation assez intéressante. Au début de la crise du 11 septembre, la position de Blair auprès de GW, sa proximité, son enthousiasme, étaient unanimement présentés comme un moyen pour le Britannique de tenter de modérer l'Américain par l'influence qu'il aurait sur lui. La thèse était si communément acceptée que certains pouvaient présenter l'interprétation que Blair agissait in fine comme un délégué de l'Europe auprès du président US, pour tenter justement de le modérer selon les voeux majoritaires des Européens. Aujourd'hui, le contraire semble apparaître, avec Blair comme moteur radicalisé du “couple” Blair-GW.

Cette évolution a d'ores et déjà des effets très importants au niveau européen. Il nous semble important qu'un article paru dans l'International Herald Tribune du 7-8 septembre fasse une place non négligeable à cet aspect des choses. Voici notamment le passage intéressant de l'article :


« “Instead of there being an outpouring of sympathy for the United States in Europe, there is now widespread skepticism and cynicism, and as a result it will be much harder for Blair to use his special relationship with the U.S. to political advantage,” said Charles Kupchan, director of Europe studies at the Council on Foreign Relations in Washington.

» Charles Grant, director of the Center for European Reform, said that Blair's appearance of uncritical support for Bush had diminished his stature and influence in Europe. “There are cases where he has appeared to side with the U.S. in disputes with Europe, and some people feel this proves he is not a trustworthy European,” Grant said. He also said he had heard people ridicule the notion that Blair's loyalty to Washington had given him influence there. �»


Le point intéressant de ce passage, ce pourquoi précisément elle est signalée, se trouve dans la référence faite à Charles Grant et les déclarations de ce dernier. Jusqu'ici, Grant, un proche de Blair, était considéré comme le missi dominici du Premier ministre britannique sur diverses affaires importantes de sécurité (c'est Grant qui avait annoncé, précédé, préparé l'évolution européenne des Britanniques avec le sommet de Saint-Malo). Grant constituait ainsi une sorte de caution sur le thème de la “double politique” de Blair : les meilleurs rapports possibles avec les Américains, mais aussi, et même surtout, une position renforcée en Europe, jusqu'à une grande politique européenne. Cette idée semblait pouvoir correspondre à une réalité politique, essentiellement à une démarche politique, tant que Blair était perçu comme un élément modérateur de GW. Aujourd'hui, l'idée semble ne plus être applicable et les remarques dépitées, voire amères de Grant par rapport à ce qu'il disait dans les mois précédents, semblent le confirmer.

Ces déclarations de Grant, reprises dans l'IHT, et qui décrivent un Blair perdant de plus en plus de poids en Europe, semblent signifier que l'un des hommes qui a aidé Blair dans sa politique européenne tout en justifiant sa politique américaine, n'a plus désormais cette opinion. Elles semblent nous dire qu'effectivement, Blair est en train, avec son soutien apporté à GW, de sacrifier la dimension européenne de sa politique extérieure. C'est une indication importante. Elles nous confirment que l'orientation politique de Blair implique désormais de façon très réelle une grave crise de sa politique étrangère.