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5 juillet 2005 — Même si leur bouffe n’est pas grande, les Britanniques nous réservent des surprises pour leur présidence de l’UE (1er juillet-31 décembre 2005). En vrais et exemplaires Européens, — comme les acclament, depuis les référendums négatifs, nos brillants intellectuels libéraux-continentaux Rive Gauche lorsqu’ils parlent du sémillant Blair.
En comité restreint mais sympathiquement ouvert, avec quelques sources qui traînaient ici ou là, l’ambassadeur britannique auprès de l’UE a fait un rapide topo du programme de la présidence britannique de l’UE pour les délégués de la Commission. On vous épargne les détails barbants et l’on en vient aux plats de résistance.
Il y en a deux, meilleurs que ce que le méchant président français dit en catimini et à Kaliningrad à propos de la cuisine britannique.
• La Chine, d’abord. La Chine? Vous connaissez, vous, la Chine? Kesèkça, la Chine? Tout cela pour faire entendre que, dans le programme britannique de la présidence de l’UE présenté par l’ambassadeur, il n’y a quasiment rien sur la Chine. On peut observer que cela permettra un certain nombre de soupirs de soulagement puisqu’ainsi on ne parlera pas de la question de la levée de l’embargo des armes européennes vers la Chine (l’embargo? Vous connaissez, vous, l’embargo? Et ainsi de suite). (Dans le document de 60 pages du gouvernement britannique communiqué aux Communes sur cette même présidence britannique de l’UE, on relevait deux paragraphes sur la Chine. Il y était question de “partenariat stratégique”, bla bla bla … puis on mentionnait les divers problèmes pendant, dont celui, assez loin, dans tous les cas après celui des human rights (en Chine, hein, pas en Irak ou à Guantanamo), du lifting of the embargo. Il était expédié selon cette appréciation que “The UE will continue to review…[the issue]”… Washington est d’ac’.)
• Cette sympathique décision de rayer la Chine des cartes mondiales disponibles pour l’UE s’explique sans doute par le deuxième plat de résistance de la présidence Blair. On veut dire par là que, prenant l’initiative à cet égard, Blair, serait-on en droit de supposer, a demandé à Washington si cela ne gênait pas les Américains que la présidence britannique de l’UE ne parle pas de la Chine dans son programme, et notamment de la question de la levée de l’embargo des armements européens. « Very clever and creative diplomacy, indeed ». (Ce n’est pas l’ambassadeur britannique auprès de l'UE qui a dit cela mais, semble-t-il, un membre du parti conservateur lors de la présentation du document de 60 pages aux Communes, ou bien un membre de l’ambassade des Etats-Unis à Londres parlant comme un Britannique.)
• Le deuxième plat de résistance du programme britannique, c’est en effet une sorte de clause blairiste, la “clause imperator”: “l’Europe c’est moi”. L’ambassadeur britannique indique tranquillement qu’il n’y aura pas, durant la présidence britannique, de sommet UE-USA (auquel assiste en général le président de la Commission aux côtés du président de l’UE en exercice). La raison avancée est que les relations entre le Premier ministre britannique et le président des USA sont tellement bonnes, exclusives, privilégiées et spéciales, qu’elles feront l’affaire. Cette innovation sympathique n’a pas vraiment soulevé l’enthousiasme des représentants de la Commission, qui se trouvent ainsi privés d’une deuxième dimension géographique sur leurs cartes touristiques et dans leurs activités du prochain trimestre : après “la Chine n’existe pas”, c’est “les USA n’existent pas”.
Mais restons vigilants car la fête n’est pas finie. Passons à un deuxième point en gardant à l’esprit le premier plat de résistance (“la Chine n’existe pas”).
… Car il nous revient qu’à une très, très récente réunion des commissaires RELEX (Commissaires européens chargés des relations internationales, avec Barroso présent), on passait en revue les relations avec différentes régions du monde. On parlait des relations avec l’Amérique du Sud.
Le Commissaire au Commerce Peter Mandelson, Britannique et friend of Tony (Blair), signifia alors d’un geste impératif que les relations avec cette partie du monde, l’Amérique du Sud, n’avait strictement aucune importance, parce que: « It’s China, stupid ! ». (Cela paraphrase le fameux « It’s economy, stupid ! » du candidat à la présidence Clinton en 1992 et signifie que la seule chose qui compte aujourd’hui dans les relations extérieures de l’UE, c’est la Chine.) L’ambassadeur britannique auprès de l’UE n’était pas présent, occupé à expliquer aux représentants de la Commission le programme de la présidence britannique de l’UE, dans lequel “la Chine n’existe pas”. « Very clever and creative diplomacy, indeed ».
Quelques commissaires présents à la réunion qui ont de l’intérêt pour les pays d’Amérique Latine, y compris le président Barroso dont on sait qu’il est Portugais, n’ont pas apprécié sur le moment l’intervention de Mandelson. On leur expliquera, — l’ambassadeur britannique auprès de l’UE, par exemple, pourrait s’en charger.