Le protectionnisme, ce n’est pas si mal…

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Lorsqu’un républicain bon teint de tendance conservatrice bien respectable prend la plume pour vous démontrer que le protectionnisme, ce n’est pas si détestable qu’il paraît, et qu’il adresse ce message au candidat républicain John McCain, c’est qu’il y a anguille sous roche. L’auteur auquel nous nous référons, c’est Robert E. Lighthizer, avocat des questions de commerce, qui fut un des hauts fonctionnaires de l’administration du commerce du gouvernement Reagan et le trésorier de la campagne présidentielle du candidat républicain Bob Dole, en 1996. L’artIcle est du 6 mars dans l’International Herald Tribune, sous le titre bien aimable de «The venerable history of protectionism».

Lighthizer va chercher ses exemples dans l’histoire des USA, parmi les plus prestigieux, d’Alexander Hamilton à Lincoln, de Theodore Roosevelt à Ronald Reagan. Il montre à propos du protectionnisme que, loin de constituer un sacrilège pour les conservateurs, ce serait plutôt l’inverse qui pourrait être sollicité. Effectivement, les purs libre-échangistes, les libre-échangistes dogmatiques sont plutôt des adversaires des conservateurs. Lighthizer le conservateur fait un procès en règle des libre-échangistes, et un procès aux termes sévères mais bien choisis…

«Reagan's pragmatism contrasted strongly with the utopian dreams of free traders. Ever since Edmund Burke criticized the French philosophes, Anglo-American conservatism has rejected ivory-tower theories that disregard the realities of everyday life.

»Modern free traders, on the other hand, embrace their ideal with a passion that makes Robespierre seem prudent. They allow no room for practicality, nuance or flexibility. They embrace unbridled free trade, even as it helps China become a superpower.

»They see only bright lines, even when it means bowing to the whims of anti-American bureaucrats at the World Trade Organization. They oppose any trade limitations, even if we must depend on foreign countries to feed ourselves or equip our military.

»They see nothing but dogma – no matter how many jobs are lost, how high the trade deficit rises or how low the dollar falls.»

De là, une attaque précise et assez forte contre McCain, le candidat républicain, qui fait une surenchère de zèle libre-échangiste pour rallier à lui les conservateurs du partis, ceux qui ont bien du mal à le considérer comme leur candidat. Or, McCain se trompe, estime Lighthizer, et obtient l’inverse de ce qu’il cherche.

«McCain still faces a large challenge from his right in the fall, as many conservatives suspect he isn't really one of them.

»To prove his bona fides as a conservative, McCain and his defenders often cite his support for free trade. A writer in National Review, for example, suggested last year that conservatives should support Senator McCain because he is, in McCain's own estimation, the strongest free trader in the Senate since Phil Gramm (an adviser to McCain) left that body.

»McCain may be a conservative. But his unbridled free-trade policies don't help make that case.»

Cette approche n’est pas historiquement fausse, tant s’en faut, non plus qu’il soit historiquement faux que les libre-échangistes se recrutent aussi bien chez les “libéraux” qui ne sont pas nécessairement des conservateurs, tant s’en faut là aussi. Par conséquent, la critique contre McCain n’est pas, non plus, infondée. On pourrait même avancer qu’elle constitue un des plus gros problèmes du candidat républicain: il voudrait faire plus “républicain” (plus conservateur) et il va dans le sens du libre-échangiste, dont il s’avère qu’il n’est pas si républicain que cela, qu’il n’est même pas républicain du tout si l’on va aux démonstrations extrêmes.

Au fait, qui est encore libre-échangiste? Car les démocrates le sont fort peu, malgré les allusions de Lighthizer pour s’en démarquer. Puisque les démocrates ne le sont plus guère malgré leurs références historiques qu’on ignore en général, puisque les vrais conservateurs ne le sont pas tant que cela, malgré la politique qu’on prétend leur imposer, – qui est encore libre-échangiste?

Et si tout cela marquait, plus simplement, la crise de la globalisation, dont le libre-échange est le principal moteur? Alors, toutes les tendances politiques seraient ainsi réconciliés… McCain a intérêt à s’en apercevoir, fissa.


Mis en ligne le 7 mars 2008 à 14H13