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400Nous revenons sur le commentaire de Stephen Trimble concernant l’article de Peter Collins sur le Rafale (voir notre Bloc-Notes du 10 novembre 2009). Ce commentaire a généré un nombre vertigineux de commentaires, par rapport aux habitudes dans ce domaine du blog de Trimble (DEW Line) que nous suivons régulièrement, avec 81 commentaires le 13 novembre 2009 en fin de matinée. Le débat est houleux, avec des interventions exotiques, fantaisistes, furieuses, et un certain nombre beaucoup plus sérieuses, très argumentées et réellement significatives à cet égard. La question de la qualité du Rafale s’est rapidement enrichi d’une dimension supplémentaire, qui est intéressante, qui est simplement le procès du JSF. Le 81ème commentaire (ce 13 novembre 2009 à 10H48), réponse au 1er commentaire (“Salomon”) de la série, est particulièrement intéressant… Il nous dit beaucoup de choses de ce qu’il faut savoir, sans maquillage nécessaire, du Joint Strike Fighter.
«Solomon, the F-16 was designed as a pure dogfighter and wasn't even wanted by the USAF in the first place.. The little guys in charge (with plenty of stars on their shoulders) always wanted bigger and more powerful planes... like the F4 or the F15.
»You say that the F-35 was designed as internation project from the start... er, in fact, it was designed to drain international budget, but the US do what they want with it without much conideration for their, so-called, partners.
»it's the US who decided which JSF will be built, alone. It's the US that have decided to scrap the development of one of the two proposed engines (the one that UK would have partially built), alone. The source codes, key to all upgrades will be kept in the US, alone. that's not international in my book.
»The only thing that was international is the cost sharing.. or at least was intended to be, and that's why mosst "partners" pull out or try to minimize the cost they have to pay for waht will be, basically, a US plane, for the US services, and of which they'll get some dowgraded version (in all aspects) which they can't even be sure will outperform today's F-16s (not to speak about more modern designs like the Rafales or Typhoons).»
Ce qui apparaît remarquablement à cette occasion, c’est la facilité avec laquelle le Rafale est apprécié comme un concurrent du JSF – soit pour ne donner que peu de chances à l’avion français, soit au contraire pour lui en donner beaucoup. C’est une évolution particulièrement intéressante des mentalités, alors que, comme nous l’avons remarqué à plusieurs reprises et notamment dans notre premier commentaire sur cet article, le Rafale français a été simplement un nonaircraft, comme on est une nonperson, dans la presse anglo-saxonne pendant des années.
Nous considérons ce type de réactions (les commentaires), lorsqu’elles sont nombreuses, substantivées et exprimées sur un site connu pour son sérieux (Flight International, Trimble), comme particulièrement significatives. C’est le côté positif de cette pratique, notamment favorisé par l’anonymat qui a par ailleurs, dans le courant des réactions, nombre de côtés négatifs sinon détestables. Dans ce cas, elle permet à des personnes habituellement prudentes ou soumises à divers devoirs de réserve, mais fort compétentes dans le domaine, d’exprimer publiquement ce qui est officiellement dissimulé par le conformisme écrasant caractérisant notre temps. Or, cette affaire Rafale-JSF est importante, non seulement par les enjeux directs dans le domaine concerné, mais, bien plus hautement, par le déplacement de puissance et d’influence qu’elle suppose. (Ici, on le comprend évidemment, il s’agit du JSF et de la politique extérieure hégémonique américaniste qu’il représente, d’une part; et, d’autre part, du Rafale, moins spécifiquement comme avion français que comme produit d’une force perçue, quoi qu’on en veuille, quel que soit le Président en cours, quels que soient les sarcasmes de l’“écume des jours” répondant à cette sorte de remarques, comme une force de résistance au système de l’américanisme et à l’américanisation du monde.)
La première surprise de ces réactions est effectivement de constater la relativité de la position du JSF après des années d’absolutisme où il était impossible de concevoir qu’il ne put jamais exister un concurrent face à ce système puisque ce système était le représentant d’une force irrésistible et irrésistiblement amenée à modeler le monde à son image. Le constat, ou bien la confirmation par rapport à diverses remarques que nous avons faites ces derniers temps, est qu’en deux ans, l’image du JSF s’est effondrée, à l’image des géants de Wall Street et à peu près parallèlement à eux. La deuxième surprise de ces réactions est de constater avec quelle facilité les commentaires acceptent le fait de la position de concurrence du Rafale, avion qui, répétons-le, “n’existait pas” durant des années selon le conformisme général, ou qui était l’objet de sarcasmes systématiques, etc., tout cela à l’image de la France elle-même, surtout avec l’épisode irakien des années 2002-2003. Bien entendu, tout cela est facilité par les réalités techniques, catastrophiques pour le JSF, mais dont l’effet est démultiplié par la présentation virtualiste du JSF qui a précédé, ceci formant un contraste dévastateur avec cela, les ennuis techniques et de coût paraissant d’autant plus catastrophiques que l’avion semblait appartenir auparavant à un monde où de telles contingences techniques n’ont pas cours. Le point important est d’observer avec quelle facilité disparaît l’effet d’années de virtualisme du JSF, et de négationnisme à l’encontre du Rafale.
Le système général qui régit notre époque devenue une ère psychopolitique, fondé notamment sur les puissances conjuguées de la communication et du technologisme, réserve par la puissance de la communication et les habillages virtualistes du technologisme des voltefaces d’une saisissante rapidité. On peut dire que cette apparition dans les esprits de la possibilité d’une concurrence JSF-Rafale constitue la deuxième phase de la déconstruction de l’image du système JSF. La première eut lieu en mars-septembre 2008, avec les premières réactions publiques des maîtres d’œuvre du JSF (Lockheed Martin et le JSF Program Office du Pentagone) face à des attaques contre le système, et l’apparition d’un concurrent américaniste (le Boeing F/A-18E/F) contre le JSF, sur des marchés que ces mêmes “autorités” du JSF considéraient comme “captifs”. Bientôt, l’image du JSF coïncidera complètement avec la réalité du programme, ce qui nous vaudra bien des surprises. En attendant que le Rafale profite éventuellement de ces surprises, il faut constater qu’il joue pour l’instant un rôle d’outil utile dans la destruction d’un mythe américaniste de toute première importance.
Mis en ligne le 13 novembre 2009 à 14H28