Le regard de l’aigle

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Le regard de l’aigle

• Alexandre Douguine regarde l’avenir et s’abstient de philosopher pour accepter l’entrée dans l’inconnu, tout simplement. • Le regard de l’aigle sert à voir que tout de l'avenir échappe au regard de l'aigle.

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Encore et toujours Alexandre Douguine. Nous nous trouvons tellement en accord avec lui sur certains sujets fondamentaux où les spécificités terrestres comptent peu que tout se passe comme s’il n’était pas Russe et que nous étions à peine Français... En effet, que dire d’un Russe si russe et pourtant aussi peu arrogant, aussi peu chauvin, aussi peu “cocardier”, – puisqu’allant jusqu’à écrire, exactement, pour faire de la Russie un humble instrument d’une « main invisible » et rien d’autre, – bien sûr contre la modernité folle, contre les aveugles conduits par Satan :

« La Russie s'est soudain trouvée en guerre contre tout cela. Sans le vouloir, sans le comprendre, sans s'y préparer, sans le calculer. Une main invisible a mis la Russie dans la position où elle se trouve aujourd'hui. Et maintenant, contre toute attente, nous allons devoir, – institutionnellement ! – répondre à tous les défis de la civilisation de l'Antéchrist... »

Si nous n’avions pas eu notre dégénérescence, partant de la Révolution pour aboutir à Sarko-Hollande-Macron, – et Macron-II couronné cerise sur le gâteau, – nous-mêmes aurions pu dire cela de la France qui aurait rencontré une circonstance lui permettant, la forçant à “tenir son rang”. Cette “circonstance”, c’eût été une manifestation de ce constat que fait Douguine, qui devrait pénétrer tous les esprits “éveillés” (les vrais ‘Woke’, pas le ‘Woke’ en toc-factice que le simulacre-fou voudrait nous vendre à la lumière artificielle du ‘cauchemar climatisé’).

« La religion, la théologie et surtout l'eschatologie, qui semblaient avoir été bannies à la périphérie depuis longtemps, mais qui pénètrent à nouveau tout, jusqu'à la vie de tous les jours. »

En un texte nerveux, tranchant, inhabituellement court pour un philosophe mais désormais courant pour le philosophe transformé en combattant antimoderne et résistant, Douguine trace les grandes lignes de la catastrophe qui, depuis la Renaissance s’est développée, dissimulée et discrète d’abord, puis de plus en plus déchaînée jusqu’à l’incendie grondant d’aujourd’hui, qui a transformé  cette civilisation qui se jugeait grandiose en instrument sanglant de notre tuerie commune.

Il faut retenir ce passage, qui nous touche particulièrement, de cette manière symbolique qui va au cœur de la métahistoire, et sur lequel on reviendra avec un extrait d’un des nombreux ‘Grâce de l’Histoire’ de PhG. On y trouve justement cet argument qui nous semble symboliquement soutenir toute l’histoire de notre civilisation, et bien entendu, portes ouvertes sur sa chute après avoir franchi “les Colonnes d’Hercule”, – le Russe a particulièrement bien compris “notre” histoire :

« Quand les choses ont-elles mal tourné ? L'ère des explorations. En dépassant la frontière interdite des colonnes d'Hercule, l'Europe occidentale a commis un acte de transgression irréversible. C'était fatal. La place de l'Atlantide est au fond.

» La seule explication généralisable qui couvrirait d'un seul coup tout le territoire des problèmes insolubles est la conclusion qu'il y a cinq cents ans, l'Europe occidentale a commencé à devenir systématiquement folle. Elle est devenue folle, elle a commencé à devenir folle, elle deviendra complètement folle à un moment ou à un autre. »

Que nous annonce Douguine, lui si disert en général sur les théories, sur les constructions géopolitiques et métaphysiques ? Justement, il fait montre d’une sagesse exemplaire que nous classerions aisément dans l’inconnaissance, elle justement (bis) qui prit son essor à la Renaissance, lorsque la connaissance scientifique moderniste, née de la raison-invertie qui venait d’envahir nos esprits, commença à nous investir, et donc à justifier ce caractère décisivement sacré de l’inconnaissance. Par conséquent, Alexander Douguine ne nous dit rien de ce qui nous attend sinon la nécessité où nous nous trouvons de “nous attendre à...”

« Surtout, l'homme cache ses péchés. C'est ce qui intéresse Big Brother. Il les enregistre et les laisse entrer quand c'est nécessaire. La techno-dépendance est l'outil le plus parfait du diable et de sa civilisation. Et nous nous réjouissons de la numérisation - nous aidons le diable à se gouverner lui-même. Mais que sont les océans de péché sinon un champ de folie ?

» Le cycle est presque achevé. Seul notre ‘Opération Militaire Spéciale’, désespérée, s'y oppose. Comment voulez-vous l'interpréter ? »

La simplicité même, qui nous ouvre les portes sur un avenir impossible à distinguer ni même à deviner. Mais une simplicité sans prétention, d’une netteté à couper le souffle, qui nous fait mesurer l’extraordinaire puissance de l’instant métahistorique que nous vivons.

(Le texte de Douguine est sur ‘geopolitika.ru’, et en traduction française sur ‘Euro-synergies.hautefort.com’.)

dde.org

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Construire l'ère nouvelle

Aujourd'hui, plusieurs plans qui, jusqu'à récemment, étaient indépendants, se rejoignent :

• La religion, la théologie et surtout l'eschatologie, qui semblaient avoir été bannies à la périphérie depuis longtemps, mais qui pénètrent à nouveau tout, jusqu'à la vie de tous les jours.

• La géopolitique, où se jouent des types d'ordre mondial fondamentalement incomparables.

• Les idéologies politiques qui se ré-agencent et donnent naissance à des hybrides interdits (le nazisme-libéralisme, par exemple).

• Les processus philosophiques, où le déclin extrême contraste avec la finalisation d'intuitions absolues.

• Le déglaçage des cultures qui se figent dans une extrême vélocité et se fondent dans l'immuabilité.

Toutes les strates se croisent de manière exotique et excentrique, formant des nœuds sémantiques dont le nombre de dimensions est difficile à définir. Tout cela s'effondre dans la guerre et la bacchanale de la technologie, bien que la guerre elle-même soit une métaphysique profonde qui exige une nouvelle pensée, et que la technologie soit un phénomène non moins métaphysique. Tout cela est extrêmement intense et en aucun cas superficiel, non linéaire et à la limite du chaos et de la complexité. Les méthodes conventionnelles ne suffisent pas à démêler un tel enchevêtrement sémantique.

De plus, le conventionnel est aujourd'hui miné par une suspicion systématique. Toute tentative de construction d'un modèle bute sur des sous-entendus accumulés ou de simples erreurs du passé. Dès lors que l'on remet en cause une théorie naïve (voire carrément fausse) du progrès, on perd confiance dans ce qui est venu après par rapport à ce qui est venu avant. Si une erreur s'est glissée au début, un monstre naîtra à la fin.

Quand les choses ont-elles mal tourné ? L'ère des explorations. En dépassant la frontière interdite des colonnes d'Hercule, l'Europe occidentale a commis un acte de transgression irréversible. C'était fatal. La place de l'Atlantide est au fond.

La seule explication généralisable qui couvrirait d'un seul coup tout le territoire des problèmes insolubles est la conclusion qu'il y a cinq cents ans, l'Europe occidentale a commencé à devenir systématiquement folle. Elle est devenue folle, elle a commencé à devenir folle, elle deviendra complètement folle à un moment ou à un autre. Cinq anomalies ont convergé de cette manière.

• L'athéisme et le matérialisme de l'image scientifique du monde, basés sur le nominalisme et l'idéologie protestante pathologique. Déjà à l'époque, on pouvait conclure que l'Occident entrait dans le régime de l'Antéchrist et que tout ce qui était occidental et moderne en était irrémédiablement marqué.

• Le faux empire britannique est le début d'un atlantisme hypertrophié. Les Anglo-Saxons incarnent le Léviathan biblique. Dès le 20ème siècle, le relais a été pris par les États-Unis, mais la domination de la civilisation de la mer est d'origine et d'essence anglaises.

• Le Moyen Âge et son idéologie indo-européenne trifonctionnelle, le catholicisme et l'Empire ont été rejetés et ridiculisés, au profit d'un capitalisme complètement pathologique à tous égards. Sur le plan idéologique, il s'est ensuite transformé en libéralisme (la principale forme de dégénérescence mentale), en nationalisme et en une version renversée qui reconnaît les attitudes de base - le socialisme. Tout mouvement idéologique dans le système du capitalisme est voué au mimétisme et à l'effondrement. Le capitalisme est absolument totalitaire. Comme l'a montré Deleuze, le capitalisme culmine dans la schizophrénie.

• La philosophie du New Age s'est divisée (sans crier gare) en une continuation excentrique de la tradition classique et en perversions destructrices solidaires du matérialisme et de l'externalisme de la science. Il en est résulté une confusion systématique, un glissement sémantique des interprétations. La pensée se débattait comme une biche, passant parfois à travers les mailles du filet. Mais personne ne savait vraiment où était la percée et où était l'agonie, et souvent tout semblait strictement à l'envers.

• La culture a commencé à passer à la civilisation (selon Spengler), se refroidissant, mais non sans excès - de temps en temps, un génie imprévisible voyait l'essence de l'obscurité épaissie et la pénétrait avec une aiguille brillante. Dans l'ensemble, la culture glissait délibérément vers l'enfer.

La Russie s'est soudain trouvée en guerre contre tout cela. Sans le vouloir, sans le comprendre, sans s'y préparer, sans le calculer. Une main invisible a mis la Russie dans la position où elle se trouve aujourd'hui. Et maintenant, contre toute attente, nous allons devoir - institutionnellement ! - répondre à tous les défis de la civilisation de l'Antéchrist.

Y compris le défi de la technologie. Tous les appareils électroniques dont l'Occident a équipé l'humanité se sont révélés être un piège : grâce à eux, un inconnu recueille des informations sur tout le monde afin de régner sans discernement.

Surtout, l'homme cache ses péchés. C'est ce qui intéresse Big Brother. Il les enregistre et les laisse entrer quand c'est nécessaire. La techno-dépendance est l'outil le plus parfait du diable et de sa civilisation. Et nous nous réjouissons de la numérisation - nous aidons le diable à se gouverner lui-même. Mais que sont les océans de péché sinon un champ de folie ?

Le cycle est presque achevé. Seul notre "Opération militaire spéciale", désespérée, s'y oppose. Comment voulez-vous l'interpréter ?

Alexandre Douguine