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A Moscou se tient (hier et aujourd’hui) la grande conférence sur la question des antimissiles (BMD et BMDE) réunissant des délégations de très nombreux pays, telle qu’elle avait été lancée par les Russes (le ministère russe de la défense), et annoncée au début avril (voir le
Nous reviendrons très vite sur ce sujet général de la conférence, lorsque celle-ci sera terminée, que toutes les déclarations et les principaux commentaires immédiats seront disponibles. Pour l’instant, nous nous arrêtons à deux courtes nouvelles données par les Russes, qui ont une dimension très intéressantes.
• Le même 3 mai 2012, Novosti relaie une déclaration de Sergueï Kochelev, chef de la Direction principale du ministère russe de la défense, en charge de la coopération militaire internationale. Cette déclaration concerne la vulnérabilité de la Chine aux antimissiles, dans l’équation de la dissuasion. On savait les Chinois vulnérables aux antimissiles, mais l’intérêt ici est d’entendre la chose affirmée et détaillée par un Russe, qui plus est chargé de la coopération internationale au ministère russe de la défense.
«“La capacité nucléaire chinoise sera rendue inefficace bien avant le potentiel nucléaire russe. Les possibilités de la Chine sont beaucoup moins importantes”, a déclaré M. Kochelev, lors de la conférence sur la défense antimissile à Moscou, précisant qu'il parlait du nombre de missiles et d'ogives en service dans l'armée chinoise. Pékin est pleinement conscient de ce facteur, estime le responsable du ministère de la Défense. “Or, les Chinois appliquent visiblement une autre stratégie de sécurité nationale et sont les seuls à pouvoir la commenter”, a-t-il indiqué. […] L'expert a dans le même temps souligné que le facteur chinois jouait un rôle important dans la mise en place du système de défense antimissile en Europe.»
• Une autre intervention, en marge de la même conférence (devant des journalistes), celle du vice-ministre russe de la défense Anatoli Antonov. Il s’agit de précisions, voire de l’annonce puisqu’il ne semble pas que la chose ait été beaucoup documentée, de consultations qu’on peut qualifier d’“intensives” du RIC sur les matières de sécurité, y compris, et essentiellement pour le propos général comme on le comprend, sur les antimissiles du bloc BAO… Le RIC, on le sait, est le “bloc” Russie-Inde-Chine, sorte de “noyau dur” du BRICS, dont on découvre
«La Russie mène un dialogue intense avec la Chine et l'Inde sur les problèmes de sécurité, mais il est encore prématuré de parler d'ententes concrètes en matière de défense antimissile, a annoncé jeudi aux journalistes à Moscou le vice-ministre russe de la Défense, Anatoli Antonov. “A ce jour, on peut parler d'un dialogue intense sur tous les problèmes de sécurité avec la Chine avec laquelle la Russie entretient un partenariat stratégique, ainsi qu'avec l'Inde. Il serait toutefois prématuré de parler d'ententes concrètes quelconques”, a déclaré le général à l'issue de la conférence sur la défense antimissile dans la capitale russe. Et d'ajouter que la Russie suivait très attentivement l'évolution de la situation en Asie-Pacifique, y compris à la lumière des projets américains de mise en place d'un système global de défense antimissile.»
Cette nouvelle, car c’en est une dans le contexte de la conférence de Moscou, est d’une extrême importance. La rassemblement, dans tous les cas la perpective dans sa phase préparatoire du rassemblement des trois pays de l’importance de la Russie, de l’Inde et de la Chine, dans ce qui paraît être une négociation sur une question comme celle des antimissiles, implique une prise de conscience de ces trois pays du danger commun du programme antimissiles, perçu comme un perturbateur fondamental des capacités dissuasives des forces nucléaires. Il s’agit d’une démarche dont la finalité (un éventuel accord de coopération face au perturbateur) est fondatrice d’une alliance de sécurité de facto puisque l’objet de cette démarche est à peu près ce qu’il y a de plus haut et de plus fondamental dans ce domaine de la sécurité. On mesure aisément les implications révolutionnaires, les logiques déstabilisantes pour l’ordre auquel est habitué le bloc BAO, les entraînements pour d’autres solidarités, qui sont ainsi animés. Envisager d’y trouver l’Inde, ainsi liée à son ennemi irréductible (selon le catéchisme géopolitique) qu’est la Chine, ainsi dans la voie de sortir de son attitude prudente et retenue vis-à-vis des USA, est sans aucun doute le facteur le plus remarquable et le plus important.
Par ailleurs, cette démarche est techniquement évidente pour ces trois pays, qui devaient être inéluctablement conduits à comprendre parfaitement combien le réseau antimissiles menacent leurs capacités de dissuasion nucléaire : ce qui est une grande nouvelle et une surprise politique est une évidence technique et stratégique... L’Inde et la Chine ont évidemment intérêt à se rapprocher de la Russie, dont les capacités pour trouver des instruments ou des systèmes pour mettre en échec la pression des antimissiles sont considérable ; la Russie a intérêt à entraîner avec elle ces deux puissances, mesurant le renforcement politique que cela donne à sa position générale. Du côté du bloc BAO, et surtout des USA, la réaction devant cette évocation, lorsque les esprits habituellement fermés à la vérité du reste du monde auront commencé à comprendre la situation, sera nécessairement celle d’une alarme, voire d’une panique intenses. A cela s’ajoute l’ironie de la coopération nucléaire US avec l’Inde, dont les dirigeants américanistes ont toujours affirmé avec certitude qu’elle faisait de l’Inde un partenaire obligé et obligeamment soumis, sinon reconnaissant, des USA.
Si l’on ajoute à ces diverses considérations la perspective de la poursuite des pressions US et du développement du système antimissile, – lequel dépend de l’entraînement de la dynamique-Système de la bureaucratie du Pentagone et du complexe militaro-industriel, et non de décisions politiques, – tout indique qu’un accord au sein du RIC est l’issue probable. Sans doute les Russes vont-ils vouloir attendre de voir de quel bois se chauffe l’Obama-II qui émergera des élections de novembre, ou dans tous les cas celui que Poutine rencontrera ce mois-ci. L’issue est garantie : Obama promettra et ne tiendra pas, parce que la chose ne dépend pas de lui, parce qu’il y a un Système qui poursuit son propre but, son propre “agenda”. Encore envisage-t-on l’hypothèse la plus “optimiste”, où les élections présidentielles US se passeraient sans surprise et sans trouble, ce qui est loin d’être acquis… Restera ceci : jusqu’au bout, c’est le Système qui conduira la dynamique des antimissiles, quitte aux sapiens US de service et commis à son usage, de trouver des explications acceptables pour les alliés et pour les Russes. Cette évidence devrait, a contrario, constituer un argument de poids pour l’alliance envisagée, et une alliance proclamée, car les trois pays ont intérêt à se renforcer mutuellement pour présenter à la logique-Système qui se trouve derrière les antimissiles l’obstacle le plus coriace et le plus impressionnant pour espérer susciter une baisse du rythme du développement.
…Maintenant qu’elle est lancée, la négociation au sein du RIC nous paraît donc devoir suivre une courbe inéluctable, qui est celle de l’accord. Grand évènement politique et stratégique ; on aura ainsi un autre fleuron à mettre à l'actif de l’entreprise de déstabilisation en faveur du dispositif général antiSystème que poursuit le développement aveugle du réseau antimissiles US (BMD et BMDE), par les bons soins du Système.
Mis en ligne le 4 mai 2012 à 11H44
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