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395413 décembre 2019 – J’ai certainement déjà rapporté cette observation que me fit Régis Debray il y a une vingtaine d’années, lorsque nous eûmes quelques rencontres à l’occasion de mes visites à Paris. C’était vers la fin du siècle d’avant, lorsque j’allais encore à Paris, mais de plus en plus épisodiquement. Debray laissa tomber cette remarque étonnée et presque scandalisée : « Mais qu’est-ce que tu fous à Fléron ? » Je crois bien qu’il cita le nom de cette bourgade improbable, d’une effroyable modernité-tardive, laide à faire peur et abîmée comme un vieux crouton de ciment trafiqué, qui s’annonce sur ses panneaux d’entrée, telle quelle, comme Versailles qui vous annonce son château : “Fléron, ses parkings, ses centres commerciaux”, – heureusement, je n’y habite qu’administrativement et me trouve dans une sorte de cul-de-sac terminé par une forêt qui a son charme solitaire, descendant vers la vallée de la Vesdre et Chaudfontaine.
Je veux dire par là qu’en termes flatteurs, l’intellectuel parisien se scandalisait qu’un personnage de ma série, ou plutôt hors de la série, ne fût pas à Paris, là où les choses se passent et les séries se font. Je n’ai plus été à Paris depuis 2008, – Dieu, que j’aimais cette ville, pourtant ! Je me suis définitivement enfermé dans mon poste d’observation, séparé du reste du monde, d’une époque qui m’épouvante et me terrifie, mais dont j’ai le devoir de continuer à l’observer (l’internet de l’effet-Janus) pour tenter de mieux comprendre ce phénomène monstrueux qui endeuille l’histoire du monde ; cette formidable secousse métahistorique que nous subissons, qui a fait pleurer les dieux avant de les mettre dans une colère titanesque dont nous ressentons désormais, et fort bien bienheureusement, les effets si déstabilisants pour nos très-nombreuses certitudes et assurances de nous-mêmes.
Mon enfermement explique pour mon compte cette absence complète de sociabilité et de rapports avec la machinerie culturelle dont nous dépendons. Je suis un solitaire et par conséquent je vis dans une sorte d’isolement angoissé dont je suis moi-même et moi seul la cause. Certains s’étonneront de cet aveu mais qu’ils ne s’inquiètent pas : ils n’y sont pour rien et je leur garde, c’est selon, toute mon estime, toute mon amitié, voire parfois ma tendresse et mon amour...
(Je parle de cette solitude et de cet isolement, certes exacerbés dans mon cas, qui sont la rançon de l’humaine condition créatrice de la modernité, qui prétend vouloir et pouvoir tout savoir et même faire la leçon aux dieux, qui n’est malheureusement que ce qu’elle est devenue et rien d’autre ; cette humaine condition est devenue son propre Frankenstein.)
Cette monstrueuse machine techno-culturelle qui nous oppresse a au moins ce bon côté qu’elle donne aux ermites dont on a compris que je fais partie les moyens automatiques de lancer leurs cris et d’ainsi pouvoir espérer, avec parfois quelques effets, de se faire entendre. Ainsi décidai-je notamment de m’autopublier (je parle de livres) par le biais du monstre que l’on sait, que j’ai déjà identifié : le « monstrueux Orque (celui de Tolkien) nommé ‘Amazon’, dont vous savez ce que je pense de lui mais dont il me plaît de savoir qu’“il” a fait imprimer ce qu’“il” détesterait sans aucun doute par-dessus tout s’“il” en avait connaissance. »
(Il n’y a pas grand’chose à faire, c’est ça l’avantage avec l’Orque en question. Quelques “clics”, voire “clics-clacs”, et tout s’enchaîne jusqu’à l’expédition postale. Je m’en lave ces mains que ne me suis mêmes pas salies.)
Lorsque je pris cette décision, il y a de cela trois ou quatre ans, j’étais sûr de mon coup. Le site dedefensa.org marchait assez bien, il avait ses lecteurs, et il marche toujours assez bien, et toujours avec ses lecteurs. Je ne doutais pas que ce site constituerait une “plateforme” comme l’on dit, pour diffuser mes livres. Je ne cherchais ni fortune ni gloire : les livres sont vendus au prix minimal qui ne me rapportent quasiment rien, quant à la gloire elle m’indiffère superbement quand j’en vois les débris sur les plateaux TV et les ventes du bouquin de Sarkozy. Le résultat de cette blitzkrieg quasi-napoléonienne et littéraire m’a stupéfié. J’avais inventé quasiment le néant en fait de réussite dans mon intention de faire diffusion de mes livres. Le résultat était et reste si parfait dans l’échec que je ne parvins pas, et ne parviens toujours pas à désespérer.
Peut-être, je l’avoue, il me prend parfois une sorte de lassitude, de fatigue, vous voyez dans le genre “Grosse-Fatigue” (j’ai plus d’une fois employé l’expression pour titre). Je me demande pourquoi les gens qui lisent dedefensa.org n’ont aucun curiosité pour ces livres ; mais sait-on jamais si l’on lit vraiment ? Passons outre, comme disait Jeanne, – mais cette magnifique jeune fille a fini sur un bûcher, témoignant avec la béatitude du martyr de la constance de l’insoluble cruauté de ce monde.
Depuis que j’ai lancé le Tome-III/1, ce début de livre qui me terrorisait tant que j’ai reculé dix fois le moment de publier, et dont je pensais que cet étrange aveu de l’auteur éveillerait la curiosité de certains jusqu’à en faire des lecteurs par inadvertance, les “ventes” se comptent avec le plein emploi des doigts des deux mains ; pas plus, c’est juré. Je salue les happy très-très-few qui ont acheté ce livre, – l’un m’a écrit dans des termes qui ont rempli de bonheur le livre lui-même et m’ont sorti d’un moment où je m’étais convaincu presque sereinement d’abandonner. Je pourrais ajouter avec une ironie grinçante, en me caricaturant moi-même, que je salue cette défaite extraordinaire du Règne de la Quantité...
Il n’empêche, il y a l’obligation qui m’est faite de faire honneur à ce livre si terrible, et pour me donner l’ardeur de poursuivre, d’insister pour qu’on s’y intéresse jusqu’à l’acquérir car il est tout de même fait (et avec quel travail, croyez-moi) pour être lu, investigué, percé à jour en triomphant de ce qui paraît dans certaines pages de l’hermétisme, – ou les divagations d’un fou, c’est selon. Dans les deux cas, il est intéressant d’explorer la chose.
D’où ma suggestion dans cette action de marketing comme ils disent, où j’excelle au-delà de tout, qu’il faut acquérir le Tome III/1 de La Grâce (et les précédents, Tome-I et Tome-II, si cela va avec). Vous verrez, il est comme un OVNI qui risque le tout pour le tout.
... Et pendant que j’y suis, ne laissez pas les autres moisir, par exemple Les Âmes de Verdun, un de ceux qui me tient le plus à cœur, ou bien Frédéric Nietzsche au Kosovo, curieuse aventure qui mélange les genres et les époques, ou bien encore Chroniques du 19 courant...
Voilà, il ne sera pas dit que, par respect pour ces ouvrages qui m’ont confié qu’ils méritent quelque considération, ou disons la simple curiosité, je n’aurais pas essayé de vous y intéresser.
Euh, comme termine-t-on un tel argumentaire si improbable ? Soyons audacieux : “bonne lecture”...
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