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1135A la fin des années 1940 et au début des années 1950, sous la pression du mouvement d’influence et de pression idéologiques qu’on connaîtrait plus tard sous le nom de “maccarthysme” (lorsque le sénateur du Wisconsin serait devenu célèbre, au sein de sa commission sénatoriale à partir de 1950), l’administration Truman avait établi une procédure d'engagement sous serment des fonctionnaires des départements sensibles, notamment le département d’Etat. Il s’agissait de la vague bien connue d’anticommunisme aux USA, et la procédure portait sur cette question. Ce mouvement de censure et de contrôle des autorités sur les fonctionnaires du système est resté comme un stéréotype des situations intérieures d’exception aux USA.
Nous n’avons pas l’intention de comparer cette situation du maccarthysme avec la situation actuelle au Pentagone, celle dans le cadre de laquelle s’inscrit la décision extraordinaire prise par le secrétaire à la défense Robert Gates mais, justement, de mettre en évidence par analogie ce caractère extraordinaire. Gates exige des principaux participants au processus de finalisation du budget de la défense, décidant notamment les réductions de programme à effectuer, de signer un engagement écrit de ne rien divulguer des délibérations et décisions. C’est une décision absolument sans précédent pour une matière n’ayant pas directement d’implications de sécurité nationale, même si le domaine est effectivement de l’ordre de la sécurité nationale.
L’agence AFP, relayée par Yahoo ce 25 février, rapporte les détails de l’initiative de Gates, tels qu’ils ont été donnés par le porte-parole du Pentagone, par conséquent d’une façon très officielle et solennelle.
«Senior Pentagon officials have had to promise they will keep the details of the US military budget secret as the Defense Department prepares to make tough cuts on weapons programs, a spokesman said on Wednesday.
»In an unprecedented move, Defense Secretary Robert Gates asked top military officers and civilian officials to sign non-disclosure forms in which they agree not to reveal deliberations about the politically charged budget. “Everybody who's participating in this process – these are the highest ranking people in this department ... were asked to sign an agreement in which they would agree not to speak to any of the matters that they are working on as part of this budget process,” press secretary Geoff Morrell told a news conference. “This is highly sensitive stuff involving programs costing tens of billions of dollars, employing hundreds of thousands of people and – and go to the heart of national security,” he said.
»Members of the Joint Chiefs of Staff were among those required to sign, and Gates himself signed the form, Morrell said “This is to reinforce the message that indeed this is classified material. These are highly secret discussions. And we should remember that, be mindful of it, and honor it,” Morrell said. [...]
»The non-disclosure forms may carry less legal weight than the strict security clearances already governing top officials and officers. But the defense secretary's step may have been designed more as a symbolic message to curb leaks about sensitive budget negotiations, analysts said. Gates is “trying to invoke personal loyalty,” said Michael O'Hanlon at the Brookings Institution, a Washington think tank.»
Le caractère également exceptionnel de la procédure est qu’elle n’est pas explicitement dirigée contre des fuites vers la presse, comme c’est l’habitude dans cette sorte de circonstances, mais contre des fuites vers l’industrie et vers le Congrès, celles-ci en fonction des intérêts engagés autour de grands programmes de défense qui seraient réduits ou abandonnés. C’est le premier signe concret, effectivement sans équivalent dans l’histoire du Pentagone, qui indique qu’il va y avoir effectivement des réductions de programmes. La décision reflète bien l’état d’esprit qui entoure désormais la situation au Pentagone.
• D’abord, il s’agit d’une confirmation sérieuse que les mesures envisagées le sont dans un état d’esprit nettement réformiste, c’est-à-dire impliquant des décisions majeures (dans le sens de la réduction, bien entendu) répondant à un changement également majeur d'orientation. Cette confirmation l’est aussi pour les différentes déclarations de Gates annonçant qu’il allait y avoir de sérieuses réductions dans les grands programmes. Des indications font penser que Gates a agi en l’occurrence en coordination avec le clan “réformateur” au Congrès, regroupé autour des sénateur Levin et McCain, qui viennent de proposer une loi imposant des mesures nouvelles de contrôle de gestion des programmes de la défense.
• D’autre part, on doit mettre l’accent sur l’atmosphère “de guerre” qui entoure ce mouvement officiel. Les dirigeants du Pentagone et dans d’autres organismes impliqués, qui sont engagés dans ce mouvement de réforme, et Gates en premier bien entendu, le perçoivent comme une véritable campagne de guerre, où des oppositions farouches vont être rencontrées comme c’est le cas dans un conflit. C’est une étrange confirmation du renversement du centre d’intérêt et d’action du gouvernement washingtonien, vers les matières intérieures. Aujourd’hui, au Pentagone, l’intérêt est beaucoup moins concentré sur les matières extérieures (“guerre contre la terreur” et le reste) que sur les questions intérieures essentielles de la gestion du monstre bureaucratique, en relation avec la crise économique et la crise systémique générale. La “guerre” est plus au Pentagone, dans les arcanes de la bureaucratie, qu'en Afghanistan. Après tout, cela correspond à ce que pensait Donald Rumsfeld le 10 septembre 2001, au contraire de ce qu'il fit à partir du lendemain.
Mis en ligne le 26 février 2009 à 09H53