Le Soleil Levant continue à se durcir

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L’évolution japonaise dans un sens d’une nette prise de distance des USA continue malgré certaines affirmations contraires des milieux de sécurité nationale des USA (Pentagone). Deux nouvelles illustrent cette évolution.

• La commission officielle sur la réforme de la base technologique de la production d’avions de combat vient de publier les conclusions d’une étude sur la situation de la base technologique militaire du Japon. AviationWeek.com en fait un rapport ce 8 janvier 2010. De nombreuses considérations techniques sont développées, à la fois vis-à-vis d’achats extérieurs et vis-à-vis de la production d’avions japonais, ou de relance de la production d’avions japonais tel que le F-2, qui était une extrapolation du F-16 développée dans les années 1990. Ces détails sont d’une importance générale assez mince mais ils mettent en évidence la crise de la base technologique japonaise et l’incitation de la commission à remédier à cet état de fait. La conclusion qui nous intéresse concerne le JSF, dont le Pentagone estimait que le Japon allait certainement être un acheteur, et elle est négative parce que l’achat du JSF implique une très faible possibilité de transfert de technologies ou de production avancée – à part de vagues espoirs pour plus tard, sans réelles perspectives… «The implication of these figures is that to maintain the industrial base, Japanese engineers need development work. The Lockheed Martin F-35, a leading contender for the F-X requirement, is unlikely to yield much — or at least not until improved versions can be considered many years from now.»

• Un long article de Time Magazine, du 10 janvier 2010, donne les dernières précisions sur l’annonce déjà faite de la diffusion et de la présentation publique de l’accord secret USA-Japon autorisant des armes nucléaires US à transiter et à stationner sur le sol japonais. L’existence de cet accord était “connue” mais elle avait toujours été officiellement niée par les précédents gouvernements japonais, ce qui placerait certains ministres, à la lumière de cette publication officielle, sous la menace possible de poursuites judiciaires en raison d’affirmations officiellement mensongères, y compris devant le Parlement. Le document doit être publié ce mois-ci et, estime Time Magazine, doit porter un nouveau coup aux relations désormais tendues entre les USA et le Japon.

«To the government's critics, it was a long and shocking act of official stonewalling: Agreements long hidden in Foreign Ministry files allowed nuclear-armed U.S. warships to enter Japanese ports, violating a hallowed principle of postwar Japan. Yet their very existence was officially denied. Now, in a clear break from the past, a new prime minister has gone where none of his predecessors dared go: He has ordered a panel of ministry officials and academics to investigate the secret agreements.

»The findings, due out this month, are part of Prime Minister Yukio Hatoyama's wide-ranging campaign to wrest power from the bureaucracy and make government more open than under the conservatives, who ruled Japan for most of the past 50 years. They also could intensify public debate about the future of Japan's long-standing security alliance with the U.S., which has bases here. Hatoyama, a liberal who took office in September, has called for making the relationship more balanced, starting with efforts to evict an unpopular U.S. base from the island of Okinawa….»

Notre commentaire

@PAYANT Dans les deux cas, les services d’évaluation du Pentagone ont été complètement pris à contrepied. Après l’intervention (suscitée par le Pentagone) d’Hillary Clinton de décembre 2009, très violente, vis-à-vis de l’ambassadeur du Japon, le Pentagone estimait que les Japonais avaient compris l’intégralité du message. Il s’agissait non seulement de la question des bases mais aussi des dossiers militaires en cours, sur lesquels le Pentagone attendait un alignement immédiat du Japon. Cela impliquait notamment les deux domaines concernés par les deux nouvelles: un accord de principe pour l’achat du JSF, qui a bien besoin d’encouragements extérieurs, et l’étouffement des projets jugés “très déstabilisants” au Pentagone de publication de l’accord secret USA-Japon. Rien de tout cela n’est tenu. Les experts du Pentagone sont même pris de vitesse, notamment par la publication annoncée du texte de l’accord secret, s’il se fait ce mois-ci, et ils craignent des manifestations anti-US qui amèneraient un durcissement supplémentaire du gouvernement japonais. Cela pourrait conduire le gouvernement japonais à rejeter définitivement, en mai prochain, la combinaison mise au point par le Pentagone pour la base du Corps des Marines à Okinawa.

Depuis septembre 2009 et la visite de Gates à Tokyo, le Pentagone exerce un maximum de pression sur le Japon, allant jusqu’à des “menaces” de retrait de certaines unités aériennes du Japon. Très curieusement, les experts du Pentagone ne semblent pas songer que de telles “menaces” pourraient faire le jeu de l’aile extrême de la coalition au pouvoir et conduire le Premier ministre Hatoyama à lui-même durcir sa position en prenant acte de ce retrait et en considérant qu’il introduit des conditions devant mener à une révision, à l’avantage du Japon, des relations contractuelles entre le Japon et les USA dans le domaine militaire. Qu’importe, la bureaucratie du Pentagone est complètement figée dans son refus de la moindre concession, elle considère que la seule façon de traiter le Japon actuellement est celle de la pression et de la menace. Les seuls milieux militaires US à s’inquiéter sont ceux du commandement du Pacifique, notamment l’U.S. Navy, qui craint qu’à ce jeu la marine risque de voir mettre en péril des points d’appui essentiels pour elle au Japon. Mais ces milieux ont peu de poids par rapport à la bureaucratie de Washington qui estime que rien de sérieux n’existe ni ne peut se concevoir hors des cinq immenses façades du Pentagone.

Dans ces conditions, tout incline à penser que la détérioration des relations entre les USA et le Japon va se poursuivre, même si le Premier ministre Hatoyama préférerait éviter une telle évolution. La politique de la bureaucratie du Pentagone reste rigidement tournée vers une seule formule: le durcissement continuel, sans aucune concessions, sans aucun aménagement, selon la conception que le Japon est un espace qui “appartient” à l’espace administré par le Pentagone. L’idée même d’une souveraineté nationale japonaise est complètement étrangère au Pentagone, dans le sens de strictement “impensable”. Pour l’instant, rien ne montre que l’administration Obama ne songe à dégager les relations avec le Japon de ce cadre rigide des conceptions du Pentagone. Il est possible qu'une détérioration brutalement plus visible des relations entre les deux pays finisse par provoquer une réaction dans ce sens à Washington, mais on assisterait alors à une bataille interne très violente; en effet, l'action de la bureaucratie du Pentagone n'ayant jusqu'ici, depuis l'arrivée d'Hatomaya, suscité aucune réserve ferme et circonstanciée de la part d'un autre département ou du président lui-même, cette bureaucratie estime de plus en plus légitime sa prépondérance dans ce domaine.


Mis en ligne le 12 janvier 2010 à 16H09