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617Il fut un temps, – durant la Grande Dépression, pour les malheureux fermiers victimes de la sécheresse du Great Dust Bowl, – où la Californie était la seule chose intacte qui restât de l’American Dream. (Voir Les raisins de la colère, de Steinbeck, puis de John Ford au cinéma.) Il fut un temps, dans les années 1960, où les “Mammas and Pappas” chantaient Californian Dreaming, puisqu’il s’agissait du point géographique et mythique de rassemblement de la jeunesse de la contestation, dont l’Amérique espérait sa régénération. La Californie était l’espace du mythe du cinématographe (Hollywood) et du mythe de l’aéronautique (installation de l’industrie aéronautique US naissante en Californie du Sud dans les années trente, installant les racines du complexe militaro-industriel); c’était aussi l’espace où l’écrivain Sinclair Lewis avait lancé, en 1934, une étonnante tentative pour se faire élire comme le premier gouverneur de tendance socialiste-populiste à la tête d'un grand Etat US, la Californie. Les cogneurs payés par Hollywood s’y entendirent pour casser sa campagne, qui avait démarré sur une victoire presque acquise.
Tout cela est effacé, oublié, devant l’effondrement de la chose. La Californie est une “République” en état de faillite et de cessation de paiement. Elle, dont la tradition est d’être “l’Amérique de l’Amérique”, d’accueillir tous les migrants et tous les malheureux en mal de fortune, elle est devenue ce paradis déchu d’où l’on fuit à toutes jambes: «According to California’s Department of Finance, some 135,000 residents left the state last year, compared with a net inflow of 150,000 residents in 2000.»
Cette remarque du Times de Londres de ce matin accompagne les commentaires sur des décisions douloureuses probables du gouverneur de Californie. L’acteur Arnold Schwarzenegger est devenu chez les critiques persifleurs et de mauvais esprit le symbole de son Etat (de sa “République”), – l’énorme musculature-“gonflette” transformée en acteur-Terminator, depuis cela épaissie, largement gagnée par la graisse et ainsi de suite, – le gouverneur Schwarzenegger, qui se préparait hier à ordonner le licenciement de 20.000 fonctionnaires de l’Etat, un cinquième de la “fonction publique” d'un gouvernement en faillite. Voici quelques indications sur cette crise et sur ces prolongements. (N.B.: “IOU” pour “I Owe You”, ou reconnaissance de dette.)
«The state of California was yesterday set to fire 20,000 public employees as it teetered on the brink of a total financial collapse. The crisis in the Golden State, home to 37 million people and a $1.8 trillion economy, is now so intense that anyone who overpaid their 2008 taxes will receive an IOU instead of a refund cheque.
»Meanwhile, all public works projects are being cancelled, schools are facing closure, the Department of Motor Vehicles has shuttered many of its offices and the state’s bonds are almost unsaleable on Wall Street, which has in turn pushed up the cost of borrowing, forcing the state into the kind of death-spiral that has laid waste to many businesses over recent months. “We are dealing with a catastrophe of unbelievable proportions,” said the state Senator Alan Lowenthal, a Democrat, and chairman of the Senate transportation committee.»
“[C]atastrophe of unbelievable proportions”, la Californie? Tout s'y met. A Los Angeles, pour la première fois depuis plus de vingt ans, on s’apprête à établir le rationnement de l’eau, les tempêtes de l’hiver ayant fait beaucoup de dégâts sans résorber la sécheresse, avec des trombes d’eau trop brutales et trop concentrées pour régénérer les réserves souterraines.
Les débats amers et épuisants conduisant au constat de faillite ont eu lieu ce week-end à la législature de l’Etat, à Sacramento, pendant 36 heures d’affilée. Ils ont été l'occasion d'une opposition aussi féroce entre républicains et démocrates que celle qu’on observa à Washington pour le débat sur le “plan de stimulation”. Certains verraient, dans le Californian Dream sombrant en cauchemar, une préfiguration du sort de l’American Dream. D’autres jugent que le blocage politique qui accélère l’effondrement de la “République de Californie” est du à la prolifération au niveau de l’Etat de l’affrontement fratricide entre les deux partis, au niveau national et fédéral. Dans cette situation désespérée, l’idée que la seule issue à terme est un repli de toutes les ressources de la Californie sur elle-même sera de plus en plus souvent évoquée.
Mis en ligne le 18 février 2009 à 16H54
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