Le sourire de Rice dissimule à peine le programme d’acier de GW

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Le sourire de Rice dissimule à peine le programme d’acier de GW


6 février 2005 — Ce commentaire du Times de Londres, quotidien pourtant peu suspect d’hostilité à l’encontre de Washington, mesure le climat que Condoleeza Rice nous amène de Washington: « Smiles mask the steel as Rice gets tough on Iranian nuclear threat » (titre de l’article) et « But Dr Rice’s buoyant public displays in London and Berlin masked the uncompromising message she delivered on two issues of paramount concern to Washington — Iran and China. » (extrait de l’article). Même accent dans The Independent, avec ce titre: « Rice talks language of diplomacy — but it has alarming echoes. »

Les Britanniques en sont aussitôt venus, pour leur compte, à l’essentiel (dans The Independent, encore, — et, là encore, il suffit de s’arrêter au titre: « Will Britain be caught in the middle once again? ») Pour nombre de Britanniques, en effet, c’est comme si la course agressive menant au conflit avec l’Iran était déjà lancée, et que se posait la question de savoir si Blair n’allait pas, une fois de plus, se laisser entraîner dans la guerre, contre l’Iran après celle de l’Irak.

(Triste cerise sur le gâteau: sur l’un des programmes-phares du couple Blair-Brown pour la présidence du G-8, les Britanniques ont subi une sévère rebuffade. De qui ? Des amis américains pardi, — de qui d'autre? Addendum au message de la souriante Rice : c’est plus que jamais l’unilatéralisme, et les special relationships n’y ont aucune place.)

Bref, — la soi-disant réconciliation avec l’Europe prendra quelques sourires et quelques phrases passe-partout et l’on en viendra aussitôt, avec la deuxième administration Bush, à l’essentiel: “Messieurs les Européens, préparez-vous pour un deuxième conflit et, cette fois, nous espérons très fermement vous voir nombreux avec nous”. Il y a là l’effet direct de l’euphorie prodiguée à l’administration Bush par les élections du 30 janvier saluées partout avec l’éclat qu’on sait. Les Européens, par l’accueil qu’ils firent à cette élection, ont leur part de responsabilités, — bien qu’il faille reconnaître qu’elle n’est pas essentielle, la capacité d’auto-intoxication du régime washingtonien étant considérable.

Malgré toutes les capacités innombrables des Européens à l’alignement, la perspective d’un nouvel affrontement, et avec l’Iran en plus, est hors de question. D’autres sujets de discorde majeurs sont sur la table, comme la levée de l’embargo européen vers la Chine. La réconciliation euro-américaine s’avère, dès le premier jour de la visite de Rice, de l’ordre de la communication. Pire encore: ces deux premiers jours de Rice hors des USA, et notamment sa journée à Londres où la douche froide (pour les Britanniques) a été considérable et glacée, montrent plutôt que c’est une aggravation dramatique des relations entre les USA et l’Europe qui s’annonce.

Certains, avec ce voyage, pourraient bientôt se trouver fondés à juger que, désormais, le projet d’attaque de l’Iran par GW n’est plus une perspective abstraite mais une possibilité bien concrète. James C. Moore, co-auteur d’un formidable livre sur la “fabrication” de GW-président (Bush’s Brain: How Karl Rove Made George W Bush Presidential), nous décrit, dans The Independent aujourd’hui, une situation qui doit nous faire craindre effectivement une marche vers une attaque de l’Iran. Il faut noter, dans son article, ce passage, — car, pour ce qui est de la pensée de GW, les sources nous disent tout:


« The safest assumption is that Bush believes Iran is acquiring nuclear capability. No one need be an expert at diplomacy to reach an unsettling conclusion on how Bush intends to deal with Iran. At the end of a lengthy interview with the conservative Washington Times, the President asked the assembled reporters if they had read Nathan Sharansky's book The Case for Democracy. A former Soviet refusenik and an Israeli cabinet member, the right-wing Sharansky has been criticised for promoting the destruction of non-democratic regimes and avoiding appeasement.

» “If you want a glimpse of how I think about foreign policy, read Nathan Sharansky's book,” the President urged his interviewers. “It will help explain a lot of the decisions that you'll see being made, you've seen made and will continue to see made.” »


Charansky est l’un des hommes qui, avec les néo-conservateurs Karoll, Krauthammer et quelques autres, a pesé fortement pour inspirer le discours d’inauguration de GW Bush. Plus que jamais, ce discours apparaît comme un programme pour le deuxième mandat du président américain. Plus proche de nous, dans le discours sur l’état de l’Union qui suivit, on se rappellera l’encouragement de GW à l’opposition intérieure iranienne à se révolter, avec promesse implicite d’une aide américaine : cela aussi dessine la tactique américaine d’une attaque contre l’Iran.

Si ces perspectives se concrétisent, la crise au sein de l’ensemble occidental deviendra effectivement profonde et explosive. Moore :


« Condoleezza Rice stated there are no plans to attack either Iran or Syria “at this point in time”. Bush advisers are encouraged by a viable Iranian opposition movement and are undoubtedly hoping Bush's tough-guy rhetoric will inspire others to join the resistance against the controlling clerics. American military aggression against Iran will only serve to strengthen the control of those mullahs who are portraying Bush as an evil imperialist coming to take their oil and spread Christianity. The first shot fired at Iran by the US would be used to prove that point, and would further complicate the lives of Iranian dissidents.

» Consequently, Rice's words were soothing to EU negotiators who are trying to use economic incentives to convince Iran to suspend nuclear development. She is also using her trip to Europe to rebuild relationships. If it turns out that Rice is only providing linguistic air cover for a covert military plan that is already being implemented, then America might be forced to rule the world alone. Because no nation could ever trust us again. »