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1262Dérogeant à nos habitudes qui font une place extrêmement réduite aux folâtreries parisianistes, surtout dans ces temps de basses-eaux (mais de fortes pluies) et de président-poire, nous présentons quelques échos d’une émission si caractéristique du parisianisme en question. Il s’agit essentiellement de l’intervention du philosophe Michel Onfray, sur Cana-Plus, le 25 août 2014. L’émission de ce jour-là était celle de la reprise de rentrée, Le Grand Journal version 2014-2015, où il devrait y avoir du sport entre Natacha Polony, nouvelle éditorialiste de l’émission, et Jean-Michel Apathie, le journaliste à l’excellent accent type-Pagnol pour rassurer la France profonde, et archétype du standard hyper-Système.
Cette émission de rentrée ne manquait pas d’à-propos : on lui servait sur un plateau une superbe crise gouvernementale, répétition d’une éventuelle prochaine “crise de régime”, – perspective pour mettre un peu de sel dans les épinards et ainsi dynamiser nos réflexions, – avec changement forcé de gouvernement, tempête et lunettes embuées en mode gaulliste du président-poire dans la fureur des éléments autour de l’ile de Sein, tout cela traduit finalement dans l’extra-atmosphérique discours de l’ex-nouveau Premier ministre le 27 août, faisant acte et serment d’allégeance dans des termes quasi-gaulliens lui aussi, au MEDEF, au grand patronat dont on connaît les perspectives sublimes pour notre genre humain, à “la finance” que l’ex-futur président-poire nous offrit en sacrifice en échange de son élection. L’inversion poussée à cette perfection d’une montée aux extrêmes dans le chef de cette bande, il faut pouvoir, et dans notre chef à nous il faut saluer.
Donc, cette émission à laquelle il nous faut revenir... Il y avait essentiellement le philosophe Michel Onfray, qui fait des siennes depuis quelques années, notamment avec ses mots sur l’impossibilité d’ignorer le FN, et surtout à propos de l’Islam qui reste à notre sens, à côté de certaines réalités, une problématique entièrement manipulée par le Système dans une dimension globale depuis 9/11, et qui ne peut donc donner d’effets structurants. Mais cette fois, dans tous les cas cette fois pour nous qui suivons épisodiquement les querelles de salons parisiens (Onfray a peut-être déjà parlé ou écrit là-dessus), le sujet avait de l’intérêt puisqu’il nous propulsait sur un vrai thème de rupture à partir de réflexions sur la politique économique évidemment catastrophique, dans la ligne de Bruxelles, suivie par le président-poire et ce qui lui reste de sa bande ; un vrai thème, c’est-à-dire l’Europe et l’euro, un thème absolument proche de la vraie bataille Système versus antiSystème. D’où l’intérêt d’entendre Onfray nous dire ce qu’il a dit... Démarrant sur un «Sortir de l’euro, moi je défends cette idée...», interrompu plus loin par un Apathie avec sa goguenardise style-Pagnol, extraordinairement racoleuse et l’air entendu résumant ainsi toute la philosophie-Système, avec un «C’est ça, enterrons gaiement l’Europe...». Cela donna donc l’occasion à Onfray de poursuivre en évitant les interruptions en embuscade et en renvoyant Apathie à son argument TINA (There Is No Alternative) qui avait une certaine nouveauté en 1978-79, lorsque Thatcher faisait sa campagne électorale sur cette formule :
«Le souverainisme est aujourd’hui majoritaire en France... Le FN avec ses 25% est souverainiste, le Front de Gauche est souverainiste, il y a une aile souverainiste au PS et une aile souverainiste à l’UMP... Pourquoi n’est-on pas capable en France de prendre en considération cette volonté populaire... [...] [Puis, répondant à l’interruption d’Apathie signalée plus haut] Il ne s’agit pas d’enterrer l’Europe, il s’agit d’en faire une autre ... Vous faites ça depuis des années, vous dites ça depuis des années, c’est ça [l’Europe de l’euro et du libéralisme] ou rien... Le libéralisme aujourd’hui produit de la misère, de la pauvreté... Vous nous dites [si nous sortons de l’euro, si nous abandonnons le libéralisme,] il y aura des catastrophes. Mais il y a déjà des catastrophes...»
Ce qui nous paraît remarquable, à nous, et là encore sans que nous prétendions qu’il s’agisse d’un événement nouveau, c’est qu’un débat politique à cette tribune-Système du type parti des salonards qu’est le Grand Journal puisse résonner d’une telle intervention où une voix suggère rien de moins qu’une coalition à vocation gouvernementale droite-gauche, d’un extrême l’autre, englobant le FN comme colonne vertébrale avec le Front de Gauche et des ailes adéquates du PS et de l’UMP, sans soulever une tempête de protestations et d’anathèmes furieux jusqu’à l’une ou l’autre faiblesse nécessitant des sels pour ranimer la vertu outragée. Sans doute est-ce ce qu’on nomme, dans les salons, la “banalisation du FN”, cette façon qu’on commence à avoir de tenir compte de cette partie du monde politique et électoral jusqu’alors tenus dans l’enfer de l’hérétisme ; c’est ce que nous nommons, nous, en venir à l’essentiel et schématiser une véritable alternative antiSystème pour la France. De Gaulle est bien assez grand pour choisir ses héritiers, dans l’alternative ainsi offerte.
Pour notre part, nous avons plusieurs fois observé que la seule alternative antiSystème en France ne pouvait se construire que sur les grands thèmes qui mettent en cause le Système pour éviter de tomber dans le piège pourtant éculé de la dialectique “sociétale”, et en envisageant le rassemblement des deux dynamiques qui portent naturellement cette tendance antiSystème. C’est évidemment solliciter les domaines antiSystème de la droite et de la gauche, et ainsi renvoyer les vieilles lunes (la droite et la gauche) à leur imposture qui est la manœuvre de déflexion classique du Système.
• Le 14 avril 2012, nous écrivions, essentiellement à propos de Mélenchon : «Ainsi relève-t-on une ambiguïté dans l’attitude de Mélenchon, ambiguïté qu’il n’est pas le seul à porter, qui se marque le plus souvent quand surgit une personnalité politique qui entend affirmer une position de forte substance. Le décalage est considérable entre son discours socio-politique intérieur, fortement “idéologisé” et proclamé partout, et son discours fondamental de “politique de la grande crise”, celui qui nous intéresse, et qui est dit mezzo voce, pour des oreilles attentives ou incrédules. Le premier soulève peut-être les foules mais il est d’une pauvreté inhérente à l’“idéologisation” de notre temps (de droite, de gauche, ou du centre, ou d’où que vous le voulez). Malgré les apparences, il joue à fond pour le Système, en perpétuant les clivages artificiels qui empêchent les alliances antiSystème fondamentales. Les attaques de Mélenchon contre la FN font partie de ce folklore assez vain, réducteur et peu glorieux, et en plus complice du Système. (Cela nous rappelle une confidence désabusée de Régis Debray début mai 2002, alors que d’immenses manifs’, essentiellement de gauche, parcouraient la France contre un Le Pen assuré de ne jamais pouvoir gagner ce deuxième tour, et que nous nous interrogions sur la signification et l’héroïsme de cette mobilisation : “Qu’est-ce que tu veux, chaque génération a besoin de sa guerre d’Espagne...”. Les temps ont changé, pour ce qui est de l’héroïsme.)»
• Le 28 mai 2014, nous écrivions, à partir d’observations du site The ineyard of the Saker, du 27 mai 2014 : «Il s’agit donc d’apprécier l’“esprit” de ce commentaire de Saker, d’ailleurs précisé par des commentaires supplémentaires en réaction à des interventions de lecteurs sur le Forum du texte. (Ces commentaires supplémentaires également le 27 mai 2014, avec des précisions sur les partisans du FN et autres partis et groupes dits extrémistes, telle que celle-ci : “... But even if their rejection of the “system” is initially polluted by racist or secularist bigotry, these elements rapidly disappear as soon as they are explained how misguided these views are and that immigrants and Islam are not a risk for Europe, but a fantastic and possibly life-saving opportunity against the real threat: the plutocracy, globalism, turbo-capitalism and imperialism.”) Nous-mêmes ne cessons de raisonner en termes de “Système versus antiSystème”, et déplorant, pour la situation française et nombre de situation européennes, la perpétuation manipulée à fond par le Système des stéréotypes gauche-droite, racisme-antiracisme, etc. (Voir par exemple notre article sur Mélenchon, le 12 avril 2012, où nous applaudissions la “politique de grande crise” du chef du Front de Gauche, et déplorions sa politique intérieure fortement idéologisée, et faisant malheureusement totalement le jeu du Système en l’opposant frontalement au FN. En réalité, sur l’essentiel, qui est la “politique de grande crise”, Mélenchon et Le Pen sont très proches, comme on le voit notamment avec leurs positions sur la crise ukrainienne et sur la Russie. Tout cela se discute faussement selon le cirque de la démagogie intérieure qui est le terrain préféré du Système puisqu’il interdit aux positions fondamentales de s’exprimer. L’essentiel est de distinguer où l’antiSystème est étouffé, c’est-à-dire dans les débats intérieurs sociétaux et des “valeurs”, et où se trouve l’antiSystème, – c'est-à-dire chez Le Pen et chez Mélenchon en France, lorsqu'ils parlent “grande politique de crise”. Comme l’écrit Saker : “So to paraphrase [Orwell] I will say this: “if there is hope for Europe it lies with the extremes” (whether Left or Right).”)»
Tout cela, – le commentaire de l’intervention d’Onfray autant que le rappel de commentaires précédents, – est dit sans vouloir suggérer que nous espérons, voire annonçons la réalisation de la chose qu’est le rassemblement “AntiSystème versus Système”, – sans préjuger pourtant des surprises sans fin que nous réserve cette époque. Tout cela, essentiellement, pour apprécier que les pressions formidables de cette même époque conduisent tout de même à dire tout haut, ici et là, ce que les événements nous forcent à réaliser et que la terreur-Système voudrait nous interdire absolument. C’est une marque intéressante de la progression des psychologies en général, et le signe, en particulier, que les psychologies fatiguée des employés-Système ne leur donnent plus la force de s’exclamer et de lancer leurs anathèmes qui imposent silence par la terreur du bruit quand il faudrait qu’ils le fassent.
Mis en ligne le 28 août 2014 à 13H14
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