Le système de la communication et le oil spill

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La crise du oil spill du Golfe du Mexique est désormais dans une phase dite de “vitesse de croisière”. Cela ne veut nullement dire qu’elle est étouffée, – comme c’est souvent le cas après les éclats initiaux d’une crise, – parce qu’elle a la caractéristique fondamentale de la durée. Elle est donc intégrée puissamment dans la structure crisique. Le point qui nous intéresse ici, appuyé sur les informations présentées dans Ouverture libre, ce même 3 juillet 2010, est le comportement du système de la communication vis-à-vis de la crise, avec les effets de relance possible, sinon probable, de la crise.

@PAYANT Comme on le voit, deux axes (“deux fronts”) sont abordés dans le texte d’Ouverture libre. Ces deux axes sont, pour l’instant, purement liés au système de la communication mais, dans certains cas de dramatisation, l’un des deux peut également entrer dans le cadre du développement du système du technologisme, et par la très grande porte de l’“option nucléaire”. L’ensemble nous donne une situation très intéressante, qui permet de faire “vivre” la crise au lieu de lui assigner une position dormante, alors que les autorités concernées (autant l’administration Obama que BP) voudraient effectivement faire passer cette crise au second plan, en la “banalisant”, sinon en l'étouffant.

(On observe pour l’instant, par rapport à ce qui se disait il y a deux ou trois semaines, une sorte de black-out sur l’avancement des opérations de contrôle et de suppression de la fuite. Il y a d’ailleurs, comme l’écrit PBS Newshour, le 30 juin 2010, une politique de restriction d’accès de la presse sur la scène générale de la crise, exactement comme on le voit faire, par exemple, dans un conflit armé. Cette situation est d’autre part rendue extrêmement tendue par les perspectives des coûts possibles en termes d’amendes et d’indemnisations pour BP ; selon une parlementaire démocrate, après une visite d’information à la Maison-Blanche, l’estimation de ces coûts approcherait les $1.000 milliards [voir RAW Story, le 1er juillet 2010].)

Revenons sur les deux axes mentionnés.

• Le premier axe, effectivement, est celui de la discussion sur les moyens d’intervention brutale si la fuite ne parvient pas à être contenue et maîtrisée. Le débat est rampant depuis plusieurs semaines mais il a pris un tour plus spectaculaire avec les déclarations de Bill Clinton le 30 juin 2010. Surtout, il a un tour dramatique et catastrophique lorsqu’il tourne autour de ce qu’on nomme l’“option nucléaire”. Rien, dans la situation actuelle, n’est fait pour l’apaiser, y compris et surtout, dans la sensation générale que les promesses de BP de contrôler la catastrophe semblent l’objet d’un extrême scepticisme, cela complété par la tendance au black out pour la presse. (Cette sensation est encore renforcée par un aspect des déclarations de Clinton, disant qu’il faut absolument reprendre le contrôle de la lutte contre la catastrophe à BP. Cela permet de se demander si Bill Clinton, qui a une position privilégiée par rapport à l’administration Obama, ne dispose pas d’informations confidentielles à propos du comportement et des capacités de BP, autant que de la gravité de la situation.) Le résultat probable de cette situation de la communication est le développement du sentiment qu’il faudrait éventuellement en arriver à une approche plus radicale, une approche appuyée sur des hypothèses d’intervention brutale jusqu’à l’évocation de l’“option nucléaire”. Dans ce cas, le système de la communication joue son rôle “fratricide” désormais habituel, en impliquant des hypothèses qui conduisent à un effet très brutal, voire déstabilisateur au plus haut point (l’“option nucléaire”), à l’encontre de son compère le système du technologisme.

• Le second axe est celui du possible activisme des personnalités du show business, notamment d’Hollywood. Quelle que soit l’importance politique mineure que l’on accorde à ce domaine, voire le jugement défavorable qu’on porte sur lui, il joue un rôle essentiel au niveau de la communication et a donc un effet politique indirect indiscutable. Le show business, dans sa variable environnementaliste et humanitariste très active, est en train de s’organiser pour des interventions de communication, après un début assez lent qui a suivi la structure générale de la crise. Il devrait avoir un important effet de communication sur le court-moyen terme, d’autant plus fort si le pétrole continue à se déverser du fond du Golfe du Mexique.

Ces deux aspects nous permettent d’observer le rôle proéminent du système de la communication, surtout dans une crise qui s’étend sur la durée. Il est un frein remarquable à la “banalisation” de cette crise et conduit à la probabilité d’éventuelles réactions très vives si tel ou tel accident devait à nouveau relancer l’attention vers la crise. Il joue également un rôle important en ceci qu’il contribue à maintenir l’attention, non seulement sur les à-côtés de la crise (effets économiques, indemnisations, etc.) mais sur son aspect central de crise environnementaliste impliquant le corporate power et le gouvernement dans des rapports à la fois complices et conflictuels selon les circonstances.

Le système de la communication est un facteur majeur du maintien de la politisation de la crise dans son aspect le plus central et le plus déstructurant. Il entretient le lien de culpabilité directe entre les structures de fonctionnement du système et la crise environnementale. La crise s’est non seulement installée dans la structure crisique qui caractérise la crise générale du système mais elle pourrait, elle devrait y tenir un rôle très actif, très remarquable, avec une potentialité constante de relance de dramatisation qui devrait alors entraîner autant d’effets déstabilisants. Elle peut à tout moment éclater “à nouveau”, toujours dans ses mêmes dimensions fondamentales mais avec une force renouvelée. Sa “vertu” tient évidemment dans son caractère de gravité dont on a vu la dimension d’une perception presque d’un sacrilège (dimension sacrée), et ce caractère de gravité et de sacrilège étant entretenu par la durée de la fuite, par les incertitudes de son colmatage entretenues par les manœuvres de BP et de l’administration Obama, par les possibilités d’aggravation soudaine qui acquéraient, dans cette hypothèse, un caractère apocalyptique. Grâce à son entretien par le système de la communication, cette crise est chargée sur le terme, selon la tournure des événements, d’une latence d’un affrontement fondamental.


Mis en ligne le 3 juillet 2010 à 09H47