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7 mai 2004 — Même Thomas Friedman sort de ses gonds, s’étrangle de fureur, adresse un ultimatum à GW Bush à propos de l’honneur perdu de l’Amérique. Powell fait dire qu’il en a marre, mais marre… Le scandale des tortures semble être devenu un torrent qui emporte tout. Où tout cela s’arrêtera-t-il ? Question sérieuse pour une crise devenue folle.
Quand l’on connaît les connexions de Friedman, comme nous en avons déjà parlé, il n’apparaît certainement pas infondé de faire l’hypothèse que le ton, la fièvre de son billet reflètent un climat dans l’establishment washingtonien, dont il est, dans cette instance, le messager. Cela n’a d’ailleurs rien pour étonner. “Panique” semble le mot du jour et l’air du temps à Washington, ces temps-ci : panique après la défaite d'Aznar, panique au moment des troubles d’avril en Irak, panique à la fin avril lorsqu’il a fallu prendre une décision pour Falloujah, panique aujourd’hui, à propos de la torture.
Écoutons l’exaspéré Thomas Friedman, le même qui souhaitait bonne chance à cette “chouette petite guerre” il y a un peu plus d’un an, le même qui écrivait au moment de la guerre du Kosovo que les F-15 de McDonnell (Douglas) étaient là pour taper avec leurs bombes et préparer le terrain pour les restaurants McDonald qui suivent. Écoutons le philosophe et moraliste Friedman.
« We are in danger of losing something much more important than just the war in Iraq. We are in danger of losing America as an instrument of moral authority and inspiration in the world. I have never known a time in my life when America and its president were more hated around the world than today. I was just in Japan, and even young Japanese dislike us. It's no wonder that so many Americans are obsessed with the finale of the sitcom “Friends” right now. They're the only friends we have, and even they're leaving.
» This administration needs to undertake a total overhaul of its Iraq policy; otherwise, it is courting a total disaster for us all.
» That overhaul needs to begin with President Bush firing Secretary of Defense Donald Rumsfeld — today, not tomorrow or next month, today. What happened in Abu Ghraib prison was, at best, a fundamental breakdown in the chain of command under Mr. Rumsfeld's authority, or, at worst, part of a deliberate policy somewhere in the military-intelligence command of sexually humiliating prisoners to soften them up for interrogation, a policy that ran amok.
» Either way, the secretary of defense is ultimately responsible, and if we are going to rebuild our credibility as instruments of humanitarian values, the rule of law and democratization, in Iraq or elsewhere, Mr. Bush must hold his own defense secretary accountable. Words matter, but deeds matter more. If the Pentagon leadership ran any U.S. company with the kind of abysmal planning in this war, it would have been fired by shareholders months ago. »
On panique beaucoup à Washington mais peu de choses changent et les désastres s’empilent les uns après les autres. Finalement, comme le note WSWS.org avec son austérité idéologique (trotskiste) coutumière, les pressions pour la démission de Rumsfeld représentent une bataille interne de l’establishment.
« Significantly, Bush’s alleged rebuke focused not on the substance of what took place at Abu Ghraib, but on the catastrophic political repercussions of the exposure of the abuse, particularly on US foreign policy in the Middle East and in the wider Muslim world. His principal criticism was that Rumsfeld had not informed him of the existence of the digital photographs of naked Iraqi prisoners being abused by their US guards. “They should have been brought to his attention,” the White House official said, “and he shouldn’t have had to learn of them through the media.”
» In other words, Rumsfeld received his slap on the wrist, not for the mistreatment of the prisoners, but for the mistreatment of the president, whose political handlers and spin doctors were caught off guard when CBS broadcast its first report on the Abu Ghraib torture last week. »
La question centrale reste posée : sur quoi tout cela déboucherait-il éventuellement ? Sur une démission de Rumsfeld ? Improbable, à moins d’une nouvelle aggravation de la situation (si c’est possible), d’une nouvelle crise amenant une situation imprévue. Sur un retrait d’Irak ? Improbable encore, tant tout est paralysé en marge des élections présidentielles, dans l’espoir qu’une certaine constance d’apparence dans la situation irakienne va influencer favorablement l’électorat.
L’establishment panique, l’administration GW est paralysée, la situation est hors de contrôle et court de crise en crise, toutes plus inattendues les unes que les autres. C’est le constat qu’on peut faire, assorti de celui-ci, encore plus déprimant : il n’y a pas d’alternative. (Kerry s’avère effectivement n’en être pas une, et l’on voit mal ce qui changerait si, demain, il était élu.) Le régime washingtonien en crise est arc-bouté sur ses positions, avec comme seule idée celle de tenir, — mais tenir jusqu’à quand et pour quoi faire ? Jusqu’à la prochaine crise ? Cette absence de perspective ajoutée à l’absence de contrôle de la situation sont l’aspect le plus remarquable de la situation actuelle, celui qui interdit toute prospective sérieuse et laisse ouverte la possibilité à toutes les surprises.