Le Temps se contracte, l’Histoire accélère

Journal dde.crisis de Philippe Grasset

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Le Temps se contracte, l’Histoire accélère

14 juillet 2024 (14H00) – L’Histoire suit ses plans, et elle le fait sur un rythme irrésistible d’accélération, choisissant pour cela de contracter le Temps qui lui est imparti. La tentative d’assassinat de Trump, que tout le monde prévoyait et attendait tout en se disant “Cela ne se fera jamais, c’est trop gros”, a donc eu lieu et, – si l’on peut dire d’une façon objective qui écarte l’émotion servant un peu trop souvent à aveugler la pensée, – dans les meilleures conditions possibles à la fois pour le candidat Trump, pour l’aggravation dramatique de la situation de désordre et de discorde civile aux USA, pour un nouveau rebondissement furieux de la GrandeCrise au milieu des interrogations et des accusations les plus diverses.

C’est comme si tout se déroulait selon un plan divin : les choses les plus extraordinaires et les plus fantasmées à la fois, – impossibles à réaliser parce qu’extraordinaires et fantasmées, – s’imposent comme s’il s’agissait d’évènements nés sans difficultés ni obstacles de la nature même du monde. Le fait simple et terrifiant à la fois est que le monde est devenu une crise en fusion permanente, et qu’il s’agit évidemment de la GrandeCrise qui se poursuit comme l’éruption du plus grand volcan de l’histoire tectonique du monde.

Elle ne nous laissera aucun répit pour s’accomplir ; Elle est irrésistible et emporte tout sur son passage. Elle change la civilisation et le monde d’une manière irréversible, dont nous n’avons aucune idée et dont il faut accepter de n’avoir aucune idée. Si, comme le montre deux photographies prises d’un film en quelques dixièmes de seconde, Trump n’avait pas légèrement tourné la tête au moment de l’impact la balle aurait fait éclater cette tête et l’incontrôlable désordre se serait installé.

« Laissez-moi vous expliquer ce que les services secrets étaient censés faire. Quelques jours avant l'événement, les services secrets sont censés procéder à une étude approfondie du site et mettre en œuvre un plan de sécurité approprié. Il semble que les services secrets aient fait du bon travail en contrôlant les personnes qui ont assisté au rassemblement et sont entrées sur les lieux sans armes. Mais les services secrets n'ont pas réussi à identifier tous les endroits en dehors du lieu qui pourraient être utilisés par un tireur d'élite. Il y a donc des questions : s’agissait-il d’un oubli né de l’incompétence ou était-ce délibéré, dans le cadre d’un complot visant à tuer Trump ? » (Larry S. Johnson, ex-officier du CIA et du contre-terrorisme.)

Au contraire, à peine blessé mais ayant connu et aussitôt maîtrisé, – c’est un homme de spectacle, – le symbolisme de la tentative d’assassinat, aussitôt relevé par les gens du Secret Service, ayant eu la présence d’esprit de lever le poing tout en criant à plusieurs reprises “Fight !” à une foule passant de la terreur au délire, Trump a été conduit, forcé dirais-je, à montrer qu’il est prêt à poursuivre sa campagne dans son rôle de “cocktail-Molotov humain”. S’il avait jamais cru un instant pouvoir abandonner ce rôle, le Ciel l’a ramené sur la voie qu’Il a choisie.

Maintenant et pour quelques jours, nous entrons dans le temps des condoléances et des déplorations hypocrites, des hypothèses, des emportements, de l’exacerbation de tous les complots du monde et de toutes les fureurs de l’univers, des paniques sans fin et des roulements de tambour. Je crains en effet que cette tentative d’assassinat ne soit nullement un coup d’arrêt mais un temps d’une nouveau paroxysme. Nous sommes placés devant notre destin, comme fait depuis bientôt dix ans chaque événement imprévu et prévisible, chaque folie incroyable et nous forçant à l’évidence de la croyance, – placés devant notre destin, tentant de nous en détourner devant notre impuissance à le maîtriser, forcés d’y revenir par sa puissance même.

Nous n’échapperons pas à ce destin, c’est pour moi le principal enseignement de l’incroyable événement (incroyable en termes de rapidité et précision de l’information, de documentation quasiment immédiate, bref en termes de communication qui est le moteur de la puissance de notre temps), et nous continuerons à alimenter cette terrible chaudière en train de bouillir en nous-mêmes, chaudière d’affrontement, de fureur, d’hystérie. Nous ne sommes pas habitués au spectacle d’un monde qui s’effondre et nous avons perdu les dignes habitudes des temps passés... On n’échappe pas aisément au “Moderne” lorsqu’il est lancé de toute la puissance de son nihilisme en phase terminale contre un grand mur noir et sinistre où vont s’étaler comme des taches infâmes sa vanité et son hybris... Décidément, le “Moderne” doit trépasser et la dignité du deuil reapparaîtra à la place de la haine qui a submergé nos âmes.

J’ai vécu le temps de l’assassinat de JFK et j’ai vu le Temps et l’Histoire s’arrêter un instant,. Le monde entier, y compris à Moscou où des files se formaient pour signer le registre de condoléances à l’ambassade des États-Unis, était frappé par un deuil annonciateur des temps catastrophiques. Cette fois, rien ne s’est arrêté et tout a encore accéléré, y compris la rubrique des messages tweeterX de super-démocrates regrettant le recrutement d’un si mauvais tireur. Au deuil de 1963 a succédé la haine de 2024.