Le terrorisme inhumain frappe déloyalement l’américanisme: trois suicides réussis à Guantanamo

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Trois prisonniers se sont suicidés à Guantanamo. La réaction d’un avocat, selon le New York Times est la suivante :

« “The total, intractable unwillingness of the Bush administration to provide any meaningful justice for these men is what is at the heart of these tragedies,” said Bill Goodman, the legal director of the Center for Constitutional Rights, the New York advocacy group that oversees lawyers representing many of the detainees. “We all had the sense that these men were getting more and more hopeless. [...] There's been a general sense of desperation that's been growing.” »

C’est à peu près les seules remarques à consonance humaine du long article consacré à l’événement. Le reste est l’occasion indirecte (pour nous) d’une étude sur la psychologie américaniste. Tout ce qui concerne les explications officielles et autres pour le domaine des terroristes ou supposés terroristes emprisonnés, torturés, etc., par les USA constitue un domaine étrange, c’est-à-dire extrême, de la psychologie américaniste. Le principe implicite de base est que tout sentiment humain est dénié à ces hommes, qui sont plutôt classés dans une catégorie n’appartenant pas au genre humain : “suspect de terrorisme anti-US”. Ce suspect se voit refuser le droit au suicide puisque, dans le cas du terroriste, le suicide n’existe pas : il est seulement question de SIB (“ self-injurious behavior”)

D’une façon plus générale, le SIB est considéré comme une tactique de combat, en général vicieuse et déloyale, des non-hommes emprisonnés (encore plus que des “sous-hommes”, notion impliquant quelques traces éparses d’humanité ayant échappé à la classification). Quelques remarques dans l’article cité le suggèrent : « In public statements, Defense Department officials have often dismissed the detainees' suicide attempts as less than serious — and as the actions of trained Qaeda terrorists to manipulate public opinion. » Le ton général de l’article épouse cette appréciation, comme si tous les actes de ces non-hommes étaient des actes de guerre, et, bien sûr, d’une guerre illégale non couverte par la Convention de Genêve (« Meanwhile, the situation inside the detention center has grown more volatile in recent weeks, with reports that prisoners have engaged in violent attacks on guards, hunger strikes and unsuccessful suicide attempts. »)

La perfection de cette attitude est atteinte par la présentation des trois suicides par l’amiral qui commande la base de Guantanamo. Elle donne une mesure convaincante de l’ignorance systémique et certainement inconsciente pour tout ce qui touche à l'humanité, qui caractérise l’attitude psychologique de la bureaucratie militaire US :

« Military officials on Saturday suggested that the three suicides were a form of a coordinated protest.

» “They are smart, they are creative, they are committed,” Admiral Harris said. “They have no regard for life, neither ours nor their own. I believe this was not an act of desperation, but an act of asymmetrical warfare waged against us.” »

La culpabilité des trois suicidés est donc établie par l'acte même. Leur suicide vaut aveu de leur culpabilité et confirmation de leur condition de non-hommes, en plus de la confirmation que leur façon de se battre est inhumaine et sans considération pour la vie, “ neither ours nor their own”.

La bureaucratie américaniste a établi une nouvelle définition, postmoderne, administrative et tirée en trois exemplaires (autant que de suicidés), en gants de plastique blanc pour éviter tout contact corporel, — une nouvelle définition de la barbarie. Le Pentagone n’a pas encore décidé d’un acronyme pour cette barbarie. Nous suggérons PMB, pour PostModern Barbarism.


Mis en ligne le 11 juin 2006 à 07H04