Le Times, leçon britannique de journalisme objectif

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Dans l’entrefilet que le Times de Londres publie aujourd’hui sur la situation ukrainienne, il attribue le retrait humiliant de l’avant-garde de Marines US qui s’était installée en Crimée pour préparer un exercice commun OTAN-Ukraine aux causes et circonstances suivantes :

« Their departure was seen as a victory for Russia as it plots to undermine President Yushchenko and his plans to lead Ukraine into Nato and the European Union.

» The reservists arrived on May 27 with material and equipment to build showers and lavatories at a Ukrainian military training facility near Feodosiya. But pro-Russian protesters stopped them from reaching the facility, accusing Mr Yushchenko of inviting Nato to set up a base without parliament’s approval. »

Alors pourquoi pas certaines précisions, bien dans le style du grand journalisme objectif anglo-saxon, des précisions un peu plus précises que “Russia’s plot” et “pro-Russian protesters”? Par exemple :

• Le fait que le Parlement de Crimée, suivi du conseil municipal de Simféropol, a interdit la présence de troupes étrangères (i.e. : de l’OTAN) sur le sol de la république autonome. (Voir ce texte de Novosti du 7 juin : « Le conseil municipal de Simféropol, capitale de la république autonome de Crimée, a approuvé la décision du Conseil suprême (parlement) local de proclamer la presqu'île territoire interdit à l'OTAN. “Les députés de Simféropol ont approuvé la décision du Conseil suprême de Crimée de proclamer la presqu'île territoire interdit à l'OTAN, et exigé, à l'instar de leurs collègues de Crimée, d'interdire le stationnement de forces armées étrangères dans la république autonome”, a annoncé le service de presse du conseil municipal. ») Ces décisions éminemment démocratiques sont d’ailleurs une leçon de souveraineté nationale donnée par la république autonome de Crimée à la grande démocratie de l’Ukraine (et au Royaume-Uni, non?), qui s’inspire d’une démarche gaullienne assez reconnue d’utilité publique.

• Quant au sentiment général sur l’OTAN en Ukraine, il est paraît-il résumé par un adjoint du ministre des affaires étrangères ukrainien de cette façon (Novosti du 6 juin) : « But First Deputy Foreign Minister Anton Buteiko dismissed suggestions that anti-NATO sentiments were widespread in the country, saying that only political parties that failed to leave any mark in the March 26 parliamentary elections were fermenting opposition. “I can see no opposition to Ukraine's joining NATO.” » Plus loin, la même dépêche précise:

« Buteiko said the current situation in Ukraine was similar to that in the Baltic States, where 30% of people had supported NATO accession bids before the countries joined the alliance in 2004. Stressing that NATO's accession requirements did not include provisions on holding a referendum on the issue, he said the Ukrainian parliament's ratification of a protocol to the Membership Action Plan, approved at the 1999 Washington Summit, would be enough. »

• Tout cela ressemble à une superbe leçon de démocratie (reste à voir de qui pour qui? Dans quel sens ? Et ainsi de suite.) Reportons-nous, pour confirmation de la ligne démocratique suivie par les dirigeants ukrainiens, à des précisions datant du mois de mars, lorsqu’on se trouvait en pleine campagne électorale. On parle d’une dépêche de Novosti du 22 mars, qui nous disait ceci : « La majorité des Ukrainiens se disent contre l'adhésion de leur pays à l'OTAN mais pour l'adhésion à l'Union européenne, selon un sondage réalisé par la Fondation pour la liberté ukrainienne. Seulement 14,8% des interrogés sont favorables à l'intégration au sein de l'Alliance atlantique, contre 63,8% d'avis négatifs. Par ailleurs, 42,9% des Ukrainiens voteraient en faveur de l'adhésion à l'Union européenne, et 28,3% voteraient contre. » Auparavant, le 9 mars, le président Iouchtchenko, en campagne orange, nous avait assuré, parlant de la question d’un référendum national en Ukraine pour l’entrée dans l’OTAN : « Tout le monde sait que sans un référendum personne n'acceptera d'entrer dans l'OTAN, ni dans l'Union européenne, ni dans n'importe quelle autre institution internationale où l'adhésion nécessite l'approbation de la population. »

Par conséquent, le Times de Londres a judicieusement et fort objectivement choisi de s’intéresser à l’essentiel pour décrire objectivement et fort judicieusement la situation ukrainienne : “Russia’s plot” et “pro-Russian protesters”, plutôt que ces assommantes précisions chiffrées et déclarations officielles et officiellement précises.


Mis en ligne le 13 juin 2006 à 17H41