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3887Hier, dans nos Notes d’Analyse qui prenaient (chronologiquement) comme premier sujet John Bolton, – d’où le titre, « Notes avec ou sans Bolton », – nous avions signalé dans des termes qui laissaient percer toute notre perplexité et notre immense scepticisme la “dernière“ de Bolton brandissant une photo-satellite où l’on ne voyait guère le pétrolier iranien Adrian Draya-1 mais où il se trouvait sans aucun doute selon Bolton, tout proche des côtes syriennes et prêt à livrer son pétrole à la Syrie. Notre commentaire à cet égard donnait ceci :
« ...Ayant dit cela, qui n’est pas faux, on est obligé par une actualité “sauvage” d’ajouter un bémol, qui est justement une manifestation de Bolton toute récente (le 7 septembre) dans l’affaire du pétrolier iranien, un des fleurons américanistes de cette crise et de Bolton lui-même : son affirmation qu’il tient, lui Bolton, la preuve indubitable que le pétrolier est tout proche des côtes syriennes, signant ainsi la culpabilité indubitable de l’Iran par le “mensonge”. Dans cette affaire tordue et grotesque, où les USA tiennent dans leur tourbillon de mensonges et de narrative le rôle des capi du crime organisé, la “preuve indubitable” est comme d’habitude une photo satellite où n’importe qui peut voir ce qui lui importe, et où une chatte se tromperait complètement dans le décompte de ses petits. Bolton affectionne cette sorte d’interventions et cette sorte de “preuve indubitable”. »
Or, une source, qui est peu suspecte de faiblesse pour Bolton vient au contraire indirectement confirmer la véracité de l’affirmation du même Bolton, contrairement à ce que laissait entendrenotre sceptique ironie fondée sur les pratiques habituelles du personnage. Il s’agit d’un texte de Elijah J. Magnier, couronné d’un immense agrandissement de la photo brandie par Bolton.
(Selon les détails fournis en légende, c’est une photo-satellite fournie par Maxar Technologies, diffusée par AP, montrant effectivement le pétrolier Adrian Draya-1 proche du port de Tartous, qui est également une base russe, – ce dernier point montrant que les Russes seraient très probablement mais bien entendu au courant de l’opération et y participeraient au moins passivement et indirectement.)
Magnier explique les tenants et aboutissants d’une opération, – car il y a bien “opération”, – qui s’effectuerait essentiellement à l’issue d’un accord secret entre les États-Unis (avec UK partie prenante) et l’Iran échangeant la livraison sans entraves du pétrole de l’Adrian Draya-1 à la Syrie contre la libération de l’équipage du pétrolier britannique, puis du pétrolier Stena Imperolui-même saisi par les Gardiens de la Révolution iraniens. Tout cela est détaillé dans le texte de Magnier.
Cela conduit à une autre interrogation, toujours concernant le cas Bolton, celle de savoir si Bolton était au courant de cet accord secret, s’il y a effectivement accord secret, puisqu’il a présenté le document comme la “preuve indiscutable” des “mensonges” iraniens. Si tout cela correspond à la réalité, cela signifie que Bolton continue à jouer son jeu aveuglément anti-iranien, et qu’il n’a pas été tenu au courant des tractations secrètes entre l’Iran et les USA-UK, ce qui serait logique compte tenu de son opposition absolue à toute entente USA-Iran, même parcellaire mais portant sur le sujet qu’il estime essentiel de l’Adrian Draya-1 ; ou bien, il était au courant indirectement ou par frustration (de n’avoir pu le bloquer) et a voulu saboter cet accord... Selon cette interprétation, on en revient par un autre canal à la confirmation de la mise à l’écart de Bolton sur des sujets opérationnels importants entre l’Iran et les USA (et UK). Voilà comment on peut raisonner en s’appuyant sur un ensemble d’affirmations dont aucune n’est portant impérative ni nécessairement vraie bien entendu, illustrant la méthode mais aussi la fragilité inévitable de la nécessité de tenter de parvenir à des vérités-de-situationen “navigant” par la logique et l’intuition entre des affirmations contradictoires dont il s’agit d’évaluer la véracité.
Voilà où nous en sommes dans cette affaire, sans dissimuler que de nouveaux éléments peuvent survenir qui bouleverseraient l’actuel état de la situation (vérité-de-situation ?) auquel nous sommes parvenus jusqu’ici. On peut simplement remarquer que les précisions données par Magnier, à cet instant précis qui suit de quelques heures l’intervention de Bolton, viennent certainement des Iraniens avec lesquels il a beaucoup de contacts, et ont de bonnes chances d’être fondées. Du point de vue de la communication et mise à part le fait même de la livraison de pétrole, les Iraniens ont tout intérêt à une telle situation qui décrédibilise Bolton et l’administration Trump par conséquent en montrant son désordre et sa fragmentation, autant que sa faiblesse car elle cède sur le pétrolier et la livraison de pétrole à la Syrie, et on peut alors en conclure qu’ils ne lanceraient pas de telles informations par l’intermédiaire indirect d’une source indépendante si elles étaient infondées et fausses, – les dégâts pour eux-mêmes en termes de communication devenant alors considérables. Les Iraniens ont déjà montré leur grande habileté en matière de communication et de manœuvres secrètes face aux USA, et parfois avec les USA quand ceux-ci sont demandeurs, et il est logique de penser qu’ils ne commettraient pas une telle erreur d’une version inventée de toutes pièces, comme il est logique de penser que Magnier ne s’y prêteraient pas dans la mesure de ses capacités à distinguer la véracité de ces informations, parce qu’il y perdrait beaucoup de crédibilité. (Argument supplémentaire pour les Iraniens qui ne devraient certainement pas décrédibiliser une source [Magnier] qui leur est extrêmement utile.)
En acceptant donc cette version de Magnier qui semble complète et fort plausible, on est conduit aux remarques conditionnelles suivantes :
• Les USA (Trump en l’occurrence, sans Bolton et contre Bolton possiblement) veulent tout faire pour éviter un incident avec les Iraniens, pouvant dégénérer en conflit, avec la seule condition de “sauver la face” (ce qui leur reste de face). Il découlerait de cette hypothèse que l’initiative de Bolton pourrait bien avoir été prise comme un acte hostile à la politique du président, et dans ce cas non seulement sa marginalisation serait confirmée, mais son départ pourrait intervenir rapidement.
• Les Iraniens jouent un jeu extrêmement net d’offensive de communication contre l’administration Trump, en exploitant toutes les failles, qui ne manquent pas, dans son équipe. Cela confirme l’attitude générale des Iraniens qui ne font plus aucune confiance en rien aux USA, à leurs propositions diverses, etc., sauf dans des cas comme celui du pétrolier où ils tiennent une monnaie d’échange extrêmement concrète.
• Les Anglo-Saxons (puisque UK est de la partie) continuent à montrer leur faiblesse dans l’affrontement avec l’Iranpuisqu’ils passent un accord de cette sorte. Les USA ont affirmé continuellement et sur un ton menaçant que le pétrolier serait d’une façon ou l’autre empêché d’aller vers quelque port que ce soit, et donc qu’il serait finalement arraisonné ; ce n’est non seulement pas le cas, mais le pétrolier va effectivement livrer du pétrole en Syrie, ce que les USA jugeaient comme absolument illégal et inacceptable dans tous les cas. (Les Iraniens, eux qui ont affirmé que le pétrolier n’allait pas en Syrie, semblent se ficher complètement de se contredire, simplement parce qu’ils en face d’eux un adversaire qui ne cesse d’employer cette méthode de la déception de communication, de la narrativeet du mensonge.)
• Enfin, la présence de UK dans l’affaire, si elle se justifie par le fait que le pétrolier saisi par les Iraniens est britannique, montre que les Britanniques continuent à jouer un jeu modérateur auprès des USA, parfois même un jeu personnel en s’opposant aux consignes. Ils semblent vouloir faire beaucoup, y compris à l’insatisfaction de leur mentor washingtonien, pour n’être pas impliqués dans un conflit avec l’Iran.
Il est à noter enfin que le texte de Magnier porterait plus, dans l’esprit de la chose et selon le titre initial (« L’accord secret américano-iranien sur l’approvisionnement en pétrole de la Syrie »), sur un accord concernant le principe du ravitaillement en pétrole de la Syrie que sur le cas d’un pétrolier. Cela impliquerait une conception plus générale de principe, signifiant une concession majeure des USA concernant la Syrie, un desserrement des sanctions contre ce pays. Pour les Iraniens, l’accord sur l’Adrian Draya-1 serait dans ce cas un précédentqui impliquerait que d’autres pétroliers iraniens pourraient faire la même opération sans interférences ; encore faudrait-il pour cela qu’ils aient une monnaie d’échange pour obtenir une telle possibilité, la parole US à cet égard, en matière internationale, n’ayant que l’épaisseur d’un traité non officiel pesant le poids et ayant la forme d’un “chiffon de papier” froissé et déchiré.
Le texte de E.J. Magnier a paru sur son site le 7 septembre 2019.
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Un accord secret a été conclu entre les États-Unis et l’Iran, par l’intermédiaire d’une tierce partie, pour permettre au super pétrolier iranien Adrian Darya 1 (anciennement Grace 1) de livrer ses 2,1 millions de barils de pétrole au gouvernement syrien. Des pétroliers plus petits ont travaillé pendant cinq jours pour décharger le pétrole qui doit être acheminé vers le port syrien de Tartous.
Des sources proches de l’équipe de négociation ont déclaré que les États-Unis “étaient déterminés à empêcher le supertanker d’atteindre la Syrie en raison de la stratégie américano-européenne visant à sanctionner économiquement le président syrien Bachar al-Assad pour retourner les Syriens contre leur chef.” Ces pays, responsables de la guerre de 2011-2019, n’ont pas réussi à provoquer, par les armes, un changement de régime, ni la faillite de État syrien. Aujourd’hui, ils tentent d’atteindre leur but en encerclant le pays et en empêchant son retour à la normale. Les États-Unis ont empêché les pays du Golfe de retourner à Damas et forcé la Jordanie à restreindre la circulation de marchandises à destination et en provenance de la Syrie. Ils ont fermé le point de passage d’al-Tanaf avec l’Irak et occupent la zone nord-est (riche en pétrole !) sans aucun but stratégique. En dépit de ces mesures draconiennes, l’Iran est déterminé à soutenir ses alliés.
Selon nos sources, l’Adrian Darya 1 serait resté plusieurs jours en Méditerranée sans savoir où aller, en attendant la fin des négociations. Il a été convenu que quelques-uns des 7 membres de l’équipage du “Stena Impero” qui bat pavillon britannique seraient libérés tout de suite. D’autres membres de l’équipage seront libérés quand l’Adrian Darya 1 aura effectué la livraison. Le “Stena Impero” lui-même sera libéré sans autre demande de compensation financière dès que l’”Adrian Darya 1″ sera en sécurité.
L’Iran a dit avoir un acheteur pour les 2,1 millions de barils de pétrole transportés par le superpétrolier. Selon des sources bien informées, c’est Rami Makhlouf, un cousin du président Assad, qui a acheté le chargement d’une valeur de 130 millions de dollars (sur le marché libre). L’Iran livre gratuitement des centaines de milliers de barils tous les mois à la Syrie, et ce, depuis le début de la guerre de 2011. Damas paie le reste – à un prix très réduit – à l’Iran ou à qui Téhéran lui dit de le faire, selon ces sources.
Des sources ont confirmé la présence quotidienne d’un super drone Héron de type israélien au-dessus du super tanker iranien Adrian Darya 1 qui croisait près des eaux syriennes. Les drones ont disparu à l’instant où l’accord a été conclu, ce qui a permis au navire de se diriger librement vers le port de Tartous en Syrie.
Le secrétaire américain à la Défense, Mark Esper, a déclaré qu’il n’avait “pas l’intention de saisir l’Adrian Darya 1” et son administration a négocié indirectement avec l’Iran, pendant que Brian Hook, l’envoyé spécial des États-Unis pour l’Iran, essayait de soudoyer Akhilesh Kumar, le capitaine du supertanker iranien, en lui offrant 15 millions de dollars pour qu’ils les laissent saisir le navire, puis, n’y arrivant pas, il l’a menacé de “sanctions” s’il livrait la cargaison à la Syrie. En fin de compte, le gouvernement britannique et l’administration étasunienne ont obtenu l’assurance iranienne que le “Stena Impero” et son équipage seraient libérés dès que le super tanker iranien serait en sécurité. Le contenu des négociations n’avait rien à voir avec l’accord nucléaire.
L’Iran a réussi à résister aux États-Unis et au Royaume-Uni dans le golfe Persique. Il envoie ses drones survoler quotidiennement les navires de guerre britanniques patrouillant dans le détroit d’Ormuz et en face de la côte iranienne. Le Corps iranien des Gardiens de la révolution (Sparadan) responsable de la sécurité du golfe persique s’est avéré capable d’affronter les Etats-Unis et le Royaume-Uni et de défendre la sécurité et les intérêts financiers du pays.
L’Iran a également montré sa capacité et sa volonté d’apaiser les tensions dans les négociations à propos de l’Adrian Darya. Cependant, les responsables Iraniens n’ont nullement l’intention de reprendre quelque forme de dialogue que ce soit avec le président américain Donald Trump avant les élections de 2020.
L’Iran a également respecté ses engagements envers ses alliés, qui sont des éléments essentiels de sa sécurité nationale. L’Adrian Darya transportait suffisamment de pétrole pour satisfaire aux besoins de la Syrie et de ses alliés pendant des mois. Les sanctions américaines contre la Syrie et le Hezbollah se sont révélées relativement faciles à surmonter, et donc totalement inefficaces.
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