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3833Citons-nous donc nous-mêmes, – ceci, de la Lettre d’Analyse (papier) dedefensa, Volume 5 n°7 du 10 décembre 1989, sous le titre « La deuxième phase de la déstabilisation » : « En cette fin d’année s’achève la première phase de la grande déstabilisation de 1989 : en cinq mois, de juillet à décembre, l’effondrement du seul système géopolitique édifié en dehors de l’Union Soviétique pour la protection du communisme. Cet effondrement parachève et accompagne l’effondrement de la doctrine communiste dont la perversité fondamentale a été de s’appuyer sur des mouvements collectifs mécanistes sans faire la moindre référence à la psycho-sociologie et à l’histoire, et en cherchant à détruire l’idée nationale et la culture qui s’y rattache. »
... “En même temps” que le mouvement d’effondrement de ce système géopolitique avaient lieu d’autres événements marquants, comme ceux de la place Tien An-men, la fin (1989-1990) de la dictature Pinochet au Chili, la fin (1989-1990) de la guerre civile au Liban.
Tout cela donne une impression de vrac avec pourtant des liens structurants chronologiques (les trente années entre 1989 et 2019) et événementiels (les deux événements concernant le Chili et le Liban contrastant avec les événements actuels dans ces deux pays). Mais le principal lien structurant concerne l’“effondrement”, vérifié ou potentiel : celui du système géopolitique soviétique d’une part, et d’autre part, trente ans plus tard, celui qui menace son prétendu “vainqueur”, qui est le système globaliste néo-libéral.
Il n’y a aucune prétention d’analyse historique selon les normes de “l’histoire conçue comme une science” dans le cadre du Système, mais une affirmation métahistorique portant un sens de répétition dans le Temps métahistorique. Notre titre du 10 décembre 1989 (« La deuxième phase de la déstabilisation ») qui portait sur l’achèvement de la déstructuration d’un des piliers de la Guerre froide, et donc du monde de la Guerre froide, devient alors par prémonition entièrement sollicitée (aucune prétention de notre part à cet égard) une tentative de description de l’événement d’effondrement dont nous jugeons qu’il est actuellement en cours. Plus encore, – ou mieux, c’est selon, – on peut à nouveau utiliser ce titre en le projetant au 10/31 décembre 2019, en estimant que s’ouvre une sorte de « deuxième phase de la déstabilisation » avec le début de la campagne USA-2020, qui poursuit et doit achever la déstabilisation commencée par USA-2016.
Il va sans dire, par conséquent, que nous lions tous les événements de contestation dont certains esprits français en font la progéniture des Gilets-Jaunes (GJ), et dont nous avons vuqu’ils nous apparaissent comme des signes d’un besoin de bouleversement non pas idéologique mais ontologique :
« • Les événements en cours de par le monde forcent même les plus réticents à considérer qu’il existe une certaine unité entre eux, – malgré leur extrême diversité, leur dispersion géographique, leurs différences d’orientation, etc. • Cela est notamment le cas d’événements du type “constatation populaire” allant de Hong Kong au Chili, du Liban à l’Équateur, etc., tout cela rejoignant les poussées qui s’avèrent de plus en plus durables et fondamentales, et précipitamment étiquetées “populistes”. • Il faut écarter les analyses idéologiques et considérer l’ensemble de cette dynamique qui se constitue en une attaque massive, non organisée, qu’on dirait aisément comme supra-humaine, contre le régime dominant... »
Il est alors intéressant, ne serait-ce que pour aiguiser sa critique fondamentale et sans retour tout en s’appropriant certains détails importants de la qualité de l’analyse, – vieille habitude avec le site hyper-idéologisé mais très professionnel WSWS.org, – de reprendre un texte de ce site qui donne une image globale de ces mouvements, tous différents et pourtant tous liés par une même logique métahistorique. Les différents points crisiques actuels ne sont pas tous abordés dans ce texte, loin s’en faut. (Le texte s’attache aux cas chilien et libanais ; on sait qu’on peut parler de “points crisiques” liés aux avatars de tous genres du Système [y compris les manigances du type “révolution de couleur”, Made In CIA] au Chili, en Bolivie, en Équateur, au Venezuela, en Haïti, en Guinée-Bissau, en Éthiopie, en Algérie, en Catalogne, en Égypte, en Irak, au Liban, en Indonésie, à Hong-Kong, etcetera-Système.)
Le texte de WSWS.org du 26 octobre 2019(texte original en anglais le 25 octobre 2019) s’intitule « Du Chili au Liban: l'offensive de la classe ouvrière balaie le globe ». C’est dire si l’hyper-idéologie est absolument omniprésente, avec cette phraséologie autour de “la classe ouvrière”. Ce n’est bien sûr pas cela qui nous intéresse puisque nous-mêmes avons décidé pour la facilité de la chose, et bien sûr sans abandonner en rien notre ferveur pour la nostalgie et le passé, de vivre largement dans le XXIème siècle pour y observer les événements de ce premier cinquième du XXIème siècle ; ce qui nous intéresse, c’est l’observation que même l’hyper-idéologisation conduit au constat de l’unification globalisante des actes de révolte s’exerçant dans des conditions complètement différentes, pour des motifs également différents, etc.
Cela signifie que nous sommes conduits, par cette globalisation même, à une unicité de combat qui ne tient, qui ne peut tenir que par l’hostilité au Système, – mais quelle force a ce lien ! Cette “unicité de combat” qui, de ce fait, construit une démarche antiSystème pure, l’on dirait presque, avec l’ironie du scientifique moderniste, une “démarche antiSystème chimiquement pure”. Il est alors bien entendu, selon le point de vue que nous avons décidé d’épouser (le “modèle dostoïevskien”), déjà plusieurs fois présenté, que ce qui importe n’est en aucune façon l’idéologie, mais l’ontologie même de l’être dans cette gigantesque bataille cosmique, laquelle doit être placée dans un cadre cyclique métahistorique pour être comprise et embrassée comme il importe qu’elle soit.
La cerise sur le gâteau que nous offre ce texte, c’est l’observation qu’à la longue liste de “points crisiques” en cours devrait évidemment être ajouté les USA, qui dominent “crisiquement” le reste de la tête et des épaules. (Certains y mettraient la France, pionnière pour l’esprit de la chose avec ses Gilets-Jaunes.) L’article fait donc une analogie des diverses situations examinées, notamment celles du Chili, avec des situations américanistes. Il s’attaque avec délice, – et pour le nôtre également, – à un édito somptueux d’hypocrisie ou d’aveuglement c’est selon, de l’édifiante Grey Lady, le fameux et Saint-New York Times ; lequel édito va jusqu’à critiquer la “dictature de Pinochet”, qu’il charge de nombreux pêchés à la base de l’actuelle situation, sans préciser, – mais cela fait partie de l’American Dream, certes ! – que le trio Kissinger-ITT-CIA fut à l’origine des choses, et le capitalisme déconstructeur et social-darwiniste venu de Chicago l’organisateur.
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Cette semaine a été marquée par une nouvelle étape dans l'éruption de la lutte de classe mondiale, avec des manifestations de masse paralysant deux pays à priori sans points communs mais qui expriment incontestablement des griefs similaires, dont la source est la crise systémique et historique du système capitaliste mondial.
Au Chili, l'annonce par le gouvernement de droite du président Sebastián Piñera d'une hausse de 4 pour cent des tarifs de transports en commun a déclenché une vague incontrôlable de manifestations de masse qui a provoqué une crise du régime capitaliste. La réponse du gouvernement, reflétant les craintes de la bourgeoisie chilienne, a été d'imposer l'état d'urgence et le couvre-feu, en déployant 20.000 soldats dans les rues de Santiago et des milliers d'autres à travers le pays. Selon des chiffres officiels, 18 personnes ont été tuées depuis le début des manifestations, des centaines de blessés et au moins 5000 arrêtés. Les méthodes criminelles de la dictature de Pinochet, soutenue par les États-Unis, ont été ressuscitées, avec des informations faisant état de disparitions, de tortures infligées à des prisonniers et d'agressions sexuelles à l'encontre de femmes détenues au cours des manifestations.
Cette répression nue n'a eu comme réaction que de faire gonfler les manifestations. Selon les chiffres du ministère chilien de l'Intérieur, 424.000 personnes ont participé à 68 marches et manifestations distinctes à travers le pays mercredi. Sans aucun doute, le chiffre réel est beaucoup plus élevé. Une grève générale se poursuivait pour son deuxième jour jeudi, mobilisant des centaines de milliers d'autres personnes dans les rues.
Entre-temps, le Liban a également été secoué par des manifestations de masse au cours de la semaine écoulée, faisant descendre dans les rues environ un quart des six millions d'habitants que compte le pays. Le facteur déclencheur immédiat a été la tentative du gouvernement d'imposer une nouvelle mesure d'austérité sévère visant à faire payer à la classe ouvrière la crise économique profonde, à savoir une taxe de 6 $ par mois sur les messages WhatsApp. Comme au Chili, les tentatives d'utilisation de l'armée pour disperser des manifestations n'ont fait qu'exacerber la colère populaire.
A la fois Piñera au Chili et ses homologues libanais, le Premier ministre Saad Hariri et le président Michel Aoun, ont tenté d’atténuer les bouleversements populaires par des déclarations de remords et des propositions de mesures d’aide économique minimales. Dans les deux pays, les masses dans les rues ont rejeté ces gestes cyniques comme étant trop peu, trop tard, et exigé la chute des régimes.
Dans les deux pays, la dynamique derrière les manifestations de masse est l’accroissement incessant de l'inégalité sociale. Au Liban, les 1 pour cent les plus riches accaparent 58 pour cent de la richesse, tandis que les 50 pour cent les plus pauvres en possèdent moins de 1 pour cent, dans un pays longtemps considéré comme le paradis «du marché libre» de la région pour l’investissement capitaliste. Au Chili, récemment présenté par Piñera comme une «oasis» régionale pour le capital financier, le 1 pour cent le plus riche engloutit 33 pour cent du revenu national, selon les données de la Banque mondiale de 2017.
Le New York Times, principal porte-parole de l'élite dirigeante américaine, a pris note de l'éruption de manifestations de masse au Chili, au Liban et dans d'autres pays, commentant dans un article à la une que «les experts perçoivent une tendance: un hurlement plus fort que d’habitude contre les élites dans les pays où la démocratie est une source de déception, où la corruption est perçue comme éhontée et où une toute petite classe politique vit dans l’opulence alors que la jeune génération a du mal à joindre les deux bouts.»
Curieusement, ce qui manque dans cet article dont le gros titre décrit de «fureur populaire à travers le monde» est ce qui se passe aux États-Unis. Il cite l'un des «experts», Vali Nasr, qui a récemment quitté son poste de doyen de la faculté de John Hopkins pour les hautes études internationales, qui déclare: «Dans les pays où les élections sont décisives, comme les États-Unis et la Grande-Bretagne, le scepticisme à l'égard de l’ordre politique traditionnel a donné lieu à des résultats populistes, nationalistes et anti-immigrés aux urnes. Dans d'autres pays, où les gens n'ont pas voix au chapitre, des manifestations massives éclatent.»
Les éditeurs du Times sont-ils vraiment inconscients de ce qui se passe aux États-Unis ou cherchent-ils à se donner du courage? Ils publient cet article alors que 46.000 travailleurs de l'automobile sont en grève contre General Motors depuis 40 jours et que 32.000 enseignants et employés d'école de Chicago entrent dans la deuxième semaine d'un débrayage qui a fermé le deuxième district scolaire du pays. Aux États-Unis, le nombre de travailleurs en grève l'année dernière - plus d'un demi-million - était le plus élevé depuis plus de trois décennies.
Toutes les conditions décrites par le Times dans d’autres pays ; l’inégalité sociale profonde, la corruption et un système politique totalement indifférent aux intérêts des masses de travailleurs, trouvent leur expression flagrante aux États-Unis, au centre du capitalisme mondial, où 1 pour cent de la population accumule environ 40 pour cent de la richesse totale, et une explosion sociale est également à l’ordre du jour.
Jeudi, le Times aégalement publié un éditorial intitulé «Le Chili apprend le prix à payer de l'inégalité économique». Notant que «la colère des manifestants est le résultat des frustrations de la vie quotidienne», il explique que: «Les Chiliens vivent dans une société des disparités économiques extraordinaires [...] la prospérité de Santiago est indéniable. Vu du sommet du plus haut bâtiment d'Amérique du Sud, qui se dresse au milieu d'un quartier financier appelé «Sanhattan», les quartiers d’appartements de luxe, d’hôpitaux privés et d’écoles privées s'étendent à perte de vue.
«Mais la pauvreté de Santiago est également frappante: les hôpitaux publics en ruine, les écoles surpeuplées, les bidonvilles situés à la périphérie de la métropole.
«Et plus loin de Santiago se trouvent des villes épargnées par le récent boom économique.»
Remplacer le Chili par les États-Unis et «Sanhattan» par Manhattan, et il n'y aurait pas grand chose à modifier de cette représentation d'un pays dominé par l'inégalité sociale.
Le coefficient de Gini, la mesure statistique la plus utilisée pour évaluer l'inégalité des revenus, place les États-Unis à 41,5 à peine moins inégaux que le Chili à 47,7.
L'éditorial du Times attribue la crise chilienne à la «conception trop étroite à long terme de ses obligations envers ses citoyens», qu’il attribue à la dictature de Pinochet, qui dirigea le pays de 1973 à 1990, et pour avoir imposé des politiques fondées sur la «concurrence du marché libre». Ce qu’il oublie de mentionner, c’est que ces politiques ont été élaborées par les soi-disant «Chicago Boys», économistes bourgeois formés par le parrain du «marché libre» de l’Université de Chicago, Milton Friedman.
Les mêmes politiques essentielles ont été mises en place par les gouvernements américains successifs - démocrates et républicains - privant des millions de personnes de services sociaux essentiels allant des soins de santé aux aides alimentaires en passant par les retraites, tout en laissant 40 millions de personnes vivant au-dessous du seuil de pauvreté officiel de $25.000 par an pour une famille de quatre personnes.
Les manifestations au Chili et au Liban sont marquées par les déclarations des manifestants des deux pays, selon lesquelles les dernières mesures d'austérité ne sont que la goutte qui ont fait déborder le vase, et qu'ils luttent contre un ordre social inégale qui s'est développé pendant les 30 dernières années. Au Chili, ces trois décennies ont commencé avec la fin de la dictature militaire et au Liban, avec la fin de la guerre civile.
Ceci est aussi l'expression d'un changement mondial. Les relations sociales créées au cours des 30 dernières années ont commencé avec le rétablissement du capitalisme par la bureaucratie stalinienne en Union soviétique. Elles ont été fondées sur la suppression de la lutte de classe, la montée ininterrompue de l'inégalité sociale et du parasitisme financier et le vaste transfert de richesses des masses de travailleurs du monde entier à une très petite élite de riches. Aujourd'hui, cet ordre social se délite rapidement sous l’effet d'une résurgence de la lutte de la classe ouvrière internationale.
Des événements objectifs révèlent la faillite politique complète des organisations de la pseudo-gauche et des soi-disant universitaires «de gauche» qui avaient enterré la classe ouvrière et la lutte pour le socialisme. Rien dans leur perspective, basée sur le nationalisme et les politiques d’identité, ne prévoyait l’apparition d’une éruption mondiale de la lutte de classe.
Cependant, le World Socialist Web Site et le Comité international de la Quatrième Internationale (CIQI) ont largement anticipé ces événements, tant dans leur analyse théorique que dans leur pratique.
Dans son document de perspectives publié en 1988, intitulé «La crise capitaliste mondiale et les tâches de la IVe Internationale», le CIQI a expliqué pourquoi la lutte des classes revêtirait inévitablement un caractère mondial, fondé sur «le développement massif des sociétés transnationales et l'intégration mondiale de la production capitaliste qui en découlait, ont produit une uniformité sans précédent dans les conditions auxquelles les travailleurs du monde sont confrontés.»
Le document indiquait: «Depuis longtemps, le marxisme a énoncé la proposition élémentaire que la lutte de classe n’est nationale que dans sa forme, mais qu’il s’agit essentiellement d’une lutte internationale. Cependant, étant donné les nouvelles caractéristiques du développement capitaliste, même la forme de la lutte de classe doit revêtir un caractère international. Même les luttes les plus élémentaires de la classe ouvrière posent la nécessité de coordonner ses actions à l'échelle internationale.»
Cela devient maintenant la question politique la plus urgente et la plus concrète. Les manifestations sociales et les grèves de masse actuelles sont l’expression initiale de la lutte révolutionnaire croissante de la classe ouvrière internationale pour mettre fin au capitalisme et réorganiser l’économie mondiale de manière à répondre aux besoins sociaux et non au profit privé.
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