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16 novembre 2005 — Après plusieurs jours de réflexion et d’appréciation, il apparaît que les attentats d’Amman du 9 novembre (11/9) pourraient être perçus comme un tournant très important du terrorisme international rassemblé autour d’Al Qaïda (réalité ou “concept”, peu importe en l’occurrence). Qui plus est, le symbolisme est tentant et semble favoriser cette réflexion: 11/9 (9 novembre, selon la terminologie US) après 9/11 (11 septembre [2001]).
Plusieurs choses ont été mises en évidence à cette occasion :
• L’intervention contre un pays voisin à partir d’Irak.
• L’efficacité des attaques, peut-être avec l’aide de militaires jordaniens.
• L’insistance frénétique des sources terroristes, notamment celles qui paraissent venir d’Al Qaïda ou y être apparentées, à revendiquer l’opération.
Un article de Rami G. Khouri, du journal Daily Star de Beyrouth, article publié le 14 novembre dans l’International Herald Tribune, illustre bien cette impression de l’importance essentielle des attentats de Amman. « Just as 9/11 was Osama bin Laden and Al Qaeda's declaration of war against the United States and others accused of encroaching on the Islamic realm, the 11/9 attacks last week should be seen as a war cry within the narrower Arab realm. »
L’article détaille les éléments bien connus qui conduisent à l’évidence que l’intervention US en Irak a accru considérablement les capacités et l’activité des terrorismes, notamment en offrant une base de soutien pour ces terroristes, dans un Irak que personne ne contrôle. (Cette base de soutien, l’Irak, beaucoup mieux placée que l’Afghanistan pour porter le fer incandescent du terrorisme dans la région qui en est à la fois la matrice et l’objectif naturel.) Khouri observe : « The critical political and operational point is that American-dominated Iraq has provided the environment of occupation, resistance, violence and chaos that has made that country the base for attracting and training terrorists. »
Khouri est alors conduit à la sempiternelle question qui hante les pays arabes modérés et pro-américains : la lutte contre le terrorisme est une évidence mais peut-elle être menée dans le cadre que proposent, — voire, qu’imposent les Américains? C’est le dilemme qui déchire les dirigeants de ces pays depuis quelques décennies, qui s’est aggravé considérablement depuis 9/11, — qui arrive peut-être à sa phase finale avec 11/9… « The Jordanian public has reacted strongly, condemning terrorism and lauding Jordan's refusal to give in to the terrorists' demands. Yet ordinary Jordanians who are repulsed by terror against civilians share the dilemma of most other Arabs about how to react to this ugly phenomenon. That is because they also strongly reject the rationale for and conduct of American policies in Iraq, which seem to have accelerated the terror threat against many Arab regimes and societies.
» Supporting the U.S.-led “global war on terror” is an unattractive and uncomfortable option for most ordinary Arabs, for two reasons. First, many Arabs feel that American policies have promoted rather than reduced terror in the Middle East. The Jordanian commentator Jamil Nimri stated succinctly in the Amman daily Al-Ghad last week: “The United States' policy in fighting terrorism has made terrorism even worse and has widened its circle. We are the ones paying the price.” Second, ordinary Arabs find it hard to support the United States in Iraq or elsewhere when Washington's pro-Israeli position in the Israel-Palestine conflict has caused such pain and turmoil throughout the region — including indirectly pushing some Arab youth into the hands of bin Laden and Zarqawi. »
Les craintes non exprimées de ces pays arabes avec leurs dirigeants coincés dans leur dilemme concernent d’abord, pour l’immédiat et pour l’aspect concret du terrain de la lutte armée, cette idée qui est exprimée en passant, de façon semble-t-il accessoire mais en réalité fondamentale, dans ces remarques de Khouri : « The main point of 11/9 in Amman is not about the specific attack, but the wider war it portends. Zarqawi's group planned, carried out and took credit for this attack in Jordan, signaling a determination to pursue the ideological and military assault on America-friendly Arab regimes that bin Ladenists have called for in recent years. »
La question implicite est posée: n’allons-nous pas, pensent ces dirigeants arabes, devoir affronter une véritable guerre (“the wider war”)? Ils se trouveraient alors dans l’obligation de choisir. Tout ce qu’ils sont et tout ce qu’ils ont fait et font, en plus des circonstances elles-mêmes, conduisent à conclure qu’ils choisiraient de s’engager à fond dans la guerre américaine, aux côtés des Américains. Ils se trouveront aux côtés d’un partenaire incontournable, mais également insupportable, dont la puissance décroît, dont les erreurs dans la guerre contre la terreur ne cessent de s’accumuler et s’accumuleront encore plus. Ils se trouveront ainsi devant des perspectives de déstabilisation intérieure, à cause du sentiment anti-américain du public, qui les affolent déjà.
Ce scénario est-il possible? Tout est possible dans l’époque présente où la définition même du mot “guerre” est en débat ; par conséquent, ce scénario-là ou un autre, mais avec l’incertitude qu’on constate. Par contre, une certitude est d’ores et déjà en train de s’installer: la crainte de ces dirigeants arabes d’un affrontement prenant presque les allures d’une guerre. C’est une perception mais, aujourd’hui, les perceptions plus que les faits font les crises.