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1328Dans l’administration Bush, le secrétaire à la défense Gates reste sans aucun doute l’homme du changement. Sa dernière intervention, en marge et dans le cours du séminaire annuel de la Wehrkunde de Munich, constitue un pas qui n’est pas loin d’être révolutionnaire par rapport au catéchisme en cours dans l’administration GW Bush. Pour plaider en faveur d’un engagement en Afghanistan des Européens, Gates est prêt à jeter l’Irak aux orties.
Le New York Times du 9 février détaille cet aspect de l’intervention de Robert Gates:
«Defense Secretary Robert M. Gates said Friday that many Europeans were confused about NATO’s security mission in Afghanistan, and that they did not support the alliance effort because they opposed the American-led invasion of Iraq.
»“I worry that for many Europeans the missions in Iraq and Afghanistan are confused,” Mr. Gates said as he flew here to deliver an address at an international security conference.
»“I think that they combine the two,” he added. “Many of them, I think, have a problem with our involvement in Iraq and project that to Afghanistan, and do not understand the very different — for them — the very different kind of threat.”
»The comments were the first in which Mr. Gates had explicitly linked European antipathy to American policy in Iraq with the reason large segments of the public here do not support the NATO operation in Afghanistan.
»Mr. Gates’s assessment was an unusually candid acknowledgment from a senior member of President Bush’s cabinet that the war in Iraq had exacted a direct and significant political cost, even among Washington’s closest allies.»
On sait que le gentil Robert Gates, redevenu “gentil” après une courte passade à-la-Rumsfeld, entend désormais s’adresser aux opinions publiques occidentales, bien sûr avec l’accord des gouvernements correspondants, pour les convaincre de l’importance de soutenir l’effort de guerre en Afghanistan. (Ce que ces gouvernements n’ont pas réussi à faire, convaincre leurs opinions publisques. Bonne chance à Gates.)
«In a public diplomacy strategy somewhat unusual for an American defense secretary, Mr. Gates said he would speak directly to the people of Europe, and not to their governments, “in an effort to try and explain why their security is tied to the success in Afghanistan and how success in Afghanistan impacts the future of the alliance.”
»Mr. Gates acknowledged that there was a risk in making a personal appeal to Europeans for support in stabilizing and rebuilding Afghanistan when their own governments had not yet been able to make the case with complete success.»
Bref, que d’efforts de la part de Robert Gates. Et cette position tout à fait nouvelle, révolutionnaire, qui consiste à dire: “ne confondez pas l’Afghanistan avec l’Irak”; ce qui signifie, un petit pas de plus dans cette interprétation: “l’Afghanistan est une chose importante tandis que l’Irak était une sottise complète...” Au reste, cette interprétation devrait raisonnablement être considérée comme à peine sollicitée, si l’on a à l’esprit le véritable sentiment de Robert Gates sur l’Irak. (Gates vient du groupe Baker-Scowcroft, qui proposa pendant un temps un plan de retrait d’Irak et qui a toujours considéré l’expédition irakienne avec une extrême sévérité, sinon comme insensée.)
Quoi qu’il en soit, il s’agit, venant de la part d’un officiel du calibre du secrétaire à la défense, d’une prise de position importante, d’un abandon presque explicite de la position officielle de son administration. La chose attire trois remarques:
• Il n’existe plus aucune solidarité gouvernemetale d’aucune sorte au sein de l’administration GW Bush, qui navigue comme un bateau ivre. Chacun, chaque groupe de pouvoir prend les positions qui lui importent selon ses analyses et ses intérêts politiques.
• Il faut sans aucun doute que l’inquiétude du Pentagone à propos de la situation en Afghanistan soit réelle et profonde pour que Gates ait posé un tel acte. D’un point de vue pratique, cet acte vise à convaincre les Européens (le public européen), en reconnaissant qu’ils n’avaient pas tort de condamner l’invasion de l’Irak, que l’Afghanistan est une autre affaire, beaucoup plus sérieuse, qui mérite leur engagement.
• Tout cela est bel et bon mais sera-ce suffisant? Les Européens peuvent répondre qu’ils ne voient pas pourquoi les Américains, s’étant trompé sur l’importance de l’Irak selon l’aveu implicite du secrétaire à la défense Gates, ne se tromperaient pas à nouveau sur l’Afghanistan. L’aveu implicite d’une erreur antérieure (Irak) n’est en rien l’assurance d’un jugement juste sur le cas présent (Afghanistan). Accessoirement, on peut observer que les remarques de Gates vont largement alimenter les critiques générales contre les USA, donner raison à ceux qui s’opposèrent à l’invasion de l’Irak et rendre bien pathétiques les éventuelles demandes d’aide US pour l’Irak, si les USA y revenaient.
Mis en ligne le 11 février 2008 à 05H57