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75478 août 2022 (14H55) – Lorsque l’Opération Militaire Spéciale (OMS) a commencé, le 24 février 2022, tout paraissait clair dans l’esprit des observateurs. La Russie devait aller vite pour régler cette affaire, surtout éviter l’“enlisement”. Certains y voyaient, qui pour s’en réjouir qui pour s’en désoler, une consigne de l’au-delà, une sorte de doctrine “RIP-Brzezinski” opérationnalisé en un piège de type-“néo-Zbig” : faire de l’Ukraine un “second Vietnam” pour la Russie, comme l’Afghanistan avait été, en 1980-1988 et à l’instigation du même Zbigniew Brzezinski, le “Vietnam de l’URSS” (donc “premier Vietnam” de la Russie).
Très vite, en même temps que s’élevait comme un opéra wagnérien scandé par le régiment-Azov le concert d’admiration médiatique et de louanges communicationnelles pour l’héroïsme ukrainien et le génie stratégique de Zelenski, il devint admis que cette doctrine “néo-Zbig” était bien la pensée profonde de D.C. et du Pentagone. Il fallait « mettre la Russie à genoux », la chose fut dite par l’imposant secrétaire à la défense Austin ; c’est-à-dire, faire durer le conflit, pour que la Russie s’y épuise, militairement et économiquement, conduisant en toute logique américaniste à une révolte populaire mettant Poutine à bas et instaurant la démocratie néo-libérale et bien entendu américaniste.
En plus et pour la parfaite équité, il faut être juste et songer aux quarante discours-Macron qui ont fait la France ! Avec son flair infaillible, son intuition quasi-divinatoire, sa sublime vision stratégique, son sens moral exacerbé à la manière de la cithare lancinante comme le destin de l’Anton Karas du ‘Troisième Homme’, la France macroniste avait vu juste avant tout le monde. Elle nous avait averti, dès le lendemain de l’attaque et d’une voix de maître par Bruno Lemaire, que nous allions « faire s’effondrer l’économie russe » et mettre la Russie dans un sinistre et mortel isolement. Ensuite, on la découperait en parts égales, et pour les US un peu plus égale que les autres, comme l’on fait d’une tarte au miel de Samarcande.
Bref, nous étions fixés, c’est-à-dire, – après avoir consulté notre dictionnaire des “idées reçues” à la rubrique Bouvard-et-Pécuchet, – que nous étions mystifiés... Car peu à peu, les choses changèrent très vite. L’opéra wagnérien sur l’héroïque Zelenski se transforma en une ‘Prova d’orchestra’ à-la-Fellini et nous pûmes commencer à reconnaître, dans les torrents de censures diverses déversés sur nous pour nous assurer d’une exceptionnelle récolte idéologique sans canicule inopportune pour l’héroïsme-woke, quelques éclats de ce que nous appelons une vérité-de-situation ; certes et redite, “peu à peu, les choses changèrent très vite” pour nous faire comprendre que les choses n’allaient pas du tout dans le sens impérativement proclamé, mais plutôt inversement, dans le sens interdit par les consignes du Camp du Bien.
Bref (bis), je passe là-dessus car on en connaît assez pour en arriver à la situation présente. Les Russes dominant leur sujet, mais peu à peu sans trop se presser et plutôt en canonnant diablement l’adversaire pour éviter les pertes ; l’économie russe rose de plaisir et pétante de santé tandis que l’inverse survient de l’autre côté, du côté que je nomme, comme vous le savez, bloc-BAO comme si l’on y trouvait la force d’un bloc de granit ; et comme d’habitude, enfer et damnation, simulacre de la chose, papier-mâché plutôt que granit...
Le premier composant de ce développement (tournant ?) “inattendu” (?) de la fortune du monde est peut-être ceci que je désignerais comme le premier élément du “tournant profond” dont l’on parle dans le titre... Ce que l’on annonçait dur comme du granit pour la Russie est en train de se produire pour le bloc de papier-mâché. Au contraire, la Russie caracole, avec une économie florissante et une machinerie militaire qui produit ce qui importe ; au contraire, c’est le bloc-BAO qui sème le carnage dans son économie et qui ne cesse de s’épuiser militairement dans des initiatives grotesques, – par exemple, lorsque CBS.News, pourtant bien vu dans le Camp du Bien, vous annonce que 70% des $milliards d’armements transférés à l’Ukraine au détriment des réserves militaires des donateurs disparaissent dans diverses poches des escouades d’oligarques et des “bataillons spéciaux” des corrompus. (Les tentatives de censure par les petits soldats du GAFAM bloquant la vidéo de CBS.News démontrant cette situation relèvent du pathétique-bouffe ; notre système de censure est vraiment en train de devenir fou tant il est grossier et fait bon marché de lui-même...)
Là-dessus, surprise surprise (pour les prophètes-courts), le deuxième composant du “tournant profond” se trouve dans ce fait que la Russie n’est pas, mais alors pas du tout isolée comme nous le promettaient Lemaire & Cie... Parmi les innombrables signes de la chose, on peut citer une sorte de “preuve par le G20” (celui de novembre en Indonésie). Les pays qui se sont opposées à toute mesure symbolique sinon vexatoire contre la Russie, y compris la non-invitation faite à Poutine, donc ces pays qui ont pris sans équivoque le parti de la Russie sont au nombre de dix : l’Afrique du Sud, l’Arabie Saoudite, l’Argentine, le Brésil, la Chine, l’Inde, l’Indonésie, le Mexique, la Russie et la Turquie. Le reste, dans la volaille du camp adverse, c’est le bloc de papier mâché, regroupé autour du sémillant Biden. Qui est isolé par rapport à qui et à quoi ?
Ainsi est apparu le second constat après le premier qui est que la “guerre longue” avantage la Russie et non le bloc-BAO, et le second enchaînant directement sur le premier. Cette situation de “guerre longue” fixe un antagonisme non plus d’une guerre régionale, mais d’un affrontement autour du sort d’une civilisation. Cette idée largement partagée désormais, notamment par Jacques Sapir, est celle du “Grand-Sud” faisant sécession du leadership arrogant du bloc-BAO et mettant en cause tout ce qu’il reste de son vacillant édifice. Du coup, l’Ukrisis du départ, composé de l’affrontement de la Russie contre le régime de Kiev, prend la dimension globale et cosmique de l’affrontement entre l’ordre ancien qui s’effrite affreusement dans ses querelles et troubles internes, qui perd sa puissance économique et militaire, et le reste (“The Rest of the World”) qui lève l’étendard de la révolte et ne cesse de pousser à cette dynamique de déconstruction des déconstructeurs.
Ainsi en suis-je conduit à mon hypothèse centrale du “tournant profond” du président russe Poutine. Je suis soudain poussé par le sentiment intuitif que cet homme, soudain pressé, lui, par un affrontement régional peut-être improvisé et délicat, a découvert tout soudain combien l’adversaire, – l’OTAN et non plus le clown-Zelenski, – était faible, vulnérable, totalement intoxiqué par ses propres narrative, et qu’il y avait là une occasion unique à saisir, une occasion que le destin ordonnait de choisir. Ainsi l’homme de la guerre courte et audacieuse aurait-il choisi de passer à la guerre longue et prudente, pour entretenir une dynamique qui enflamme le monde entier et met mortellement en cause la suprématie d’une civilisation plongée dans l’abîme noir...
« ...notre situation présente, au bord de l’abîme, dégringolant dans l’abîme, disparaissant dans ce trou noir sans fond que nous avons nous-mêmes creusé, et que même nous continuons à creuser au long de la chute comme si nous voulions que cette chute soit encore plus profonde, plus éperdue, plus enfouie, creusant au fond comme l’on fait pour une chute sans fond... »
Évidemment, aujourd’hui que cela semble être fait dans le sens de cette dynamique, on est tenté de penser que l’avisé Poutine ne pouvait pas passer à côté de ce qu’il aurait préparé, et que son “tournant profond” était une évidence qu’il ne pouvait qu’exploiter exactement comme il l’avait prévu. Je suis moins assuré de cela (de cette prévision) dans mon sentiment d’être absolument assuré qu’il y a bien un “tournant profond”, passant d’une Ukrisis locale à l’Ukrisis globale. Je crois que la puissance des événements, qui nous vient de bien au-dessus de nous, a dû surprendre Poutine lui-même, qu’il a caché sa surprise derrière son impassibilité qui fait sa grande force de caractère, et ainsi pouvant s’installer parfaitement pour mieux assurer sa conduite et négocier à merveille ce qui était devenu dans cette aventure incroyable, un “tournant profond” sanctifiant la GrandeCrise dans tous ses états.
La fantastique vitesse de l’événement dont l’impulsion nous vient des dieux nous prend tous par surprise, y compris celui qui en fait le meilleur usage possible. Ainsi sommes-nous assurés de vivre une époque sans pareille dans l’histoire du monde. C’est souvent bien lourd à porter ; c’est parfois lumineux à contempler
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